la polémique
54. Dans le logis nord,
au deuxième étage, les lambris
sont aux armes des Hohenzollern.
La cheminée est ornée de
l'arbre généalogique de la
famille des Rathsamhausen.
Les symboles politiques au château
Le château ne présente aucune effigie impé-
riale, ni officielle ni cachée alors que Bodo
Ebhardt a laissé au moins cinq autoportraits
à différents endroits de la forteresse. Les
allusions à la domination allemande restent
limitées au portail érigé devant la herse, à
l'entrée du grand bastion, aux deux grandes
salles du logis ouest et aux textes accompa-
gnant les «marques d'années de chantier».
Sur le portail devant la herse, une inscription
évoque Guillaume II, roi de Prusse et empe-
reur des Allemands comme restaurateur du
château. Les armoiries de Charles Quint, juste
sous cette inscription, traduisent le souci de
légitimer les Hohenzollern comme la nou-
velle dynastie régnante, succédant à celle
des Habsbourg, propriétaires du château à
partir du XV" siècle. Au grand bastion, une
inscription rappelle que les fils du célèbre
Franz Conrad von Sickingen édifièrent une
partie du château et que Guillaume II le res-
taura; l'empereur se place ici comme le nou-
veau héros militaire. Dans la salle des fêtes
et dans la salle d'armes, les innombrables
armoiries célèbrent les principautés alleman-
des, la dynastie des Hohenzollern, celle des
Hohenstaufen ainsi que les villes alsaciennes
placées sous la protection de l'aigle impérial
et des princes du Saint-Empire...
A ces inscriptions s'ajoutent des signes plus
discrets: des «marques d'années de chantier»
qui permettent de signaler les parties qui ont
été restaurées au début de ce siècle.
Chaque année est indiquée par un symbole
différent, expliqué sur plusieurs panneaux
gravés dans le grès. Ainsi, l'année 1901 est
évoquée par un signe proche d'un W. Il,
désignant Guillaume II comme étant l'auteur
de cette restauration. Un B. E., discrètement
renaissant rappelle les recherches de Bodo
Ebhardt pour l'année 1902. A l'année 1903
correspond un aigle formé de trois H rappe-
lant que les Hohenzollern ont succédé aux
dynasties des Hohenstaufen et des Habs-
bourg, etc.
Les textes sont explicites sur les visées
politiques de la restauration mais ils ont été
gravés avant tout pour éclairer le public sur
l'âge de tel ou tel bloc de pierre.
Polémiques et contestations
Le parchemin retrouvé, le 17 février 1995,
dans l'aigle en cuivre du donjon démontre le
rôle symbolique de cette restauration: mar-
quer le retour de l'Allemagne en Alsace après
plus de deux siècles de présence française.
Si la Première Guerre mondiale a mis fin à
l'hégémonie allemande en Alsace-Lorraine,
une campagne de dénigrement de la res-
tauration du Haut-Kœnigsbourg, quelques
mois avant l'inauguration de mai 1908, a for-
tement contribué à faire de ce château l'em-
blème ridiculisé du pouvoir allemand.
En effet, à la fin de l'année 1907, un éditeur
strasbourgeois publia une gravure illustrant
une bataille entre des chats et des souris
devant un château fort. Heitz, l'éditeur, avait
publié ce bois gravé parce qu'il y avait
reconnu la véritable forme du donjon du Haut-
Kœnigsbourg, c'est-à-dire une tour ronde et
non carrée.
Cette publication, étayée par la parution d'un
ivoire représentant lui aussi le château du
Haut-Kœnigsbourg avec un donjon rond, fut
reprise par l'ensemble de la presse, semant
le doute sur les compétences de l'architecte
Bodo Ebhardt et contribuant par là-même à
dénigrer le propriétaire de ce château.
Mais un examen attentif de la gravure ne
permit pas d'identifier avec certitude le châ-
teau du Haut-Kœnigsbourg et l'ivoire s'avéra
être finalement un faux.
Cet épisode aurait pu être oublié si Hansi ne
l'avait repris avec un humour persifleur dans
son livre illustré, Le Haut-Kœnigsbourg dans
les Vosges et son inauguration, 1908, accré-
ditant ainsi la thèse d'une mauvaise restau-
ration. Pourtant, les relevés du château, effec-
tués par Emile Boeswillwald et publiés par
Eugène Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire
montraient, dès 1853, que le donjon était bien
de forme carrée.
Or, jusqu'à la fin des années 1980, on pou-
vait lire dans de très nombreux guides, y
compris parmi les plus sérieux, que le don-
jon avait une forme ronde, accréditant ainsi,
auprès du grand public et durant des décen-
nies, l'idée d'une falsification du monument
tout simplement parce que sa restauration
avait été l'œuvre de l'ennemi. M. F.
1. Revue alsacienne, 1880-81, p. 295.
2. Berliner Neueste Nachrichten, 5 mai 1899.
3. Schlettsatdter Zeitung, 9 mai 1899.
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54. Dans le logis nord,
au deuxième étage, les lambris
sont aux armes des Hohenzollern.
La cheminée est ornée de
l'arbre généalogique de la
famille des Rathsamhausen.
Les symboles politiques au château
Le château ne présente aucune effigie impé-
riale, ni officielle ni cachée alors que Bodo
Ebhardt a laissé au moins cinq autoportraits
à différents endroits de la forteresse. Les
allusions à la domination allemande restent
limitées au portail érigé devant la herse, à
l'entrée du grand bastion, aux deux grandes
salles du logis ouest et aux textes accompa-
gnant les «marques d'années de chantier».
Sur le portail devant la herse, une inscription
évoque Guillaume II, roi de Prusse et empe-
reur des Allemands comme restaurateur du
château. Les armoiries de Charles Quint, juste
sous cette inscription, traduisent le souci de
légitimer les Hohenzollern comme la nou-
velle dynastie régnante, succédant à celle
des Habsbourg, propriétaires du château à
partir du XV" siècle. Au grand bastion, une
inscription rappelle que les fils du célèbre
Franz Conrad von Sickingen édifièrent une
partie du château et que Guillaume II le res-
taura; l'empereur se place ici comme le nou-
veau héros militaire. Dans la salle des fêtes
et dans la salle d'armes, les innombrables
armoiries célèbrent les principautés alleman-
des, la dynastie des Hohenzollern, celle des
Hohenstaufen ainsi que les villes alsaciennes
placées sous la protection de l'aigle impérial
et des princes du Saint-Empire...
A ces inscriptions s'ajoutent des signes plus
discrets: des «marques d'années de chantier»
qui permettent de signaler les parties qui ont
été restaurées au début de ce siècle.
Chaque année est indiquée par un symbole
différent, expliqué sur plusieurs panneaux
gravés dans le grès. Ainsi, l'année 1901 est
évoquée par un signe proche d'un W. Il,
désignant Guillaume II comme étant l'auteur
de cette restauration. Un B. E., discrètement
renaissant rappelle les recherches de Bodo
Ebhardt pour l'année 1902. A l'année 1903
correspond un aigle formé de trois H rappe-
lant que les Hohenzollern ont succédé aux
dynasties des Hohenstaufen et des Habs-
bourg, etc.
Les textes sont explicites sur les visées
politiques de la restauration mais ils ont été
gravés avant tout pour éclairer le public sur
l'âge de tel ou tel bloc de pierre.
Polémiques et contestations
Le parchemin retrouvé, le 17 février 1995,
dans l'aigle en cuivre du donjon démontre le
rôle symbolique de cette restauration: mar-
quer le retour de l'Allemagne en Alsace après
plus de deux siècles de présence française.
Si la Première Guerre mondiale a mis fin à
l'hégémonie allemande en Alsace-Lorraine,
une campagne de dénigrement de la res-
tauration du Haut-Kœnigsbourg, quelques
mois avant l'inauguration de mai 1908, a for-
tement contribué à faire de ce château l'em-
blème ridiculisé du pouvoir allemand.
En effet, à la fin de l'année 1907, un éditeur
strasbourgeois publia une gravure illustrant
une bataille entre des chats et des souris
devant un château fort. Heitz, l'éditeur, avait
publié ce bois gravé parce qu'il y avait
reconnu la véritable forme du donjon du Haut-
Kœnigsbourg, c'est-à-dire une tour ronde et
non carrée.
Cette publication, étayée par la parution d'un
ivoire représentant lui aussi le château du
Haut-Kœnigsbourg avec un donjon rond, fut
reprise par l'ensemble de la presse, semant
le doute sur les compétences de l'architecte
Bodo Ebhardt et contribuant par là-même à
dénigrer le propriétaire de ce château.
Mais un examen attentif de la gravure ne
permit pas d'identifier avec certitude le châ-
teau du Haut-Kœnigsbourg et l'ivoire s'avéra
être finalement un faux.
Cet épisode aurait pu être oublié si Hansi ne
l'avait repris avec un humour persifleur dans
son livre illustré, Le Haut-Kœnigsbourg dans
les Vosges et son inauguration, 1908, accré-
ditant ainsi la thèse d'une mauvaise restau-
ration. Pourtant, les relevés du château, effec-
tués par Emile Boeswillwald et publiés par
Eugène Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire
montraient, dès 1853, que le donjon était bien
de forme carrée.
Or, jusqu'à la fin des années 1980, on pou-
vait lire dans de très nombreux guides, y
compris parmi les plus sérieux, que le don-
jon avait une forme ronde, accréditant ainsi,
auprès du grand public et durant des décen-
nies, l'idée d'une falsification du monument
tout simplement parce que sa restauration
avait été l'œuvre de l'ennemi. M. F.
1. Revue alsacienne, 1880-81, p. 295.
2. Berliner Neueste Nachrichten, 5 mai 1899.
3. Schlettsatdter Zeitung, 9 mai 1899.
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