DOI issue:
Nr. 1
DOI article:Ryszkiewicz, Andrzej: Van Loo et Pierre: (sur quelques tableaux avec "turqueries" dans les collections polonaises)
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.18860#0032
Plus d'un tiers fut englouti par son palais bien-aimé et le parc de Bellevue près de Paris. Quand
on lit une description contemporaine de l'aménagement de cette résidence, on retrouve d'in-
nombrables artistes qu'employait cette femme "très mal née, mais très bien élevée". A Bellevue
travaillèrent donc entre autres Falconet et Adam, Verbreck, Boucher et Oudry, enfin, comme
auteurs de nombreuses oeuvres — avant tout des dessus de portes — Carie Van Loo et J.B.
Pierre47. Il semble que parmi les peintres, ces deux derniers étaient les plus cotés. Ainsi, quand
après la mort de madame de Pompadour on dressa l'inventaire des oeuvres d'art qu'elle laissait,
ces deux noms se répétèrent très souvent. Le fonctionnaire chargé de rédiger cette liste notait
entre autres48 trois tableaux accrochés dans l'antichambre qui nous semblent intéressants:
"n° 1164 — N° 12. Un tableau sans bordure, composé de cinq figures, par M. PIERRE. Prisé
360 livres.
n° 1165 — N° 13. Un sérail composé du Grand Seigneur et de trois sultannes; tableau sans
bordure de forme contournée peint par Carie WANLOO, prisé 720 livres.
n° 1166 — N° 14. Un sultan peint par Carie VANLOO, prisé 450 livres".
On a l'impression, peut-être illusoire, que les numéros 12 et 13 (renvoyant à l'inventaire des
tableaux) se correspondaient: deux scènes à plusieurs figures sans bordure. Un des tableaux,
le seul des trois suffisament défini pour l'identifier (scène de harem, un bacha et trois sultanes,
les angles du tableau arrondis), fut peint par Carie Van Loo et estimé le double de l'autre, oeuvre
de Pierre. Le troisième tableau également, le Sultan de Van Loo, valait bien plus que l'ouvrage
de Pierre.
Ces maigres informations devraient être complétées par le catalogue des enchères après la
mort de madame de Pompadour qui eurent lieu à Paris le 28 avril 1766 et les journées suivantes49.
Au premier abord, la déception est grande: il n'y a dans le catalogue aucun tableau de Carie
Van Loo. Visiblement ils furent exclus des enchères et vendus séparément, sans doute avec
plus de profit. Ainsi, deux tableaux, la Sultane buvant le café et la Sultane brodant, furent achetés
en 1782 par l'antiquaire de Pétersbourg Klosterman pour l'Ermitage50. Mais après cette dé-
ception, nous attend une compensation. En effet nous lisons, sous le numéro 21 : "M. PIERRE
(Jean-Baptiste-Marie). Deux tableaux composés chacun de cinq figures. Dans l'un on remarque
une femme qui baise la main d'un Turc, et dans l'autre un cavalier français qui baise celle d'une
dame. Ces deux morceaux, agréables et très intéressants, sont peints avec beaucoup d'art. Ce
célèbre artiste s'y est distingué. Ils sont sur toile et portent chacun 3 pieds 5 pouces de haut
sur 4 pieds 3 pouces de large"51. Si on ajoute que ni Dandré-Bardon ni Fontaine ne connais-
saient un tableau de Carie Van Loo dont la description correspondrait à cette "turquerie" de
madame de Pompadour, il ne nous reste qu'à admettre que l'inventarisateur s'est trompé en
attribuant une des scènes à Pierre et l'autre à Van Loo.
Donc les deux tableaux étaient du pinceau de Pierre, faisant pendants aussi bien par la com-
position que par le sujet: sur l'un cavalier français baisait la main d'une dame, sur l'autre une
sultane baisait la main d'un bacha. Sans doute les deux tableaux avaient chacun cinq figures,
la même forme de rectangle horizontal aux angles arrondis et des dimensions analogues, env.
Ill X 138 cm. Depuis les enchères de la collection de Madame de Pompadour toute trace de
l'un et de l'autre fut perdue,52 on n'a non plus retrouvé jusqu'à maintenant ni croquis prépara-
toires, ni copies, ni reproductions gravées.
47. [P.T.N.] Hurtaut, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, 1779, I, pp. 564-568.
48. J. Cordey, Inventaire des biens de Madame de Pompadour rédigé après son décès, Paris, 1939, p. 85.
49. Catalogue des tableaux de différens maîtres (...) de feue madame la marquise de Pompadour, Paris, 1766.
50. Gossoudarstvennyi Ermitage. Otdel zapadnoevropeïskogo iskoustva. Katalog shivopissi, Leningrad, 1958, I, p. 265, nos 7489,
7490 (huile sur toile, 120x 127, de forme irrégulière, donc sans doutes des dessus de portes).
51. Catalogue des tableaux, op. cit., pp. 14-15. Les nos 22 et 23 aussi se rapportent à des tableaux de Pierre.
26
on lit une description contemporaine de l'aménagement de cette résidence, on retrouve d'in-
nombrables artistes qu'employait cette femme "très mal née, mais très bien élevée". A Bellevue
travaillèrent donc entre autres Falconet et Adam, Verbreck, Boucher et Oudry, enfin, comme
auteurs de nombreuses oeuvres — avant tout des dessus de portes — Carie Van Loo et J.B.
Pierre47. Il semble que parmi les peintres, ces deux derniers étaient les plus cotés. Ainsi, quand
après la mort de madame de Pompadour on dressa l'inventaire des oeuvres d'art qu'elle laissait,
ces deux noms se répétèrent très souvent. Le fonctionnaire chargé de rédiger cette liste notait
entre autres48 trois tableaux accrochés dans l'antichambre qui nous semblent intéressants:
"n° 1164 — N° 12. Un tableau sans bordure, composé de cinq figures, par M. PIERRE. Prisé
360 livres.
n° 1165 — N° 13. Un sérail composé du Grand Seigneur et de trois sultannes; tableau sans
bordure de forme contournée peint par Carie WANLOO, prisé 720 livres.
n° 1166 — N° 14. Un sultan peint par Carie VANLOO, prisé 450 livres".
On a l'impression, peut-être illusoire, que les numéros 12 et 13 (renvoyant à l'inventaire des
tableaux) se correspondaient: deux scènes à plusieurs figures sans bordure. Un des tableaux,
le seul des trois suffisament défini pour l'identifier (scène de harem, un bacha et trois sultanes,
les angles du tableau arrondis), fut peint par Carie Van Loo et estimé le double de l'autre, oeuvre
de Pierre. Le troisième tableau également, le Sultan de Van Loo, valait bien plus que l'ouvrage
de Pierre.
Ces maigres informations devraient être complétées par le catalogue des enchères après la
mort de madame de Pompadour qui eurent lieu à Paris le 28 avril 1766 et les journées suivantes49.
Au premier abord, la déception est grande: il n'y a dans le catalogue aucun tableau de Carie
Van Loo. Visiblement ils furent exclus des enchères et vendus séparément, sans doute avec
plus de profit. Ainsi, deux tableaux, la Sultane buvant le café et la Sultane brodant, furent achetés
en 1782 par l'antiquaire de Pétersbourg Klosterman pour l'Ermitage50. Mais après cette dé-
ception, nous attend une compensation. En effet nous lisons, sous le numéro 21 : "M. PIERRE
(Jean-Baptiste-Marie). Deux tableaux composés chacun de cinq figures. Dans l'un on remarque
une femme qui baise la main d'un Turc, et dans l'autre un cavalier français qui baise celle d'une
dame. Ces deux morceaux, agréables et très intéressants, sont peints avec beaucoup d'art. Ce
célèbre artiste s'y est distingué. Ils sont sur toile et portent chacun 3 pieds 5 pouces de haut
sur 4 pieds 3 pouces de large"51. Si on ajoute que ni Dandré-Bardon ni Fontaine ne connais-
saient un tableau de Carie Van Loo dont la description correspondrait à cette "turquerie" de
madame de Pompadour, il ne nous reste qu'à admettre que l'inventarisateur s'est trompé en
attribuant une des scènes à Pierre et l'autre à Van Loo.
Donc les deux tableaux étaient du pinceau de Pierre, faisant pendants aussi bien par la com-
position que par le sujet: sur l'un cavalier français baisait la main d'une dame, sur l'autre une
sultane baisait la main d'un bacha. Sans doute les deux tableaux avaient chacun cinq figures,
la même forme de rectangle horizontal aux angles arrondis et des dimensions analogues, env.
Ill X 138 cm. Depuis les enchères de la collection de Madame de Pompadour toute trace de
l'un et de l'autre fut perdue,52 on n'a non plus retrouvé jusqu'à maintenant ni croquis prépara-
toires, ni copies, ni reproductions gravées.
47. [P.T.N.] Hurtaut, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, 1779, I, pp. 564-568.
48. J. Cordey, Inventaire des biens de Madame de Pompadour rédigé après son décès, Paris, 1939, p. 85.
49. Catalogue des tableaux de différens maîtres (...) de feue madame la marquise de Pompadour, Paris, 1766.
50. Gossoudarstvennyi Ermitage. Otdel zapadnoevropeïskogo iskoustva. Katalog shivopissi, Leningrad, 1958, I, p. 265, nos 7489,
7490 (huile sur toile, 120x 127, de forme irrégulière, donc sans doutes des dessus de portes).
51. Catalogue des tableaux, op. cit., pp. 14-15. Les nos 22 et 23 aussi se rapportent à des tableaux de Pierre.
26