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Bulletin du Musée National de Varsovie — 16.1975

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Nr. 4
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Sandoz, Marc: Les peintures decoratives de la Chambre des Seigneurs du Château de Varsovie: "aujourd'hui au Musée National de Varsovie
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https://doi.org/10.11588/diglit.18860#0123
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Geoffrin. Malgré les lacunes de nos informations, nous voyons le roi s'occuper personnellement
de tous les détails. Il pense agir au mieux en confiant presque aveuglément tous ses intérêts
à Mme Geoffrin.

La première mention que nous trouvions est celle d'une lettre de Mme Geoffrin au roi, du
29 janvier 1766 : "... Je demande pour dernière grâce à votre majesté de me laisser la disposition
en entier des deux tableaux qui seront faits par Bouclier et par Vien. Ce sont deux hommes
que j'aime et estime de tout mon coeur, autant pour l'honnêteté de leur âme que pour leur
talent. Fiez-vous à moi pour l'exécution de ces deux tableaux. C'est un sacrifice que je demande
à Votre Majesté de l'ancienne amitié dont elle m'a honorée. Je supplie Votre Majesté de trouver
bon qu'ils ne vous envoient pas de dessins de leur idée ; il faut laisser leur imagination à l'aise ;
s'ils étaient obligés de suivre exactement le dessin qu'ils auraient envoyé à Votre Majesté ils
croiraient faire une copie. Je me joins à eux pour supplier Votre Majesté de leur laisser la bride
sur le cou. Ces deux hommes sont amis, ce qui est rare à trouver chez les artistes, ils seront
d'accord pour que leurs compositions aillent bien ensemble..." Le roi répond de bonne grâce,
en ajoutant une réflexion profonde : ".. .Pour vous marquer combien je désire de vous contenter
en tout, je veux bien ne plus exiger de dessins de Boucher ou de Vien, puisque, cela vous fait
plaisir ; mais comptez que vous êtes peut être la seule au monde pour qui j'aurai cette complai-
sance, car jamais on n'a commandé de grandes compositions de peinture (quand on s'en soucie
et qu'on croit s'y connaître un peu) sans esquisses. Ces esquisses ne font pas, je le sais, une loi
rigoureuse aux artistes, mais il y a quelquefois des choses dans la composition ou dans le costume
qui peuvent s'éloigner extrêmement de la pensée de celui qui commande les tableaux. Ceux-ci
ne me sont rien moins qu'indifférents. Je voudrais, s'il était possible, qu'au premier coup d'oeil
le spectateur fût frappé des idées de justice, d'émulation, de magnanimité et de concorde, que
ces tableaux sont destinés à faire naître. Mais, soit, vous le voulez ainsi, eh bien ! Boucher et
Vien seront dispensés de l'esquisse. Ma foi est aveugle, et je recevrai les tableaux de votre main
tels qu'ils soient. Je vous prie de croire que c'est un sarcifice très pénible que je fais..."5.

Notons cette phrase, qui est la définition de tout un programme, et peut-être d'une esthétique :
„Je voudrais..., qu'au premier coup d'oeil le spectateur fût frappé des idées de justice, d'émula-
tion, de magnanimité et de concorde, que ces tableaux sont destinés à faire naître"6. Nous
sommes loin de la notion de "l'art pour l'art", notion romantique qui nous paraît naturelle
aujourd'hui ; la peinture doit concourir à un but : ce but est moral. Ce sont là idées nouvelles,
dans ce siècle qu'on dit frivole, et Stanislas-Auguste, qui n'a pas en vain fréquenté la société
réfléchie de Paris, met en oeuvre des idées qui sont encore d'avant-garde, prises entre les feux
de la "petite manière", dont on fait grief à Boucher et à Natoire, et le goût antiquisant, venu
de Rome.

Les critiques d'art, après La Font de Saint-Yenne, en 1747, et les grands amateurs, derrière
le comte de Caylus, ainsi que l'Académie, qui polarise les efîorts, sugèrcnt de s'inspirer des
"images sublimes" d'Homère et de Virgile, pour recommander "d'étudier en philosophie le
coeur humain", et de "ne nous exposer que des actions nobles". On voudrait que les artistes
prissent leurs modèles dans la galerie de Versailles, où "l'immortel Lebrun a déployé l'étendue
immnse de son génie", et dans les grands maîtres du passé, les Raphaël, les Poussin, les Carrache
et les peintres de leur école. On met en garde contre ceux des amateurs qui demandent du "joli",
1' "enjoué", des "petites" pastorales, des chinois et des pantins". Toute la sagesse humaine

5. Lettre de Mme Geoffrin daté du 29 janvier 1766 ICorespondance... op. cit.. p. 208); réponse du roi du 22 février 1766
(Correspondance... op. ch., p. 214).

6. L'idée de justice devrait être illustrée par La continence de Scipion tableau commandé à Bouclier, exécuté finallement
par Joseph-Marie Vien ; l'idée d'émulation par César devant la statue d'Alexandre, tableau de Joseph-Marie Vien ; l'idée
de magnanimité par La tête de Pompée présenté à César de Louis Lagrenée et l'idée de concorde par Scilurus, roi de Scythes
fait rassembler ses enfant par Noël Hallé.

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