J. GRAN1É
ENLUAUNURE POUR L' HISTOIRE DE TESSANCOURT
JOSEPH GRANÎE
Lorsque vous avez considéré ce peut homme, vous vous
dites: «Avant tout, c'est quelqu'un.» Puis vous hésitez: sa vigueur,
quelque brusquerie, son regard sont d'un moderne et d'un ner-
veux: œil qui saute, qui juge, qui voit profond, qui déshabille
et qui dissèque, coup de pouce de celui qui crée, qui modifie,
souplesse de corps de celui qui sait rendre la souplesse et le
mouvement, tout est d'un impressionniste (et ici impressionniste
a son sens le plus fort et, si j'ose dire, idéal). Mais laissez l'homme
sourire: c'est un sourire renseigné, lent et qui dure, c'est le
sourire du philosophe qui sait, qui a appris, et vous retrouvez ce
sourire patient dans les yeux qui, malgré leur vivacité ont lu, ont
vu, ont regardé et à qui il a fallu du temps et des études avant
de s'emparer de la nature, de la poser, de la mettre en place,
de la réduire à son expression la plus simple, la plus intense et
la plus complète. Allez plus loin. Inventoriez le logis de l'artiste:
des reliures et des textes, des livres anciens et modernes, des
romans et des Bibles, des auteurs classiques et symbolistes : vous
êtes chez un érudit, chez un passionné du Verbe, chez un poète,
un chercheur — et un trouveur.
Car Joseph Granié a trouvé et retrouvé: en un effort, en
sa féconde inquiétude, il ne s'est pas contenté de saisir l'instant
qui fuit, le geste qui ne s'achève pas, le caractère qui se dessine
sans s'affirmer, en ce qui vaut toute une vie: l'hésitation, la demi-
moue, l'accent des sourcils ou la virgule de lèvres où cette vie se
L'ART DÉCORATIF. No. 15.
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