TRÉPANATION.
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Encore ses efforts réunis à ceux de Guillaume de Salicet et du
célèbre Lanfranc sont-ils en partie infructueux ; et l'opération du
trépan, comme déshonorée, se réfugie dans les mains de gens si
décriés qu'on ne les nomme que charlatans (circulatores). Guy de
Chauliac le premier reconstitue la trépanation, ne dédaigne
pas d'emprunter des connaissances nouvelles aux circulatores, et
restitue cette opération aux chirurgiens de profession. Il tire de
l'oubli la couronne de trépan abandonnée depuis Hippocrate,
lui ajoute la pyramide, et prescrit de ne pas trépaner au voisinage
des sutures.
Nous assistons maintenant à une série d'efforts non interrom-
pue. Vigo, Fallope, Garcano, André de La Croix, Fab. d'Aqua-
pendente perfectionnent les instrumens connus et en imaginent
de nouveaux. Ambroise Paré développe les indications et les
contre-indications du trépan beaucoup mieux qu'aucun de ses
prédécesseurs, et défend de perforer le frontal au niveau des
sinus frontaux. De concert avec Guillemeau son élève, il réussit
à simplifier les instrumens et à faire rejeter tous ceux qui embar-
rassaient le manuel opératoire de leurs inutiles complications. Le
méningophylax, les ciseaux, les trépans perforatifs tombent
dans l'oubli; et la nouvelle méthode plus simple de pratiquer la
trépanation est suivie par tous les chirurgiens du dix-septième
siècle malgré la tendance rétrograde de Scultet, qui met encore
toute sa gloire dans le mérite facile d'inventer des instru-
mens nouveaux. Une fois la partie mécanique de l'opération per-
fectionnée, les esprits se portent sur d'autres questions. On
s'aperçoit que d'autres accidens opiniâtres pouvaient céder au
trépan. Panarotti, Marchettis et Severin trépanent dans les cé-
phalalgies chroniques dues à des causes vénériennes et dans l'é-
pilepsie et la nécrose des os du crâne. Glandorp, pour évacuer
un amas de liquide épanché dans la dure-mère, incise cette
membrane, ce que n'avait jamais osé faire aucun chirurgien
avant lui. De La Vauguyon résout le premier un problème im-
portant en démontrant que les symptômes de compression du
cerveau sont l'indication formelle du trépan, et qu'on doit alors
l'appliquer lorsqu'il n'y a qu'une simple fissure des os ou même
lorsqu'ils sont intacts. Ce principe, généralement adopté et prin-
cipalement soutenu par de La Motte, Rouhaut, Méry et Garen-
geot, fut peut-être porté trop loin dans son application. Aussi
voyons-nous bientôt quelques chirurgiens restreindre beaucoup
les cas où le trépan est nécessaire, et même faire naître des soup-
çons sur l'efficacité réelle de cette opération. Jean de Wyck sou-
tient hardiment que la trépanation est toujours mortelle; mais
il est sagement réfuté par Pott, qui, tout en avouant la gravité
de l'opération, lui reconnaît des résultats utiles dans certains
cas qu'il précise. Dès cette époque les opinions originales sem-
blent taries, et nous voyons la critique reprendre toutes les an-
ciennes questions, les discuter et les contrôler soit par les faits,
soit par le raisonnement. Aussi ne trouvons-nous plus jusqu'à
nous que des observations et des statistiques sur l'emploi du
trépan dans les plaies de tête, sans aucune innovation. L'art de
trépaner était encore cependant susceptible d'extension : La Mar-
tinière trépane le sternum pour évacuer une collection purulente
formée dans le médiastin, Else place une couronne de trépan
sur l'omoplate frappé de carie, etc., et, tout-à-fait de nos jours,
nous avons vu tenter la trépanation du rachis.
TRÉPANATION DES OS DU CRANE.
Indications. Marchettis, Sala, de La Motte ont trépané avec
succès dans lepilepsie, Panarotti, Fabr. de Hildcn clans les cé-
phalées chroniques et dans l'hypocondrie; on conçoit en effet
que l'opération puisse être indiquée quand ces maladies recon-
naissent pour cause la présence d'un corps étranger ou d'une
tumeur, exostose, tumeur fibreuse ou érectile, etc. Mais, en
acceptant ces faits dans leur valeur relative et sans leur oppo-
ser les résultats contradictoires que la science possède, nous de-
vons toutefois regarder le diagnostic de ces sortes de cas, les in-
dications qu'ils présentent et les chances de l'opération qui a pour
but de les guérir, comme entourés de trop d'incertitude pour
que I on puisse établir en précepte d'y appliquer une opération
aussi grave que 1 est en elle-même la trépanation : nous nous oc-
cuperons donc seulement ici des indications du trépan relatives
aux plaies de tête. On se propose ou de relever des os enfoncés,
ou d'extraire des esquilles, ou de donner issue à des liquides ac-
cidentellement épanchés dans la cavité du crâne. Dans tous ces
cas l'intention curative du trépan est évidemment la même et
consiste à soustraire l'organe encéphalique aux effets de la com-
pression dont la présence est une cause actuelle ou éloignée
d'accidens les plus graves. Mais a-t-on des données positives pour
diriger le chirurgien dans sa pratique, et l'opération elle-même
atteint-elle avec certitude le but désiré? Tel est l'état de la ques-
tion. Jusqu'au dix-huitième siècle les chirurgiens érigeaient le
trépan en formule générale et le prescrivaient sans distinction
dans toutes les espèces de plaies de tête soit comme moyen cu-
ratif des accidens consécutifs , lorsqu'ils sont déclarés, soit
comme moyen préservatif lorsqu'ils ne sont pas encore déve-
loppés. Cet abus de la trépanation fut vivement combattu par
.Ï.-L. Petit, Quesnay, Richter, Pott, Desault, A. Cooper, etc.,
qui limitèrent l'emploi du trépan aux cas seulement où les sym-
ptômes d'irritation et de compression secondaires se manifestent
avec une certaine intensité. Cette doctrine est fondée sur la gra-
vité du trépan, comme opération, et sur l'expérience démontrant
que des épanchemens de sang ont pu se résorber complètement
par un traitement bien dirigé. Cependant la réaction dont Desault
fut le principal organe eut également son excès en faisant consi-
dérer la trépanation comme une ressource désespérée à laquelle,
dans cette opinion, on n'avait recours que trop tard. Ainsi, sans
être aussi prodigue du trépan que les devanciers de Desault,
la prudence et l'expérience veulent qu'on ait immédiatement
recours à cette opération, sans attendre les accidens consécutifs ,
10 dans toutes les fractures du crâne avec ou sans enfoncement,
2° toutes les fois qu'il existe une forte attrition du tissu des os,
3° dans tous les cas où la dure-mère a été intéressée par un in-
strument piquant, 4° dan* les plaies par armes à feu compli-
quées de corps étrangers. Toutefois la trépanation, dans ces cas
mêmes, peut être inutile lorsque la plaie de l'os est assez large
pour donner issue aux corps étrangers et aux produits de la
suppuration.
Points du crâne qui permettent l'application du trépan. Les au-
teurs recommandent en général de ne pas porter le trépan au
niveau des sinus frontaux, sur la partie moyenne du frontal, sur
les sutures des os du crâne, sur la protubérance occipitale et
vers l'angle antérieur et inférieur du pariétal. Toutefois ce pré-
cepte n'est pas tellement absolu que l'on ne puisse, dans des cas
de nécessité, trépaner sur tous les points du crâne. Bérenger de
Carpi, Cortésius, Hoffman ont porté avec succès le trépan sur
les sutures et au niveau des sinus frontaux; Garengeot, Sharp ,
Callisen et Lassus ont prouvé par des faits que l'hémorragie pro-
duite par l'ouverture des sinus de la dure-mère est sans résultats
fâcheux et s'arrête ordinairement d'elle-même. Carcano, Job et
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Encore ses efforts réunis à ceux de Guillaume de Salicet et du
célèbre Lanfranc sont-ils en partie infructueux ; et l'opération du
trépan, comme déshonorée, se réfugie dans les mains de gens si
décriés qu'on ne les nomme que charlatans (circulatores). Guy de
Chauliac le premier reconstitue la trépanation, ne dédaigne
pas d'emprunter des connaissances nouvelles aux circulatores, et
restitue cette opération aux chirurgiens de profession. Il tire de
l'oubli la couronne de trépan abandonnée depuis Hippocrate,
lui ajoute la pyramide, et prescrit de ne pas trépaner au voisinage
des sutures.
Nous assistons maintenant à une série d'efforts non interrom-
pue. Vigo, Fallope, Garcano, André de La Croix, Fab. d'Aqua-
pendente perfectionnent les instrumens connus et en imaginent
de nouveaux. Ambroise Paré développe les indications et les
contre-indications du trépan beaucoup mieux qu'aucun de ses
prédécesseurs, et défend de perforer le frontal au niveau des
sinus frontaux. De concert avec Guillemeau son élève, il réussit
à simplifier les instrumens et à faire rejeter tous ceux qui embar-
rassaient le manuel opératoire de leurs inutiles complications. Le
méningophylax, les ciseaux, les trépans perforatifs tombent
dans l'oubli; et la nouvelle méthode plus simple de pratiquer la
trépanation est suivie par tous les chirurgiens du dix-septième
siècle malgré la tendance rétrograde de Scultet, qui met encore
toute sa gloire dans le mérite facile d'inventer des instru-
mens nouveaux. Une fois la partie mécanique de l'opération per-
fectionnée, les esprits se portent sur d'autres questions. On
s'aperçoit que d'autres accidens opiniâtres pouvaient céder au
trépan. Panarotti, Marchettis et Severin trépanent dans les cé-
phalalgies chroniques dues à des causes vénériennes et dans l'é-
pilepsie et la nécrose des os du crâne. Glandorp, pour évacuer
un amas de liquide épanché dans la dure-mère, incise cette
membrane, ce que n'avait jamais osé faire aucun chirurgien
avant lui. De La Vauguyon résout le premier un problème im-
portant en démontrant que les symptômes de compression du
cerveau sont l'indication formelle du trépan, et qu'on doit alors
l'appliquer lorsqu'il n'y a qu'une simple fissure des os ou même
lorsqu'ils sont intacts. Ce principe, généralement adopté et prin-
cipalement soutenu par de La Motte, Rouhaut, Méry et Garen-
geot, fut peut-être porté trop loin dans son application. Aussi
voyons-nous bientôt quelques chirurgiens restreindre beaucoup
les cas où le trépan est nécessaire, et même faire naître des soup-
çons sur l'efficacité réelle de cette opération. Jean de Wyck sou-
tient hardiment que la trépanation est toujours mortelle; mais
il est sagement réfuté par Pott, qui, tout en avouant la gravité
de l'opération, lui reconnaît des résultats utiles dans certains
cas qu'il précise. Dès cette époque les opinions originales sem-
blent taries, et nous voyons la critique reprendre toutes les an-
ciennes questions, les discuter et les contrôler soit par les faits,
soit par le raisonnement. Aussi ne trouvons-nous plus jusqu'à
nous que des observations et des statistiques sur l'emploi du
trépan dans les plaies de tête, sans aucune innovation. L'art de
trépaner était encore cependant susceptible d'extension : La Mar-
tinière trépane le sternum pour évacuer une collection purulente
formée dans le médiastin, Else place une couronne de trépan
sur l'omoplate frappé de carie, etc., et, tout-à-fait de nos jours,
nous avons vu tenter la trépanation du rachis.
TRÉPANATION DES OS DU CRANE.
Indications. Marchettis, Sala, de La Motte ont trépané avec
succès dans lepilepsie, Panarotti, Fabr. de Hildcn clans les cé-
phalées chroniques et dans l'hypocondrie; on conçoit en effet
que l'opération puisse être indiquée quand ces maladies recon-
naissent pour cause la présence d'un corps étranger ou d'une
tumeur, exostose, tumeur fibreuse ou érectile, etc. Mais, en
acceptant ces faits dans leur valeur relative et sans leur oppo-
ser les résultats contradictoires que la science possède, nous de-
vons toutefois regarder le diagnostic de ces sortes de cas, les in-
dications qu'ils présentent et les chances de l'opération qui a pour
but de les guérir, comme entourés de trop d'incertitude pour
que I on puisse établir en précepte d'y appliquer une opération
aussi grave que 1 est en elle-même la trépanation : nous nous oc-
cuperons donc seulement ici des indications du trépan relatives
aux plaies de tête. On se propose ou de relever des os enfoncés,
ou d'extraire des esquilles, ou de donner issue à des liquides ac-
cidentellement épanchés dans la cavité du crâne. Dans tous ces
cas l'intention curative du trépan est évidemment la même et
consiste à soustraire l'organe encéphalique aux effets de la com-
pression dont la présence est une cause actuelle ou éloignée
d'accidens les plus graves. Mais a-t-on des données positives pour
diriger le chirurgien dans sa pratique, et l'opération elle-même
atteint-elle avec certitude le but désiré? Tel est l'état de la ques-
tion. Jusqu'au dix-huitième siècle les chirurgiens érigeaient le
trépan en formule générale et le prescrivaient sans distinction
dans toutes les espèces de plaies de tête soit comme moyen cu-
ratif des accidens consécutifs , lorsqu'ils sont déclarés, soit
comme moyen préservatif lorsqu'ils ne sont pas encore déve-
loppés. Cet abus de la trépanation fut vivement combattu par
.Ï.-L. Petit, Quesnay, Richter, Pott, Desault, A. Cooper, etc.,
qui limitèrent l'emploi du trépan aux cas seulement où les sym-
ptômes d'irritation et de compression secondaires se manifestent
avec une certaine intensité. Cette doctrine est fondée sur la gra-
vité du trépan, comme opération, et sur l'expérience démontrant
que des épanchemens de sang ont pu se résorber complètement
par un traitement bien dirigé. Cependant la réaction dont Desault
fut le principal organe eut également son excès en faisant consi-
dérer la trépanation comme une ressource désespérée à laquelle,
dans cette opinion, on n'avait recours que trop tard. Ainsi, sans
être aussi prodigue du trépan que les devanciers de Desault,
la prudence et l'expérience veulent qu'on ait immédiatement
recours à cette opération, sans attendre les accidens consécutifs ,
10 dans toutes les fractures du crâne avec ou sans enfoncement,
2° toutes les fois qu'il existe une forte attrition du tissu des os,
3° dans tous les cas où la dure-mère a été intéressée par un in-
strument piquant, 4° dan* les plaies par armes à feu compli-
quées de corps étrangers. Toutefois la trépanation, dans ces cas
mêmes, peut être inutile lorsque la plaie de l'os est assez large
pour donner issue aux corps étrangers et aux produits de la
suppuration.
Points du crâne qui permettent l'application du trépan. Les au-
teurs recommandent en général de ne pas porter le trépan au
niveau des sinus frontaux, sur la partie moyenne du frontal, sur
les sutures des os du crâne, sur la protubérance occipitale et
vers l'angle antérieur et inférieur du pariétal. Toutefois ce pré-
cepte n'est pas tellement absolu que l'on ne puisse, dans des cas
de nécessité, trépaner sur tous les points du crâne. Bérenger de
Carpi, Cortésius, Hoffman ont porté avec succès le trépan sur
les sutures et au niveau des sinus frontaux; Garengeot, Sharp ,
Callisen et Lassus ont prouvé par des faits que l'hémorragie pro-
duite par l'ouverture des sinus de la dure-mère est sans résultats
fâcheux et s'arrête ordinairement d'elle-même. Carcano, Job et