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34e Année

Avril 1895

BULLETIN D'AVRIL 1895

Histoire du Livre

A TRAVERS LES AGES

(2e article1)

Le xve siècle fut pour le Livre une époque
de crise profonde, unique dans son histoire;
rien d'analogue ne peut être cité auparavant,
pas même l'invention du parchemin ; rien ne
pourra y être comparé dans la suite des temps.
C'est en ce siècle que le Livre, de manuscrit
qu'il était, devint imprimé.

Cette grande révolution ne se fil pas d'un seul
coup; depuis longtemps, la longueur des copies,
les difficultés de répéter un texte, devaient
faire désirer l'invention d'un moyen rapide pour
reproduire les livres et les répandre à un grand
nombre d'exemplaires. Or, depuis la fin du
xive siècle, des caries à jouer, de vulgaires
images se publiaient en grand nombre, non
pas tracées à la main ou d'après une plaque
ajourée, mais reproduites à l'aide d'une planche
de bois gravée ; les parties saillantes de la
planche, enduites d'une encre particulière,
laissaient sur le papier que l'on y pressait
l'image renversée du dessin.

Bientôt, quelques mots, quelques lignes s'a-
joutèrent à ces images, en donnant l'expli-
cation; bientôt encore, on grava des pages
entières, et, de ce jour, l'industrie xylogra-
phique prit une rapide extension.

L'origine de la xylographie est peul-èlre
hollandaise ; Yimprimerie ou l'art de reproduire
les mots par la juxtaposition de lettres indépen-
dantes les unes des aulres est certainement
née en Allemagne. Ce fut à Strasbourg, puis à
Mayence, que Gutenberg imagina de graver des
poinçons, de frapper des matrices et de fondre
des lettres ; ce fut là qu'il les assembla dans
des formes, qu'il mit sous la presse la compo-
sition ainsi obtenue, et qu'après un encrage à
1 encre grasse, il obtint la première feuille du
premier livre imprimé. En quelques années,
l'invention fut parfaite, el, une révolution venant
à bouleverser Mayence, l'imprimerie se répandit
dans le monde avec les ouvriers exilés.

C est à l'étranger que l'art mayençais reçut ses
meilleurs perfectionnements; Jenson, Aide Ma-
nuce, les Estienne, les Didot onl, de siècle en
siècle, amélioré les procédés et amené l'art
typographique à un point tel que certains impri-
meurs modernes semblentne pouvoiryalteindre.

Du jour où l'imprimerie fut connue, la calli-
giaphie décline, et le Livre commence une nou-

1. Voir Bulletin de l'Art pour Tous, Mars 1803.

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N° H2

velle et brillante carrière; en cinquante ans,
nous voyons paraître les livres de piété, les
livres de rhétorique, les livres de littérature, de
polémique, de philosophie, de médecine, de
géographie, d'hisloire naturelle. Les incunables,
comme l'on nomme ces premières œuvres typo-
graphiques, embrassent tous les travaux de la
pensée humaine. Seule, l'imprimerie pouvait
faciliter ce vaste mouvement de la Renaissance
intellectuelle et artistique, qui eut en corollaire
la Réforme. Les pamphlets, les libelles, les bro-
chures d'actualité foisonnent grâce à elle; deux
siècles après, Renaudot crée la presse pério-
dique, et aujourd'hui, après quatre siècles seu-
lement, pouvons-nous imaginer ce qu'était un
temps où un livre de luxe demandait deux ans
de travail et coûtait douze ou quinze cents livres?

En France, l'imprimerie se répandit de bonne
heure. Sans doute, le premier livre imprimé en
français, en 1466, est un produit allemand, de
Cologne; mais dès 1480 l'imprimerie de la Sor-
bonne était fondée, grâce aux deux docteurs
Guillaume Fichet el Jean de la Pierre. C'est à
eux que revient l'honneur d'avoir appelé à Paris
Martin Crant\, Michel Friburger et Ulrich Gé-
ring, de les avoir installés dans les bâtiments de
la Sorbonne, et d'avoir encouragé et facilité leurs
premiers essais.

En moins d'un demi-siècle, l'imprimerie pari-
rienne est créée, et les noms d'Antoine Vérard,
Josse Bade d'Ascii, Simon de Colines, Geoffroy-
Tory, la famille des Estienne montrent assez le
développement considérable de la nouvelle in-
dustrie. Un peu plus tard, les rois ne se contentent
plus d'avoir leurs imprimeurs ; ils veulent avoir
leur imprimerie, et Richelieu, en 1640, inaugure
l'Imprimerie royale au Louvre avec Cramoisy.

La France, qui venait d'accepter si rapidement
l'invention nouvelle, a d'ailleurs toujours marché
à la tête du progrès : c'est le Français Jenson, le
prédécesseur des Aide à Venise, qui grave les
caractères romains; c'est le Français Garamond
qui exécute les poinçons nouveaux que le Fran-
çais Plantin emporte à Anvers, et auxquels les
Elsevier devaient attacher leur nom; c'est encore
en France, en 1797, quHerhan et Didot inventent
la stéréotypie que l'Angleterre ne devait nous
rapporter que cinquante ans plus tard.

Le Livre imprimé avait été précédé de bien
peu par la gravure sur bois. Ce fut ce genre de
gravure qui servit d'abord à son illustration, soit
seule, soit en concurrence avec l'enluminure.
Elle a persisté, à travers des fortunes bien di-
verses, jusqu'à nos jours où, sous l'influence de
l'Angleterre, une véritable Renaissance se pro-
duisit avec Thompson, malheureusement un peu
tard, peut-être, les procédés mécaniques et
photographiques se développant chaque jour et
accaparant peu à peu l'illustration du Livre.

La gravure sur métal est contemporaine de
l'imprimerie. Elle vint à elle, luttant timidement
d'abord contre la gravure sur bois, et, deux
siècles après, ou peu s'en faut, décora le Livre.
Souvent perfectionnée, elle a su se faire une

place à part dans les arts du Livre, se pliant à
tous les besoins, tour à tour un peu sèche et
dure, fine et délicate, molle et même empâtée.
Grâce à ces divers aspects, la gravure sur métal,
soit en taille-douce, soit au vernis dur ou au ver-
nis mou, sur cuivre ou sur acier, ou encore sur
zinc, a pu résister longtemps à la concurrence.
Mais, de même que la gravure sur bois, la gra-
vure sur métal a un ennemi terrible, la photo-
graphie.

Aujourd'hui, il faut produire vite et bien ; il
faut en plus la précision des détails, et, par-des-
sus tout, il faut l'économie. Or la photographie
appliquée à l'illustration réunit fort bien tous ces
desiderata.

Sa précision, qui va jusqu'à la sécheresse ; son
fini qui, à lui seul, indique suffisamment que
l'intelligence d'un artiste n'a rien à faire avec
l'œuvre produite; la rapidité de son exécution,
qui ne demande au soleil que quelques secondes
de pose, et à l'acide que quelques minutes d'at-
taque; son bas prix, auquel rien ne peut être-
opposé, en font, sous ses diverses formes indus-
trielles, le grand moyen d'illustration qui convient
si bien à l'activité de l'imprimerie contemporaine.
Qu'est-il besoin de graver soigneusement et len-
tement un tableau, une statue, alors que le tra-
vail fini un autre objet attirera l'attention du
public? La photographie est là, rapide, écono-
mique, précise, qui en quelques heures donne la
planche prête pour le tirage. Les livres cou-
rants, c'est-à-dire la grande majorité des livres,
doivent donc demander leur décoration à la pho-
tographie. Mais il y a le Livre soigné, le Livre
de luxe; celui-là n'aura jamais de meilleure orne-
mentation que la gravure, mais la gravure faite
par de bons graveurs, par des artistes.

Ces divers modes d'illustration n'ont naturel-
lement pas été employés concurremment.

C'est d'abord la xylographie qui eut le mono-
pole de la décoration intérieure du Livre ; c'est
à elle, qui produisait des images et des cartes à
jouer bien avant la découverte de Gutenberg,
que les premiers imprimeurs demandèrent les
planches destinées à l'illustration des livres, el,
jusqu'à la fin du xvie siècle, la gravure en bois
fut à peu près exclusivement employée.

Mais les procédés se perfectionnaient sans
cesse, le tirage augmentait, et les imprimeurs
préférèrent tirer d'abord le texte, ensuite
l'image ; ce fut le tour de la gravure au burin,
essayée dès 1477 par Baccio Baldini et Botti-
celli, mais qui n'eut droit de cité dans le Livre
qu'au temps de Plantin. C'est sous l'influence
de ce grand imprimeur que se gravent ces larges
frontispices, ces véritables tableaux où s'entas-
sent d'innombrables personnages dans une dé-
coration architecturale compliquée, travaux de
longue haleine, où excellèrent Thomas de Leù,
Léonard Gaultier et Jean Picart.

Avec Louis XIII, le genre se modifie déjà, et
le grand illustrateur de ce règne, Abraham Bosse,
abandonne déjà en partie les procédés planti-
niens. Mais l'eau-forte fait son apparition avec
Callot, qui rompt définitivement avec les vieilles
 
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