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Décembre 1895

BULLETIN DE DÉCEMBRE lf

Chronique musicale

Les Concerts de l'Opéra. — Fervaal
de M. Vincent d'indv.

C.c n'élait pas trop de deux auditions pour pouvoir
émettre un jugement bien ferme sur les concerts de
l'Opéra, leur caractère, leur opportunité, leurs chances
de succès. Certes, l'essai ira du moins jusqu'au bout
des dix concerts annoncés; mais, sans être taxable
de pessimisme, on me permettra bien quelques
critiques qui, du reste, ne sauraient échapper à
1 observation. J'ai, ailleurs, longuement parlé des
grands concerts, de MM. Colonne et Lamoureux, les
deux champions... favoris, d'IIarcourt, le plus éclec-
tique des chefs-d'orchestre et d'une sincérité naïve à
force de dilettantisme, lorsqu'il semble nous dire dans
les gloses de ses programmes — faisant ainsi une
gracieuse nique aux traditions — : « Nous avons
changé tout cela ! »

Or a-t-on remarqué quel esprit de spécialité se
dégage, transparent, des canevas à peu près iden-
tiques sur lesquels brodent nos batteurs de mesure?
Que M. Colonne joue du Wagner et M. Lamoureux
du Berlioz, nous ne saurions oublier qu'ils échangent
ainsi leurs domaines et attribuer aux montagnes de
la côte Saint-André, où Berlioz a souffert, nouvel
Harold, le clair obscur des ciels d'Odin, descendu
commeun voile de mystèresur le frontispice du temple
de Bayreuth où Wagner, nouveau Titan, escalada
le ciel sans toutefois en retomber! La Chevauchée des
Walkyries au cirque d'Été et le Ballet des Sylphes ou
la Scène aux champs au Châtelet, témoignent de
l'utilité de ces deux concerts qui ne se font pas une
concurrence aussi animée qu'on paraît le croire. Et
si, chez tous les deux, le répertoire classique, Beetho-
ven en tête, parfait les programmes, avec une inégalé
perfection bien souvent constatée, l'originalité de
chacun demeure. C'est pourquoi une troisième pha-
lange ne s'explique qu'à la condition qu'elle ail aussi
sa personnalité. Et c'est sur ce point que roule tout
entière la question des concerts dominicaux de
l'Opéra, et, — dans la nécessité pour eux de différer
des autresd'une manière organique,— le problème de
leur durée. Ceux qui ont connu l'ancienne salle de la
rue Le Peletier, la douzième, depuis et y compris la
salle d'Issy (1659), nous disent quelle atmosphère l'eni-
vrait, de gloire et de souvenirs.

Les grandes premières de notre opéra moderne
avaient été données là, où les âmes des Meyerbeer, des
llalévy, des Rossini semblaient avoir élu leur domi-
cile éternel, comme celle du vieil Auber à la clé de
voûte de l'infortunée salle Favart. llélas! maintenant,
les incendies chassent les dieux ! Est-ce leur crépus-
cule aussi, à ceux que Paris a tant aimés? Eh bien, les
concerts de l'Opéra devraient revêtir ce caractère,
cette couleur locale que nous n'avons pas retrouvée
dimanche, exception faite des danses anciennes qui
donnaient une légère satisfaction au décoratif. Voilà
le mot, Vàpithète du moment.

Si la direction de ces nouveaux concerts la justifie,

ceux-ci seront uniques à Paris; sinon, j'attendrai j
que MM. Colonne et Lamoureux jouent ou rejouent
Le Corsaire et Herculanum, et je ne me trouverai pas
ainsi exposé aux rebuffades injustes d'une partie de
l'Administration de l'Opéra qui nous accorde en
maugréant l'autorisation de nous geler dans d'affreux
courants d'air. La Fontaine l'avait bien prévu en écri-
vant : la Cigogne et le Loup. Deux de mes confrères
dont je respecte le secret se disaient dernièrement
en docte compagnie, disons assemblée, qu'il était
« bien malaisé d'obtenir à l'Opéra ce qui nous est
moralement dû... sans bassesses ». — « Sans bas-
sesses, hum! mais sans injure, c'est certain. » Ad
majorem gloriam de qui prendra cela pour lui! Ma
foi, avec cent sous, on en voit la farce et l'on dit ce
qu'on pense. Ceci pour prouver une fois de plus que

Dieu lui-même a besoin de cloches!

Mais pour en revenir à notre thèse, voici, nous
semble-t-il, ce qui pourrait assurer auxdits concerts
le caractère qui leur est nécessaire :

Avez-vous entendu de grands concerts d'amateurs?
Si oui, vous savez que leurs programmes comportent
à la partie musicale des sélections sur les opéras. Et
de fait, il en est de merveilleuses, témoin celles d'Ar-
ban sur Faust, /'Africaine, les Huguenots.

Laissons de côté la première, puisque lechef-d'œuvre
de Gounod ne quitte pas l'affiche, mais pourquoi
ne donnerait-on pas à un public qui n'est pas celui
habituel des vrais grands concerts, cet élément qui
lui est cher. Ne riez pas! Jouées par un orchestre tel
que celui de MM. Marlv et Vidal, ces symphonies avec
chœurs d'extraits du domaine même de l'Opéra y au-
raient un grand succès.

Pourquoi n'y pas ajouter des extraits d'œuvres un
peu délaissées, telles que les Bardes, la Vestale,
Fernand Cortef, les Abencérages, la Muette de
Portici, Struensée et tant d'autres? Voilà, dans l'es-
pèce. pour la partie essentiellement musicale. Et
alors, « pour le plaisir des yeux », des fragments
chorégraphiques choisis chez Lulli et Rameau, dans
le cadre héroïque où Louis XIV ne dédaigna point,
une fois, de marquer le pas de son brodequin royal.

Et voyez comme ainsi je consacre à la couleur
locale dont je parlais plus haut. Ah ! le chœur des
Évêques, le ballet de Robert, tel grand ensemble déta-
ché de l'un ou l'autre chef-d'œuvre, voilà ce qu'il faut
à l'Opéra, mais de la symphonie pure, jamais!

Ces critiques, qu'il ne faudrait pas prendre pour
une diatribe, ne sauraient m'empêcher de reconnaître
le succès relatif de l'entreprise. Et je voudrais seule-
ment que ce brelan de concerts — s'ils devaient trop
se ressembler — ne compromit pas le fruit de vingt
ans d'efforts, par une inutile diffusion.

Néanmoins, tout cela n'atteint pas l'intérêt que mérite
Fervaal,de M. Vincent d'Indy. C'est la pièce de résis-
tance de l'inauguration et elle porte assez juste. Je ne
vous dirai pas que Fervaal puisse servir de pendant
à Wallenstein, oh non! mais le Panthéon n'est-il pas
beau, même à côté de Saint-Pierre de Rome?

J'aime beaucoup la musique vigoureuse de M. V.
d'Indy; elle témoigne d'une ûme qui aime les grands
horizons, les obstacles énormes, les émotions portées
à l'excès — et en art, il faut bien tout cela pour que
l'esprit du public atteigne le medio virtus. — Mais
cependant, Fervaal est une de ces pages que se par-
tagent F emballant et l'indigeste. Et M. V. d'Indy est
pourtant un modéré, un raisonnable, dans la nouvelle
école (mon Dieu! on apprend donc bien peu de chose
dans une école, qu'il en faille un si grand nombre!
C'est comme le principe républicain devant tous les

partis en isme). Mais jamais Fultramontanisme ne
sera une doctrine, et Fauteur de Fervaal paraît
l'oublier.

Une tendance bien moderne pousse les jeunes
maîtres vers un caractère, une figure, une psychologie
(la musique a ses Bourgets) empruntés à l'histoire ou
à la légende.

C'est à quoi nous devons Wallenstein, Egmont (!)
après Rienp. Or tout cela doit-il entraver l'action?
Et pourquoi donc avoir désigné Fervaal du sous-titre
d'action en trois parties? S'il n'y a pas d'action, il n'y
a pas de drame, quoi qu'en dise M. Vanor; le drame
intérieur aussi est une action, — un effet, peut-être
éloigné de la cause, mais réel, — s'il n'est rien qu'une
rêvasserie stérile et une paresse de l'àme que le
romantisme consistant a lui-même condamnées.

Hé, messieurs, appelez vos œuvres trilogies, épi-
sodes, que sais-je encore, mais donnez-nous Faction,
ce vieux piédestal injustement lapidé de notre sublime
théâtre, et, si la scène ne répond pas à vos titres,
gardez vos sujets pour le roman ou pour la sympho-
nie.

Dans les Cévennes, Fervaal est élu Brenn, mais,
comme tout homme, il a laissé conquérir une place
dans son cœur que la patrie seule eût dû remplir. De
là les luttes entre des sentiments divers, des airs de
combat mêlés à des accents de remords, le héros
ayant faibli, entre la gloire et l'amour, du côté de
celui-ci. De loin une réminiscence de Parsifal. Cette
musique trouble et envahit tour à tour; n'est-il point
temps de s'arrêter? Fervaal a été enlevé d'une magis-
trale manière et M. Affre, un artiste de vive intelli-
gence, s'y est taillé un succès enthousiaste. M. Noté a
mérité non moins d'éloges dans son rôle de l'Oracle.

11 me reste à dire que Mm8 Caron a été admirable
dans Alceste et à exalter les reliefs revêtant si artistc-
ment les tibias de ces dames du ballet. On est si bien
servi dans les danses anciennes. On peut à la fois

écouter et regarder.

René Pontiuère.


Échos

Nous serons très heureux d'accueillir les cor-
respondances de nos abonnés nous signalant
des faits de « vandalisme artistique ». Nos lec-
teurs sont priés d'adresser les communications
au rédacteur ci-après désigné.

Y. Y.

-O-

Nous apprenons avec plaisir que M. Destable,
l'inspecteur honoraire de l'École des Beaux-
Arts, vient d'être nommé expert près les tribu-
naux. Sa haute compétence en matière d'art est
le sûr garant du succès que nous lui souhaitons.

_o_

Le vandalisme à Notre-Dame-des-
Victoires. — Notre vaillant confrère, YUnion
artistique, avait signalé dans son dernier numéro

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N° 120.
 
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