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BULLETIN DE MAI 1895

Histoire du Livre

a travers les ages

[3 e article 1

En même temps, un autre genre naissait : la
reliure de cuir, de maroquin. Vers 1514, Louis ;
d'Orléans, Louis XII, faisait exécuter quelques
reliures, très rares aujourd'hui. Elles montrent i
les progrès réalisés, ceux qu'il faut encore faire, j
L ornementation n'en est pas d'un goût très pur; j
en général, les détails s'enchevêtrent, s'alourdis- j
sant mutuellement, encombrant un cadre sans \
finesse. Sur le plat d'un de ces volumes de
Louis XII, le doreur parvient à mettre cinq écus
fleurdelisés, surmontés de la couronne, six her-
mines, deux vases fleuris et deux emblèmes du
roi, le porc-épic. Le tout est entouré d'une bor- !
dure à losanges, et, comme des espaces restent
vides sur les bords, le doreur a ajouté des den- !
telles et des rinceaux. J

Ces efforts ne furent pas couronnés de succès,
et c'est à l'Italie que la reliure française doit les )
premiers principes d'une décoration rationnelle J
et artistique.

Des relieurs italiens du xvie siècle, nous ne sa- i
vons rien ; aucune signature ne paraît sur ces J
beaux livres, aucune indication ne nous est four- !
nie; dans les collections, leurs œuvres figurent
sous la vague mention de Reliures italiennes
du xvie siècle, ou encore reliures dans le genre de
Maïoli. Ce Thomas Maïoli n'est pas autrement j
connu que par des reliures. Il y a une série assez I
nombreuse de reliures, richement décorées, qui \
portent sur un de leurs plats : « Tho. Maïoli et )
amicorum » et l'une de ces devises : « Ingrati ser- !
vire nephas (sic) » ou « Inimici mei mea michi (sic) j
non me michi », ou encore, un chiffre composé )
de toutes les lettres du nom Maïoli. En dehors
de toutes ces mentions, ne cherchez pas : Maïoli
a passé inconnu, ses compatriotes ne nous en \
ont rien dit, et ses livres seuls sont restés pour
nous le faire connaître. Ce devait être un homme
fort instruit que ce délicat bibliophile, qui réu- j
nissait les plus belles éditions de Venise, Stras-
bourg, Bûle, les recouvrait de reliures aux dessins j
élégants et variés, aux fines mosaïques claires, !
aux compartiments savamment disposés.

La reliure italienne du xvie siècle emprunta à
la typographie aldine ses fers pleins; aux Grecs,
l'opération dite la grecque, qui remplace la cou-
ture lente par le trait de scie sur le dos des '
cahiers; elle emprunte aussi aux livres persans J
et arméniens leur décoration.

1. Voir Bulletins de VArt pour Tous, Mars et Avril 1895.

'Ce fut un général des finances, attaché à
l'armée de François Ier en Italie, qui contribua
plus que tout autre à faire connaître à la France
la reliure italienne.

Jean Grolier n'était pas nouveau venu en Ita-
lie lorsque ses fonctions l'y appelèrent; son père,
Etienne Grolier, avait été, avanl lui, trésorier
du duché de Milan; l'origine de cette famille
était, du reste, italienne, et elle vivait à Lyon,
qui fut, au moyen âge, le trait d'union entre
l'Italie et la France.

Jean Grolier semble avoir été le précurseur de
ces grands financiers amis des arts et des lettres,
que l'on rencontre quelques siècles plus tard; il
eut des relations nombreuses avec tous les let-
trés de son temps, soit en France, soit en Italie;
avec les Aide, il entretint de fréquents rapports,
ainsi qu'avec les imprimeurs de Baie, de Rome,
de Strasbourg; tous lui fournirent leurs plus
beaux tirages ; Maïoli lui envoyait des modèles
de reliure.

Né vers 1480, mort en 1565, Jean Grolier tient
le premier rang parmi les créateurs de la reliure
française; aucun genre ne lui fut étranger, et,
dans ses divers modèles, on trouve toujours la
même perfection, le même goût, sûr et éclairé.

Mais ce ne furent pas seulement les biblio-
philes éclairés qui s'occupèrent de bibliopégie au
xvi" siècle. Les rois, les princes, les grands sei-
gneurs, les grandes dames aussi rivalisaient à
l'envi dans l'ornementation de leurs livres pré-
férés : c'est François Ier, ornant les plats de ses
volumes de la Salamandre et d'un semis de F
couronnés; c'est Henri II entrelaçant les D et les
croissants; c'est Diane de Poitiers, la comtesse
de Valentinois, prenant le même signe que son
royal amant; Catherine de Médicis réunissait aux
armes de France celles de Toscane; Anne d'Au-
triche et Marie-Thérèse celles d'Autriche, ainsi
que Marie-Antoinette.

Unpeu après Grolier, Jacques-Auguste de Thon
marque ses belles reliures de A D T entrelacés,
et fait pousser ses armoiries, souvent accompa-
gnées de celles de sa femme. Or, il fut trois fois
marié.

Aimer les belles reliures n'était pas alors à la
portée de toutes.les bourses; Grolier eut ses
relieurs à lui, ainsi que de Thou; Mazarin en en-
tretenait douze et les payait 15 sous par jour.

Le xvie siècle a fait, avant tout, de l'art du
relieur un art de décoration. Les artistes d'alors
ont poussé jusqu'à la perfection les mélanges
des teintes, les mosaïques adroitement enche-
vêtrées, ainsi que les dessins orientaux, les en-
roulements habiles de galons. Les fers, emprun-
tés à la typographie, dérivent du fer iLalien ou
aldin, poussé en plein or. Un premier perfec-
tionnement apporté fut l'azurage du fer : la
forme même en est conservée, mais, au lieu du
plein or, on a une série de lignes obliques et
parallèles, ce qu'en terme de blason on nomme
a\ur. Ce fer, qui marque déjà un progrès vers la
légèreté, se trouve dans un grand nombre de
reliures de Grolier. A peu près en même temps,
le fer à filet, qui ne conserve du fer aldin que les

; contours, marque encore un progrès vers la
finesse, la légèreté de la décoration. A la même
époque, inspirés plus loinlainement encore du
J fer aldin, les/ers dits la Fanfare servent aux
Eve à décorer les livres de Henri II et de sa
cour.

Très petits, très simples dans leur détail, si on
les considère isolés, ces fers à la Fanfare donnent
à la reliure un aspect brillant et chatoyant, et,
par leur juxtaposition méthodique, leur réunion
étudiée, produisent le plus charmant effet. Si
; l'on examine une reliure de ce genre, l'aspect
' parait d'abord embrouillé, compliqué, sans tou-
tefois verser dans la confusion; à l'analyse, la
composition en est simple et logique. Autour
d'un écusson central sont tracées des lignes
pleines suivant un dessin géométrique tel que
chaque plat peut se diviser en quatre segments
identiques. Chacun comprend des comparti-
ments délimités par des lignes pleines. Le tout
j est formé d'éléments très simples. C'est là, pour
S ainsi dire, le canevas de la décoration. Dans ce
} canevas, réparlissez alors des fers fanfare,
mettez ici deux palmettes renversées, là une
fleurette, là un point ou une branche minuscule;
répétez dans les quatre segments la même répar-
j tition; et, si vous y apportez le goût et le senti-
ment artistique des ouvriers doreurs du xvi" siècle,
vous aurez fait une charmante reliure, gaie et
j légère, harmonieuse et agréable à l'œil.

Et maintenant, cherchez encore à perfec-
j tionner l'œuvre; dans le même canevas con-
! servé, toujours tracé à lignes pleines, comblez
! les vides, non plus avec des fers à lignes conti-
! nues, mais avec des fers pointillés figurant à peu
' près les mêmes dessins, ou même des figures,
j et vous n'aurez plus l'œuvre des Eve, vous aurez
( avancé d'un siècle dans l'histoire de la reliure,
! vous aurez un modèle de Legascon.

Le siècle de Louis XIV fut celui de la dorure;
; puis la décadence vint, et le besoin de nouveau
t fit apprécier les mosaïques avec les fers rocaille
; de Duseuil. Le grand artiste de la mosaïque de
i peau fut Pasdeloup; ses œuvres sont assurément
j très brillantes d'aspect, mais le goût y est pauvre,
j Le plus souvent, les modèles de Grolier, de
; Nicolas Eve, de Legascon y sont imités d'assez
loin, soumis à des déformations malheureuses
! ou des adaptations mal combinées; ailleurs aussi,
i le dessin adopté est original, et alors l'éclat seul
des ors et des peaux peut masquer la pauvreté
de l'invention.

De Rome fit moins de mosaïque, mais il n'en
j a pas moins produit des œuvres lourdes, peu
> plaisantes à l'œil. Ses encadrements, ses den-
j telles contournées rappellent les pesantes vi-
\ gnettes de la typographie. Dubuisson lui fut un
i peu supérieur; plus de légèreté, plus d'aisance
j se trouvent dans ses ornementations du style
rocaille.

Avec l'Empire, la décadence s'accentua : la
i reliure y fut sèche et froide; l'influence du style
néo-grec s'y fit sentir, et Tliouvenin, le grand
relieur de l'époque, n'a pu mieux faire que d'ap-


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34e Année

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N» 113
 
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