L'ART DECORATIF
gracieux entre tous, M. Bouval. Fondus avec le
plus grand soin, délicatement dorés ou recou-
verts de fines patines, les bronzes de M. Bouval
amusent les yeux en même temps qu'ils satis-
font l'esprit. Ils sont charmants et raisonnables.
Voiià des feuilles de nénuphar, des feuilles de
chêne ou de seringa qui se recourbent pour
recevoir le bristol des cartes de visite, la
cendre légère des cigarettes, la splendeur
éparse des joyaux et des bagues. Voilà des
encriers s'entourant de pensées et des salières
cachées au calice des pavots. D'aimables
petites femmes se dressent, s'agenouiilent,
s'étirent, se blottissent et supportent une coupe,
un vide-poches, forment la tige d'un cachet
d'onyx, la poignée d'un miroir dont elles sou-
tiennent l'ovale de leurs bras étendus. Ce pla-
teau simule un clair bassin d'où la tête d'une
naïade émerge entre les nymphéas, et le manche
de cette liseuse qui termine la feuille aiguë du
glaïeul, c'est une frêle créature, nue et pelo-
tonnée.
Inventions agréables, dominées par un
juste sentiment des convenances décoratives et
complètement exemptes de littérature. La petite
femme de M. Bouval est simple à ravir, simple
comme les fleurs auxquelles si souvent elle
s'allie. Ce n'est point la raide pimbêche que
nous montrent certains bronzes (( art j nou-
veau )), la poseuse au sec profil, aux mystiques
bandeaux, figée par la morgue symboliste.
Nous lui sommes reconnaissants de ne penser
à rien et de ne rien personnifier. Car vraiment
le symbolisme nous déborde et nous navre;
il envahit nos appartements, conspire contre
la quiétude de nos siestes et de nos songeries,
nous gâte l'âme innocente et la délicieuse pas-
sivité des choses. Avec lui, le moindre bibelot
LOUIS CHALON ENCRIER "PENSÉES" (COLIN & C" ÉD.)
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gracieux entre tous, M. Bouval. Fondus avec le
plus grand soin, délicatement dorés ou recou-
verts de fines patines, les bronzes de M. Bouval
amusent les yeux en même temps qu'ils satis-
font l'esprit. Ils sont charmants et raisonnables.
Voiià des feuilles de nénuphar, des feuilles de
chêne ou de seringa qui se recourbent pour
recevoir le bristol des cartes de visite, la
cendre légère des cigarettes, la splendeur
éparse des joyaux et des bagues. Voilà des
encriers s'entourant de pensées et des salières
cachées au calice des pavots. D'aimables
petites femmes se dressent, s'agenouiilent,
s'étirent, se blottissent et supportent une coupe,
un vide-poches, forment la tige d'un cachet
d'onyx, la poignée d'un miroir dont elles sou-
tiennent l'ovale de leurs bras étendus. Ce pla-
teau simule un clair bassin d'où la tête d'une
naïade émerge entre les nymphéas, et le manche
de cette liseuse qui termine la feuille aiguë du
glaïeul, c'est une frêle créature, nue et pelo-
tonnée.
Inventions agréables, dominées par un
juste sentiment des convenances décoratives et
complètement exemptes de littérature. La petite
femme de M. Bouval est simple à ravir, simple
comme les fleurs auxquelles si souvent elle
s'allie. Ce n'est point la raide pimbêche que
nous montrent certains bronzes (( art j nou-
veau )), la poseuse au sec profil, aux mystiques
bandeaux, figée par la morgue symboliste.
Nous lui sommes reconnaissants de ne penser
à rien et de ne rien personnifier. Car vraiment
le symbolisme nous déborde et nous navre;
il envahit nos appartements, conspire contre
la quiétude de nos siestes et de nos songeries,
nous gâte l'âme innocente et la délicieuse pas-
sivité des choses. Avec lui, le moindre bibelot
LOUIS CHALON ENCRIER "PENSÉES" (COLIN & C" ÉD.)
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