Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,1.1899/​1900

DOI Heft:
No. 14 (Novembre 1899)
DOI Artikel:
Chronique
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34203#0114

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L'ART DECORATIF

grammes officiels, dont l'application rigoureuse est
imposée partout comme un article de foi. Alors, on
nationalisa un certain nombre d'écoles, on subven-
tionna les autres, à la condition qu'elles accepte-
raient les programmes et l'inspection de l'Etat. Et,
ainsi, ce que le second Empire, malgré son despo-
tisme, n'avait pas osé faire, le gouvernement de
la troisième République l'a fait. Il s'est emparé,
peu à peu, de cet organisme social, l'enseignement
artistique pour les industries, comme il s'est em-
paré de tous les autres. Directement ou indirecte-
ment, par les nombreux et irrésistibles moyens
d'action, de séduction, de propagande et de coerci-
tion dont il dispose, l'Etat gouverne aujourd'hui cet
enseignement autocratiquement, de telle sorte que,
quels que soient les titres et qualificatifs qu'elles
portent, nationales, régionales, municipales,
Dessin, Beaux-Arts, Arts décoratifs ou Arts indus-
triels, — toutes les écoles pour nos industries d'art
fonctionnent, sur toute la surface du pays, avec
une uniformité complète d'organisation, de pro-
grammes, de méthodes, de règlements, et d'objec-
tifs.
(( Et par mie coïncidence étrange, cette évolution
s'est faite à l'heure même où, dans tous les autres
pays d'Europe, — et particulièrement en Alle-
magne et en Angleterre, les gouvernements
eux-mêmes développaient l'application du principe
fécond de la liberté et de la décentralisation en
matière d'enseignement artistique pour les indus-
tries. Les résultats des deux systèmes ont continué
l'anthithèsedes principes qui les ont inspirés. ^
Que devraient être, que sont dans les autres
pays les écoles d'art industriel, et que sont-elles
chez nous ?
c Ces écoles doivent avoir pour but de fournir
aux futurs ouvriers, contremaîtres et patrons, ce
qu'ils désirent, ce dont ils ont besoin. Leur orga-
nisation — règlements, méthodes et programmes
— doit être conçue en vue de leur permettre d'at-
teindre ce but ; et, en conséquence, elle doit être
basée sur ce principe : faire connaître et faire aimer
le métier. Ce métier il faut qu'on le montre aux
élèves tel qu'il est, dans son prosaïsme comme
dans sa poésie, dans ses douleurs comme dans
ses joies,danssesluttes comme dans ses triomphes;
tel que l'ont fait pénible, difficile et complexe,
mais hardi, ingénieux, et puissant, le développe-
ment de la concurrence étrangère, le régime de
l'usine, la division technique du travail, et les
conquêtes de la science. Il faut qu'on leur fasse
voir que, s'il impose des limites aux caprices de
l'imagination, ce métier ouvre des horizons nou-
veaux à l'intelligence informée, par l'observation
de la nature, des richesses inépuisables de formes
et de décorations qu'elle possède dans tous ses
domaines, et éveillée à la beauté et à la variété
infinies de ce qu'il peut produire, quand il est supé-
rieur, par l'étude des grandes œuvres du présent et
du passé. Cette instruction et cette éducation les
feront triompher de toutes les difficultés de la vie
artistique et industrielle.
<( L'organisation actuelle des écoles pour les
industries d'art peut-elle faire atteindre ce but?
(( L'enseignement officiel de l'art dérive tout
entier de ce principe d'esthétique nouveau : e En
a art, l'éducation de l'homme du monde, de i'ou-
« vrier, et de l'artiste repose sur une base iden-
t< tique et qui doit être commune à tous m Ce
principe philosophiquement a une certaine éléva-
tion, mais il est étranger aux réalités de la vie

économique et sociale. L'enseignement qu'il a
inspiré a pour résultat de façonner, aux jeunes
imaginations, un idéal en disproportion et en in-
compatibilité avec les moyens et le but de la vie à
réaliser dans les conditions normales ; et il fait
ainsi manquer la destinée à des milliers de jeunes
gens : la force productive de la nation. Alors, a
lieu une double évolution. A la plupart de ceux qui
étaient venus modestement, mais avec sagesse,
demander à l'école les moyens de se perfectionner
dans leur métier, de gagner mieux leur vie d'ouvrier
d'art, d'artisan, vient l'ambition de faire du
K grand artv. Sous l'influence de cet enseignement,
et des suggestions multiples, incessantes et sou-
vent irrésistibles, les parents caressent les mêmes
rêves; les Municipalités, les Conseils généraux y
encouragent, en votant des bourses pour envoyer
à Paris, et de là à Rome, les premiers lauréats.
Que deviennent ceux qui ne réussissent pas à con-
quérir cette nouvelle Toison d'or? Des déracinés,
des fruits secs, incapables, faute d'un vrai métier,
de gagner leur vie honorablement. Il y a une
analogie frappante de conséquences désastreuses
pour l'individu et pour la société, entre cet en-
seignement artistique et l'enseignement univer-
sitaire : l'un et l'autre, pour les mêmes raisons,
engendrent le prolétariat intellectuel, la misère en
habit noir, et préparent l'anarchie.
<-r D'autre part, la statistique comparée de la
fréquentation des institutions d'enseignement
général du dessin, année par année, accuse partout
une diminution constante du nombre des élèves,
au fur et à mesure que les cours s'élèvent, diminu-
tion qui aboutit, dans la dernière partie du cycle
des études, à la disparition des trois quarts, et
même souvent plus encore. On motive cette dispa-
rition par l'insouciance, la légèreté, et la mobilité
d'esprit de l'enfance et de la jeunesse : c'est là de
l'observation superficielle, sinon un moyen de
cacher la vérité inopportune. Les apprentis et les
ouvriers quittent les cours, parce que, dès le
début, ils n'ont pas la sensation de l'utilité de ce
qu'on leur y apprend, parce que leur intuition leur
révèle, malgré toutes les illusions dont on l'entoure,
bue cet enseignement, sans matériel d'expériences,
sans ateliers, sans laboratoires, sans pratique,
sans leçons de choses, sans collections d'œuvre
d'art, n'est pas sérieux ; parce qu'ils sont décou-
ragés par des programmes faits pour des élèves
ayant les moyens de consacrer un temps très long
à ces études générales, sans la préoccupation du
présent, ni celle de l'avenir.
<-' On a tenté de remédier à cette situation par le
système des bourses, des prix, et des diplômes,
par des subventions alimentaires : c'était tomber
de Charybde en Scylla. L'école devient elle-même
une carrière, où les prix sont le but à atteindre, où
la conquête du diplôme est le couronnement des
ambitions. Quelles déceptions ces prix et ces
diplômes réservent à l'entrée dans la vie indus-
trielle où ils n'ont plus aucune valeur ! Au lieu de
former des ouvriers et des artisans, cet enseigne-
ment ne fait que de futurs fonctionnaires, d aspi-
rants mandarins. Dans cet enseignement, comme
dans tous les autres, les diplômés, ou ne trouvant
pas à gagner leur vie, ou ne voulant pas sortir de
la caste budgétivore, réclament à l'Etat la satis-
faction des droits qu'üs imaginent leur avoir été
conférés par ces diplômes et par les promesses
d'avenir de gloire dont on les a accompagnés. ^
Résultat : dans toutes les écoles d'art des dépar-

94
 
Annotationen