L'ART DECORATIF
DÉCORATIONS A L'ENTRÉE DU PAVILLON
DES MAGASINS DU PRINTEMPS o n o o o o
P.M. RUTY
bonheur )), Albert Besnard les traduit en cette
œuvre magistrale. Jamais son art ne fut plus
profond, plus poétique, comme jamais aussi
bien sa composition ne fut plus ample, plus
somptueuse, sa brosse plus libre, plus hardie,
plus experte à faire jouer les reflets sur la
nacre humide des épaules et des gorges, l'am-
bre chaud des chevelures, la moire frémissante
des eaux. Avec les frises de Steinlen, avec le
plafond et le panneau si délicieux de Cheret, ce
mélancolique (( Débarquement pour Cythère ))
forme un ensemble où notre caractère national,
sous ses trois aspects d'humanité, de rêve, de
pimpante et joyeuse fantaisie, se trouve très
heureusement exprimé. Sans doute, ces œu-
vres sont presque des œuvres de circonstance;
elles sont faites pour orner des édifices hâtive-
ment construits, destinés à disparaître bientôt,
elles semblent participer un peu de ce caractère
hâtif et temporaire. Mais les étrangers qui nous
cherchent vainement en bien des compositions
prétendues définitives, souvent ennuyeuses et
vides, s'ils s'arrêtaient à ces peintures (( éphé-
mères a, verraient apparaître soudain notre âme
d'aujourd'hui et de toujours.
Ces étrangers se livrent d'ailleurs eux-
mêmes dans des créations caractéristiques.
M. Henri Frantz a dit excellemment les mérites
originaux qui distinguent, au pavillon de l'Asie
Russe, les fresques de Constantin Korovine; je
veux rapidement signaler ceux qui font des
fresques de Galien, au pavillon finlandais, une
œuvre profondément nationale. L'auteur a puisé
au trésor des légendes populaires. Il nous a
montré, aux moments les plus significatifs de
leur carrière fabuleuse, forgeant le Sampo,
(( disque radieux et mystique 9, labourant le
champ aux vipères, défendant le palladium sa-
cré contre la Mère des Ténèbres, l'immortel
héros Ilmarinen et Vaïnamoïnen, le rhapsode
vénérable qui cède la terre natale aux prêtres
chrétiens, mais qui laisse sur le rivage son
(( Kantele 9, sa harpe rustique, pour la joie et
la consolation du peuple de Finlande. M. Gal-
ien a traité cela sobrement, d'une manière un
peu fruste, un peu sévère, un peu farouche, et
5o
DÉCORATIONS A L'ENTRÉE DU PAVILLON
DES MAGASINS DU PRINTEMPS o n o o o o
P.M. RUTY
bonheur )), Albert Besnard les traduit en cette
œuvre magistrale. Jamais son art ne fut plus
profond, plus poétique, comme jamais aussi
bien sa composition ne fut plus ample, plus
somptueuse, sa brosse plus libre, plus hardie,
plus experte à faire jouer les reflets sur la
nacre humide des épaules et des gorges, l'am-
bre chaud des chevelures, la moire frémissante
des eaux. Avec les frises de Steinlen, avec le
plafond et le panneau si délicieux de Cheret, ce
mélancolique (( Débarquement pour Cythère ))
forme un ensemble où notre caractère national,
sous ses trois aspects d'humanité, de rêve, de
pimpante et joyeuse fantaisie, se trouve très
heureusement exprimé. Sans doute, ces œu-
vres sont presque des œuvres de circonstance;
elles sont faites pour orner des édifices hâtive-
ment construits, destinés à disparaître bientôt,
elles semblent participer un peu de ce caractère
hâtif et temporaire. Mais les étrangers qui nous
cherchent vainement en bien des compositions
prétendues définitives, souvent ennuyeuses et
vides, s'ils s'arrêtaient à ces peintures (( éphé-
mères a, verraient apparaître soudain notre âme
d'aujourd'hui et de toujours.
Ces étrangers se livrent d'ailleurs eux-
mêmes dans des créations caractéristiques.
M. Henri Frantz a dit excellemment les mérites
originaux qui distinguent, au pavillon de l'Asie
Russe, les fresques de Constantin Korovine; je
veux rapidement signaler ceux qui font des
fresques de Galien, au pavillon finlandais, une
œuvre profondément nationale. L'auteur a puisé
au trésor des légendes populaires. Il nous a
montré, aux moments les plus significatifs de
leur carrière fabuleuse, forgeant le Sampo,
(( disque radieux et mystique 9, labourant le
champ aux vipères, défendant le palladium sa-
cré contre la Mère des Ténèbres, l'immortel
héros Ilmarinen et Vaïnamoïnen, le rhapsode
vénérable qui cède la terre natale aux prêtres
chrétiens, mais qui laisse sur le rivage son
(( Kantele 9, sa harpe rustique, pour la joie et
la consolation du peuple de Finlande. M. Gal-
ien a traité cela sobrement, d'une manière un
peu fruste, un peu sévère, un peu farouche, et
5o