L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,1.1900/1901)

MARS 1901

terre, et, de fait, beaucoup se bornent encore à
Timitation ou au pastiche, la masse du public
n'en demandant pas davantage. Aussi l'influence
de William Morris et de Walter Crâne, quoique


J. OBIOLS DIANE

excellente en soi, aurait-elle un rôle néfaste en
Amérique si elle y persistait. Les arts intimes
de là-bas deviendraient autant de branches exo-
tiques de l'art britannique. Les courageux ar-
tistes de là-bas qui se sont mis à réagir ont

donc fort à faire, et pour réaliser des ouvrages
franchement originaux, et pour les imposer, ne
serait-ce qu'à l'élite. L'inertie, le mercantilisme
des confrères, l'ignorance, l'incompétence des
acheteurs sont de terribles obstacles. Enfin la
création d'un art national dans un pays qui ne
possède ni traditions, ni réelle unité, puisque
plusieurs races s'y développent sans se fu-
sionner, exige un travail énorme et une énergie
peu commune. Ceux qui, sciemment, entre-
prennent cette tâche grandiose doivent com-
mencer par se former eux-mêmes, œuvre longue
et pénible. Or, M. L. C. Tiffany est au premier
rang parmi ces fondateurs. Et voilà qui explique
son œuvre. ALPHONSE GERMAIN.

A TRAVERS LA SCULPTURE
ARMi les merveilles exposées l'été dernier
par la Manufacture de Sèvres, il y en avait
une qui transportait plus que toutes les autres le
public. C'était cet adorable de
Léonard, dont les douze danseuses, la joueuse
de flûte au milieu d'elles sur son socle ceint
d'un délicat feuillage, et, à droite et à gauche,
les deux figures éclairant la danse de la lueur
des torches qu'elles élèvent, formaient le milieu
de table le plus délicieux et le plus neuf qui se
puisse rêver.
Qu'elles étaient ravissantes, ces jeunes
femmes dansant, dans leur grâce décente et si par-
faitement exempte d'afféterie ! Jamais sculpteur
n'a dit mieux ce que disent celles-ci. Et, tenez,
ce n'est pas la place de sortir l'étendard du
chauvinisme, mais peut-on retenir cette réflexion,
que l'artiste dont l'imagination entrevit ces
créatures exquises derrière les femmes que
la réalité place sous ses regards a du coup
fait justice des sottes calomnies qui repré-
sentent son pays comme le foyer de la
dépravation? Ces jeunes femmes, vous les avez
reconnues, sous leur robe archaïque et malgré
les sandales; les crotales même qu'une d'elles
sonne de ses mains délicates ne vous ont pas
trompé: ce sont des Françaises, des Parisiennes.
Leurs traits où la retenue ne parvient pas à
comprimer l'esprit, la finesse du geste vous l'ont
dit tout de suite. Ah! que nous voilà loin de
cette décence minaudière et factice, de cette
grimace de la décence qu'on voudrait nous
envoyer d'ailleurs, propre au plus à faire
prendre en dégoût la vertu ! Merci de l'offre !
Nous préférons la nôtre.


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