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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,1.1899/​1900

DOI issue:
No. 17 (Février 1900)
DOI article:
Obrist, Hermann: Pourquoi ecrire sur l'art?
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34203#0216

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^^3- L'ART DÉCORATIF

aucun doute quelques-uns préféreront les vul-
gaires. Mais la plupart iront aux bonnes,
surtout aux plus riches. Enfin, un petit nombre
se prononcera pour la chaise de Ricmerschmid.
Maintenant, qu'on fasse la critique de ces choix ;
qu'on explique aux premiers leur erreur, aux
autres leur discernement, qu'on dise les raisons
pour lesquelles telle chaise est excellente et
telle autre détestable, les raisons de commodité,
celles de métier, celles d'esthétique. Qu'on
répète cette démonstration souvent, et nous
croyons que ces jeunes gens-là seront sauvés
du meuble vulgaire pour toujours.
Le point capital de notre proposition, c'est
que la connaissance ne peut sortir y'zz/v'rAvzzzvz^
que de la contemplation jzzzzzz/z'zzzzzG A œwz-
y^rzzvzz'z'zz^ du bon et du mauvais. Les autres
moyens éducatifs, par exemple le spectacle des
seules belles choses dans les musées ou les
étalages, font leur effet, mais n'agissent que
beaucoup plus lentement. L'œil doit voir et
jouir, et l'intelligence se poser aussitôt la question:
pourquoi?
Les philistins ne manqueront pas de faire
une objection. «Cela peut être bon dans le
domaine pratique de l'art industriel; mais qu'est-
ce que cela vient faire dans le grand art?
Prétendez-vous enseigner la fresque ou la pein-
ture historique par ce procédé de maître d'école?
Les artistes bénis de Dieu peuvent seuls accom-
plir les grandes choses. L'œuvre magistrale
d'un Raphaël échappe à la critique analytique.»
Voyons ce qui en est. Louons une grande
salle; invitons les artistes, en particulier les
élèves de l'école des beaux-arts, à une conférence
avec projections. Projetons sur l'écran en gran-
deur naturelle et l'un à côté de l'autre — non
l'un après l'autre — le CD/zAzz* rAx Nzzzzz-
^zzzzz'v de Rubens et la fresque de Prell
au palais Caffarelli à Rome ; montrons pour-
quoi l'un respire la puissance de la vie encore
exaltée par le traitement décoratif, pourquoi
l'autre n'est que de l'art de théâtre, joie des
badauds.
Projetons ensuite la fresque de Benozzo
Gozzoli dans la chapelle du palais Ricardi à
Florence à côté d'une des fresques de Cornélius
à la résidence royale de Munich. On voit alors
d'une part un dessin d'une fraîcheur naïve,

une couleur vigoureuse et saine, de l'autre la
composition faite de subtilités, de recherches
et de prétentions, la couleur dure et crayeuse
de l'homme à qui la spontanéité et la joie de
vivre furent refusés.
Puis une fresque de Ghirlandajo à S^- Maria
Novella de Florence à côté du C/D'z'A h
/'D/jvzz/'z' de Klinger. C'est un cas difficile,
vu l'hypnose exercée par cette dernière œuvre;
il faudra de plus longues explications pour
faire saisir que Ghirlandajo fut un grand
peintre, robuste, simple et cependant penseur
profond et que l'œuvre de Klinger trahit la
nervosité d'un grand songeur qui essaie de
peindre.
Nous continuerons par le Cb/zyzArzz/zz' de
Bôcldin à côté de l'apothéose de l'empereur
Guillaume L' par Ferdinand Relier. Ici, un
héros; là, un empereur de gala. D'un côté,
un puissant effet décoratif; de l'autre, des
draperies de tapissier autour d'une piste de
cirque.
Encore un ou deux couples de projections,
et ce sera tout pour un soir. En recommen-
çant tous les huit jours pendant deux mois, on
peut attendre quelque effet.
On devine à combien de branches de l'art
ces conférences peuvent s'appliquer. Existe-t-il
un domaine de l'esthétique dans lequel la
création ne puisse être fécondée en expliquant,
démontrant, exhortant? Quelle belle tâche,
pour celui qui voudrait en faire la sienne !
Ce n'est que par les sens que les choses de
l'esthétique sont saisies vite et sans équivoque.
L'écrit ne se comprend qu'après que l'œil a
vu. Il faut voir, toujours voir; sinon, l'homme
même doué reste stérile.
«Alors, vous vous figurez que par ces spectacles
comparatifs d'art, les grands artistes vont surgir
par douzaines?»
Pas du tout. On n'enseigne pas à DhAQz/zv
le bon art. Des artistes copiant le bon au lieu
du mauvais, ce n'est pas cela que nous voulons.
Mais nous pouvons leur montrer efficacement
ce qu'ils doivent éviter pour ne pas produire
le banal, le convenu, le contre sens, le commun.
Et quel bonheur si, rien qu'à force de leur
mettre systématiquement le trivial sous les
yeux jusqu'à leur en donner la nausée, on

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