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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,1.1899/​1900

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No. 17 (Février 1900)
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Obrist, Hermann: Pourquoi ecrire sur l'art?
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https://doi.org/10.11588/diglit.34203#0212

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L'ART DÉCORATIF


PORCHE DE LA VILLA OBRIST

aux journaux. Et quel dédain des critiques, des
écrivains, des confrères instruits, des profanes
à l'esprit cultivé ! Et pourtant, le poisson peut-
il juger la mer et en même temps sa plage?
L'artiste instruit seul est placé pour savoir;
celui-là seul peut à la fois contempler l'art
de dehors et plonger dans son sein. Ajou-
tez que beaucoup de grands talents abhorrent
de scruter l'art. Celà fait se poser les questions
inquiétantes; on s'aperçoit trop bien que ce
n'est pas tout de regarder la nature et le
chevalet, qu'il faut prendre position dans ces
«théories grises». Le doute viendrait; il fau-
drait expérimenter; on risquerait de perdre son
orientation. Plutôt non.
«Alors, à quoi bon parler art — répondra-
t-on — s'il n'en sort que des querelles? Plutôt
écrire. Au moins peut-on s'exprimer sans
se voir sans cesse interrompu ou incompris.»
— Certes. Et c'est justement à cette pensée
qu'obéissent à leur insu la plupart des auteurs
de brochures. Il faut écrire sur l'art jusqu'à

ce que cela ait fait son effet, jusqu'à ce que
la notion de ce qu'il faut chercher et de ce
qu'il faut fuir dans l'art aie pénétré jusque chez
les artistes les plus récalcitrants. Chaque lecteur
dans l'esprit duquel on aura fait jaillir la lu-
mière élargit le cercle de ceux qui savent.
Depuis vingt ans, ce cercle s'agrandit à vue
d ceil. Le plaisir pris à l'art est plus prompt,
plus intense, plus divers. Sans la presse, il y
aurait bien plus de philistins.
«Oui, — va-t-on me dire — l'écrit est bon
pour appeler l'attention du public sur les pro-
ductions de l'art. Mais épargnez à l'art les
théories, les exhortations, les interdictions, les
règles d'esthétique. Il n'est resté enchaîné
que trop longtemps, il doit vivre libre main-
tenant. Les talents forts n'ont pas besoin de
règles; les autres peuvent et doivent disparaître.»
Certes; mais c'est que justement ils ne dis-
paraissent pas; qu'ils se portent fort bien, con-
tinuant à peindre, modeler, bâtir en rangs
serrés, et semant à tous les coins de rue, dans
tous les intérieurs, dans tous les livres des
myriades de choses insignifiantes et dépourvues
de goût. Et l'on doit combattre tout ce qui
est banal, tout ce qui est vulgaire, car tout
le monde en souffre. Voilà pourquoi il faut
écrire, discuter et batailler jusqu'à ce qu'on aie
trouvé de meilleurs moyens. Nous allons en
rechercher.
Il existe un moyen pacifique et direct :
c'est de répandre la saine connaissance dans les
rangs des artistes producteurs, d'enseigner ce
qui est esthétique, d'arrêter à sa naissance l'inesthé-
tique et le banal. Le progrès sera plus grand
en une génération qu'il ne l'était en cinq.
«Ah! revoici le maître d'école allemand! Il
n'en faut pas. Libre concurrence. Place aux
forts!» — Vieux mots que tout celà. Les prin-
cipes de Cobden n'ont rien à voir dans l'art.
Un effort spontané et sans guide n'a jamais
conduit à la pleine floraison qu'un nombre infime
de talents. Sur le total des hommes doués, p8%
ne se sont pas développés pleinement; et cela
non-seulement à cause des circonstances défavo-
rables, mais par incapacité native à mettre leurs
dons en valeur, par manque de pouvoir com-
parer leurs œuvres à d'autres travaux, d' avoir
acquis la notion raisonnée du bon et du moins

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