MARS 1901
grandeur superficielle de l'œuvre de M. d'Es-
pagnat.
D'ailleurs la plupart de ces compositions
sont faciles, claires, riantes et conviennent bien
aux nécessités de la décoration moderne. Nous
sommes las des scènes mythologiques, des jolis
scandales de l'Olympe, des pastorales enru-
bannées, des Vénus, des Amours, des Satyres,
des bergers et des bergères dont le goût per-
GEORGES D'ESPAGNAT
Viviane et des Lancelot, des Sphynges, des
((Maîtresses d'Esthètes)) et des Notre-Dame de
La Rose-Croix. Mieux vaudrait encore la nymphe
opulente et sensible que la maigre hile revêche,
mieux vaudrait l'Arcadie ou le Pays de Tendre
que les domaines du Mystère ou les limbes de
l'Au-delà. Mais nous souhaitons autour de nous
des aspects et des formes de notre âge, nous
voulons vivre notre vie, et non le cauchemar de
nos peintres néo-quattrocentistes, et non le rêve
sistant du XVIIL siècle encombre encore nos
murailles. Surtout nous redoutons dans nos de-
meures l'invasion du symbolisme. Malgré l'en-
thousiasme des snobs, nous nous défions des
peintres trop littéraires et ne nous soucions
point de voir incessamment processionnel*
sous nos yeux, aux heures des repas, de la
nonchalance, du travail ou du songe, des vierges
et des chevaliers en quête du Saint-Grâl, des
MÈRE ET ENFANT (FUSAIN ET SANGUINE)
galant de nos aïeux. Modernes, nous exigeons
de la modernité. Seulement cette modernité
doit être calme et reposante, assez discrète
pour ne troubler jamais la pensée dans son
labeur, assez plaisante toutefois pour la dis-
traire durant sa flânerie. Le spectacle de la
ville, avec ses rues bruyantes et ses foules, nous
apporterait trop de fièvre. Il nous faut la cam-
pagne et &es verdures douces, et la fraîcheur de
ses haleines. Il nous faut aussi une campagne
229
grandeur superficielle de l'œuvre de M. d'Es-
pagnat.
D'ailleurs la plupart de ces compositions
sont faciles, claires, riantes et conviennent bien
aux nécessités de la décoration moderne. Nous
sommes las des scènes mythologiques, des jolis
scandales de l'Olympe, des pastorales enru-
bannées, des Vénus, des Amours, des Satyres,
des bergers et des bergères dont le goût per-
GEORGES D'ESPAGNAT
Viviane et des Lancelot, des Sphynges, des
((Maîtresses d'Esthètes)) et des Notre-Dame de
La Rose-Croix. Mieux vaudrait encore la nymphe
opulente et sensible que la maigre hile revêche,
mieux vaudrait l'Arcadie ou le Pays de Tendre
que les domaines du Mystère ou les limbes de
l'Au-delà. Mais nous souhaitons autour de nous
des aspects et des formes de notre âge, nous
voulons vivre notre vie, et non le cauchemar de
nos peintres néo-quattrocentistes, et non le rêve
sistant du XVIIL siècle encombre encore nos
murailles. Surtout nous redoutons dans nos de-
meures l'invasion du symbolisme. Malgré l'en-
thousiasme des snobs, nous nous défions des
peintres trop littéraires et ne nous soucions
point de voir incessamment processionnel*
sous nos yeux, aux heures des repas, de la
nonchalance, du travail ou du songe, des vierges
et des chevaliers en quête du Saint-Grâl, des
MÈRE ET ENFANT (FUSAIN ET SANGUINE)
galant de nos aïeux. Modernes, nous exigeons
de la modernité. Seulement cette modernité
doit être calme et reposante, assez discrète
pour ne troubler jamais la pensée dans son
labeur, assez plaisante toutefois pour la dis-
traire durant sa flânerie. Le spectacle de la
ville, avec ses rues bruyantes et ses foules, nous
apporterait trop de fièvre. Il nous faut la cam-
pagne et &es verdures douces, et la fraîcheur de
ses haleines. Il nous faut aussi une campagne
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