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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 3,1.1900/​1901

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No. 27 (Décembre 1900)
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Magne, Lucien: La décoration du fer
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https://doi.org/10.11588/diglit.34205#0157

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DÉCEMBRE 1900

rage ne détruise pas pour l'œil les formes de
résistance.
Le défaut du treillis est de laisser pour le
spectateur les deux ailes d'une poutre ou d'une
ferme insuffisamment reliées entre elles. Ce dé-
faut est très apparent à la Galerie des machines,
où, par suite de l'écartement des ailes et du
rapprochement des pièces, les arcs des diffé-
rentes fermes ont leurs aites superposées en
perspective, l'œil distinguant à peine dans un
fouillis de lignes courbes et de lignes brisées
les divisions des travées.
L'emploi de la tôle pour les remplissages
évite au contraire les maigreurs et autorise le
tracé d'ornements très souples empruntés à la
flore et à la faune, que le travail du repoussé
vivifie en créant dans les parties pleines des
effets de relief qui s'ajoutent à ceux de l'ajou-
rage. Le public semble avoir bien apprécié
cette innovation dans le décor du fer : il a re-
connu qu'on pouvait, sans choquer ni les yeux,
ni la raison, élever sur un support de métal
évidé des murs en céramique, parce que le mé-
tal a des formes qui lui sont propres, et que sa
résistance est apparente, lors même qu'on le
colore d'un ton s'harmonisant avec celui de
la céramique qui lui est adossée.
Il est à peine croyable qu'après l'Exposition
de i88q, où l'emploi du fer apparent avait donné
de légitimes espérances, on ait, en 1900, géné-
ralement masqué par de misérables placages
de plâtre les constructions métalliques.
Cependant on avait construit dans l'inter-
valle le pont Mirabeau, dont le grand arc, équi-
libré sur ses piles par deux demi-arcs, réalisait
sans culées un problème de construction difficile
par une solution vraiment artistique. L'ingé-
nieur M. Résal imaginait une solution différente
pour le pont d'une seule arche qui réunit les
Champs-Elysées à l'Esplanade des Invalides,
et la parfaite harmonie des éléments de con-
struction donnait encore à l'œuvre, avant l'ad-
dition de guirlandes et de trophées, son
caractère artistique.
Au cœur même de l'Exposition, dans le
grand palais des Beaux-Arts, l'un des ouvrages
les plus intéressants n'est-il pas le grand esca-
lier, exécuté sur les dessins de M. Louvet, et
dont le limon est soutenu par des consoles mé-
talliques de forme élégante enchâssant dans les
replis de leurs cornières les colonnes de porphyre
qui en constituent les supports? Comment pré-
tendre, après cet exemple, que le fer ne peut
s'accorder avec les matériaux lapidaires? Là

encore, comme au pavillon de la Grèce, c'est
l'assemblage de cornières rivées avec des tôles
évidées qui décore le métal, et le même parti
décoratif appliqué aux fermes du hall de M. De-
glane mérite les mêmes éloges.
D'ailleurs, tandis que la construction mé-
tallique progressait, le travail du métal forgé,
soudé ou repoussé, n'était pas négligé. Des
artisans habiles et doués d'initiative, tels que
M. Robert, osaient interpréter dans un senti-
ment très moderne des compositions décora-
tives où étaient utilisés les différents procédés
d'exécution, mais particulièrement le travail de
forge et de relevage au marteau du fer aminci,
facilitant la soudure des différentes pièces entre
elles.
Ainsi ont été faites sur mes dessins la
grille du cimetière des Chartreux à Bordeaux
et les pentures de l'église de Bougival, qui
peuvent être comparées pour l'exécution aux
plus belles ferronneries du Moyen âge. D'autres
pièces composées et exécutées par M. Robert,
grille pour le pavillon de l'Union centrale des
Arts décoratifs, lustre à décor floral, branches
de chardons et tiges de pavots étudiées en sup-
ports d'éclairage ou en frise décorative, prouvent
que l'artisan est capable d'exécuter avec per-
fection toute œuvre qui lui est confiée et de
profiter pour la composition de toutes les quali-
tés du métal.
Si la décoration du fer n'est pas encore
vulgarisée, si la construction métallique n'a pas
tiré du métal les éléments de sa décoration,
c'est que les artistes sont demeurés jusqu'ici
étrangers au travail technique du fer et insuffi-
samment préparés aux études de résistance qui
peuvent suggérer des combinaisons nouvelles;
c'est aussi que les ingénieurs, cantonnés dans leurs
formules et généralement rebelles aux émotions
artistiques, se contentent trop souvent de ré-
soudre matériellement les problèmes délicats
de la construction métallique, sans chercher la
solution d'art qui, mettant en relief les formes
de résistance, tire du métal lui-même l'effet dé-
coratif à chercher par la parfaite appropriation
des formes.
La décoration du fer par le fer lui-même
tel est le but qu'il faut se proposer, et qu'on
atteindra sûrement, parce que l'heure n'est plus
aux compromissions ni aux pastiches, et que la
construction métallique exige pour le métal des
moyens d'expression différents de ceux qu'on
imagina pour le bois ou pour la pierre.
LuCJEN MAGNE.

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