DOI Heft:
No 201 (Septembre 1902)
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.16826#0033
L'ARTFOUR-TOUS
Encyclopédie'delartindustriel et'décoratif
jt>aratssan.t tous les woiS
FONDÉ PAR
EMILE REIBER
Litrairies-lmprlmeries réunies
An.cie.nne .Maison .Moral
paris iifi55BB&
' 7, rue Saint-Benoît
41e Année S ^> Septembre 1902
Le Legs Dutuit
Il fallait, on se le rappelle, que le Conseil
municipal de Paris autorisât l'acceptation du legs
Dutuit avant le mois de septembre, sous peine
de voir les précieuses collections et les dona-
tions en immeubles et en valeurs y rattachées
échoir à la ville de Rome.
Cette séance exceptionnelle, comme nous le
faisions pressentir dans notre dernier numéro, a
eu lieu le lundi 18 août.
Le Conseil s'est réuni d'abord en Comité du
budget pour discuter les clauses du testament
qui lui ont paru acceptables.
Au début de la séance publique, M. Paul
Escudier, président, a prononcé les paroles
suivantes :
« Avant de donner la parole à M. Quentin-
Baucharl, je tiens, Messieurs, à nous féliciter
de l'occasion qui réunit le Conseil municipal et
à saluer la mémoire de M. Dutuit.
« Ce généreux donateur a voulu que le béné-
fice de ses richesses artistiques profitât à
l'instruction des travailleurs, à l'éducation de
leur goût et il a laissé dans ce but à la ville de
Paris les collections magnifiques que son frère
et lui avaient consacré leur vie à réunir.
« La 4e commission va vous proposer de
reconnaître par un hommage solennel les libé-
ralités de M. Dutuit; mais il convenait que les
premières paroles prononcées dans celte
séance fussent pour exprimer la gratitude que
méritent une noble pensée et un exemple pré-
cieux. (Très bien ! — Applaudissements.) »
M. Quenlin-Bauchart expose ensuite la rare
valeur des collections Dutuit, — dont nous
avons signalé les principales richesses, — puis
le Conseil adopte, à l'unanimité de 57 membres
présents, les trois projets de délibération sui-
vants :
ierprojet. — Article premier. — M. le préfet
de la Seine est autorisé à accepter, au nom de
la ville de Paris, aux charges, clauses et condi-
tions qui résultent des dispositions testamen-
taires susvisées, les legs faits à la Ville de Paris
par M. Dutuit, de ses collections et des dota-
tions y affectées.
Art. 2. — M. le préfet de la Seine est autorisé,
en conséquence, à poursuivre immédiatement
par toutes les voies de droit la délivrance des-
dits legs et leur remise à la ville de Paris.
Art. 3. — Conformément aux volontés du
testateur, la ville de Paris prend à sa charge
l'entretien à perpétuité de la sépulture de la t
famille Duclos-Dutuit, au Père-Lachaise.
2eprojet. — Article premier. — Les collec-
tions léguées par M. Dutuit seront installées au
palais des Beaux-Arts (Petit Palais) que la Ville
possède aux Champs-Elysées.
La partie qui leur sera affectée prendra Je
nom de « Collection Dutuit ».
Art. 2. — Les sommes provenant des reve-
nus des dotations affectées par M. Dutuit à
l'installation, à l'entretien, à l'accroissement, à
la garde de ces collections, figureront chaque
année à un article spécial du budget des
recettes et à un arlicle spécial du budget des
dépenses ; il ne pourra en être fait aucun em-
ploi sans une délibération du Conseil muni-
cipal.
Art. 3. — Une somme de 60,000 francs est
mise à titre de provision à la disposition de M. le
préfet de la Seine pour être employée, d'accord
avec la 4e commission, à l'installation des col-
lections Dutuit.
Aucune autre dépense ne pourra être engagée
sans une délibération du Conseil municipal,
prise sur le rapport de sa commission compé-
tente et sans justification de cette dépense.
Art. 4. — Le Petit Palais devra être mis inté-
gralement, le 20 septembre au plus tard, à la
disposition du service des Beaux-Arts ; il devra
être, a celte époque, évacué complètement par
les services d'architecture.
3e projet. —Arlicle premier. — En raison de
l'importance du legs fait par M. Dutuit, le
Conseil municipal, au nom de la ville de Paris,
tient à rendre publiquement hommage à la
mémoire du généreux donateur et à témoigner
de la profonde reconnaissance qu'il en ressent.
Art. 2. — 11 est ouvert un crédit de 8.000 fr.
sur la réserve pour l'exécution de deux bustes
des frères Dutuit, qui seront placés dans le
Petit Palais, au milieu des collections léguées à
la ville de Paris.
Art. 3. — Le nom de Dutuit sera donné à une
voie publique de Paris.
Le préfet de la Seine a tenu à s'associer à
l'hommage rendu à la mémoire de M. Dutuit par
le président du Conseil municipal et par le rap-
porteur delà commission des beaux-arts, et il a
ajouté :
« Permettez-moi d'exprimer également mes
remerciements chaleureux à M. Feuardent,
exécuteur testamentaire ; à Me Duplan, avoué
de la Ville ; à M. Georges Cain, conservateur
du musée Carnavalet, et de les complimenter
du zèle éclairé dont ils ont fait preuve.
« J'envoie en même temps l'assurance de
notre profonde gratitude à MM. les membres
du corps judiciaire, à M. Talbot, président de la
Chambre des avoués de Rouen, administrateur
judiciaire de la succession, à MM. les officiers
ministériels, notaires et avoués, à M. le com-
missaire-priseur de Rouen, à tous ceux, en un
mot, qui ont témoigné dans cette circonstance
de leur dévouement aux intérêts de la Ville de
Paris. (Applaudissements.— Très bien!) »
La session extraordinaire est ensuite close.
*
Quelques jours après cetle séance exception-
nelle, l'acte de délivrance des colleclions Dutuit
el la remise à la Ville de Paris étaient signés,
par devant notaires, à Rouen, par MM. Talbot,
administrateur, Feuardent, exécuteur testamen-
taire, et Me Duplan, avoué de la Ville, représen-
tant le préfet de la Seine.
A Paris, MM. Charles Giraud, architecte du
Petit Palais; Georges Cain, conservateur;
Veyrat, chef du bureau municipal des beaux-
arts, et Falcon, secrétaire de M. Bouvard, ac-
tuellement en congé, se sont réunis à l'Hôtel
de Ville et ont arrêté les plans définitifs
d'installation du legs Dutuit.
Les collections du legs Dutuit seront installées
dans l'aile gauche du Palais qui regarde le Cours-
la-Beine et dans les salles de la façade arrière
du Palais.
On leur réservera six salles :
1° La salle des antiquités;
2° La salle des tableaux de l'école hollandaise,
qui comprendra également les émaux et les
ivoires;
3° La salle de l'art français au dix-huitième
siècle et de l'art moderne ;
4° La salle des estampes;
5° La salle de céramique avec vitrines spé-
ciales pour les merveilleuses faïences d'Oiron,
de Palissy, et les majoliques italiennes, sans
compter les verres de Venise et hispano-
arabes ;
6° La salle des livres et des reliures.
Entre la bibliothèque et la salle des estampes,
on placera la salle de travail. 11 est question
d'éclairer cette dernière salle à la lumière élec-
trique afin de permettre aux ouvriers d'art de
venir facilement consulter cette partie de la
collection, selon le désir des frères Dutuit.
MM. J. de Selves, préfet de la Seine; Georges
Cain et Girault ont déjà choisi les vitrines et les
tentures qui serviront à l'aménagement des col-
lections.
Les murs seront tendus d'étoffes brochées de
couleur mauve, et le parquet recouvert de lino-
léum.
On sait qu'il avait d'abord été question par
raison d'économie, de transporter la collection
par eau, mais un entrepreneur ayant proposé
des prix raisonnables, on a décidé d'user du
chemin de fer.
BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N° 201.
Encyclopédie'delartindustriel et'décoratif
jt>aratssan.t tous les woiS
FONDÉ PAR
EMILE REIBER
Litrairies-lmprlmeries réunies
An.cie.nne .Maison .Moral
paris iifi55BB&
' 7, rue Saint-Benoît
41e Année S ^> Septembre 1902
Le Legs Dutuit
Il fallait, on se le rappelle, que le Conseil
municipal de Paris autorisât l'acceptation du legs
Dutuit avant le mois de septembre, sous peine
de voir les précieuses collections et les dona-
tions en immeubles et en valeurs y rattachées
échoir à la ville de Rome.
Cette séance exceptionnelle, comme nous le
faisions pressentir dans notre dernier numéro, a
eu lieu le lundi 18 août.
Le Conseil s'est réuni d'abord en Comité du
budget pour discuter les clauses du testament
qui lui ont paru acceptables.
Au début de la séance publique, M. Paul
Escudier, président, a prononcé les paroles
suivantes :
« Avant de donner la parole à M. Quentin-
Baucharl, je tiens, Messieurs, à nous féliciter
de l'occasion qui réunit le Conseil municipal et
à saluer la mémoire de M. Dutuit.
« Ce généreux donateur a voulu que le béné-
fice de ses richesses artistiques profitât à
l'instruction des travailleurs, à l'éducation de
leur goût et il a laissé dans ce but à la ville de
Paris les collections magnifiques que son frère
et lui avaient consacré leur vie à réunir.
« La 4e commission va vous proposer de
reconnaître par un hommage solennel les libé-
ralités de M. Dutuit; mais il convenait que les
premières paroles prononcées dans celte
séance fussent pour exprimer la gratitude que
méritent une noble pensée et un exemple pré-
cieux. (Très bien ! — Applaudissements.) »
M. Quenlin-Bauchart expose ensuite la rare
valeur des collections Dutuit, — dont nous
avons signalé les principales richesses, — puis
le Conseil adopte, à l'unanimité de 57 membres
présents, les trois projets de délibération sui-
vants :
ierprojet. — Article premier. — M. le préfet
de la Seine est autorisé à accepter, au nom de
la ville de Paris, aux charges, clauses et condi-
tions qui résultent des dispositions testamen-
taires susvisées, les legs faits à la Ville de Paris
par M. Dutuit, de ses collections et des dota-
tions y affectées.
Art. 2. — M. le préfet de la Seine est autorisé,
en conséquence, à poursuivre immédiatement
par toutes les voies de droit la délivrance des-
dits legs et leur remise à la ville de Paris.
Art. 3. — Conformément aux volontés du
testateur, la ville de Paris prend à sa charge
l'entretien à perpétuité de la sépulture de la t
famille Duclos-Dutuit, au Père-Lachaise.
2eprojet. — Article premier. — Les collec-
tions léguées par M. Dutuit seront installées au
palais des Beaux-Arts (Petit Palais) que la Ville
possède aux Champs-Elysées.
La partie qui leur sera affectée prendra Je
nom de « Collection Dutuit ».
Art. 2. — Les sommes provenant des reve-
nus des dotations affectées par M. Dutuit à
l'installation, à l'entretien, à l'accroissement, à
la garde de ces collections, figureront chaque
année à un article spécial du budget des
recettes et à un arlicle spécial du budget des
dépenses ; il ne pourra en être fait aucun em-
ploi sans une délibération du Conseil muni-
cipal.
Art. 3. — Une somme de 60,000 francs est
mise à titre de provision à la disposition de M. le
préfet de la Seine pour être employée, d'accord
avec la 4e commission, à l'installation des col-
lections Dutuit.
Aucune autre dépense ne pourra être engagée
sans une délibération du Conseil municipal,
prise sur le rapport de sa commission compé-
tente et sans justification de cette dépense.
Art. 4. — Le Petit Palais devra être mis inté-
gralement, le 20 septembre au plus tard, à la
disposition du service des Beaux-Arts ; il devra
être, a celte époque, évacué complètement par
les services d'architecture.
3e projet. —Arlicle premier. — En raison de
l'importance du legs fait par M. Dutuit, le
Conseil municipal, au nom de la ville de Paris,
tient à rendre publiquement hommage à la
mémoire du généreux donateur et à témoigner
de la profonde reconnaissance qu'il en ressent.
Art. 2. — 11 est ouvert un crédit de 8.000 fr.
sur la réserve pour l'exécution de deux bustes
des frères Dutuit, qui seront placés dans le
Petit Palais, au milieu des collections léguées à
la ville de Paris.
Art. 3. — Le nom de Dutuit sera donné à une
voie publique de Paris.
Le préfet de la Seine a tenu à s'associer à
l'hommage rendu à la mémoire de M. Dutuit par
le président du Conseil municipal et par le rap-
porteur delà commission des beaux-arts, et il a
ajouté :
« Permettez-moi d'exprimer également mes
remerciements chaleureux à M. Feuardent,
exécuteur testamentaire ; à Me Duplan, avoué
de la Ville ; à M. Georges Cain, conservateur
du musée Carnavalet, et de les complimenter
du zèle éclairé dont ils ont fait preuve.
« J'envoie en même temps l'assurance de
notre profonde gratitude à MM. les membres
du corps judiciaire, à M. Talbot, président de la
Chambre des avoués de Rouen, administrateur
judiciaire de la succession, à MM. les officiers
ministériels, notaires et avoués, à M. le com-
missaire-priseur de Rouen, à tous ceux, en un
mot, qui ont témoigné dans cette circonstance
de leur dévouement aux intérêts de la Ville de
Paris. (Applaudissements.— Très bien!) »
La session extraordinaire est ensuite close.
*
Quelques jours après cetle séance exception-
nelle, l'acte de délivrance des colleclions Dutuit
el la remise à la Ville de Paris étaient signés,
par devant notaires, à Rouen, par MM. Talbot,
administrateur, Feuardent, exécuteur testamen-
taire, et Me Duplan, avoué de la Ville, représen-
tant le préfet de la Seine.
A Paris, MM. Charles Giraud, architecte du
Petit Palais; Georges Cain, conservateur;
Veyrat, chef du bureau municipal des beaux-
arts, et Falcon, secrétaire de M. Bouvard, ac-
tuellement en congé, se sont réunis à l'Hôtel
de Ville et ont arrêté les plans définitifs
d'installation du legs Dutuit.
Les collections du legs Dutuit seront installées
dans l'aile gauche du Palais qui regarde le Cours-
la-Beine et dans les salles de la façade arrière
du Palais.
On leur réservera six salles :
1° La salle des antiquités;
2° La salle des tableaux de l'école hollandaise,
qui comprendra également les émaux et les
ivoires;
3° La salle de l'art français au dix-huitième
siècle et de l'art moderne ;
4° La salle des estampes;
5° La salle de céramique avec vitrines spé-
ciales pour les merveilleuses faïences d'Oiron,
de Palissy, et les majoliques italiennes, sans
compter les verres de Venise et hispano-
arabes ;
6° La salle des livres et des reliures.
Entre la bibliothèque et la salle des estampes,
on placera la salle de travail. 11 est question
d'éclairer cette dernière salle à la lumière élec-
trique afin de permettre aux ouvriers d'art de
venir facilement consulter cette partie de la
collection, selon le désir des frères Dutuit.
MM. J. de Selves, préfet de la Seine; Georges
Cain et Girault ont déjà choisi les vitrines et les
tentures qui serviront à l'aménagement des col-
lections.
Les murs seront tendus d'étoffes brochées de
couleur mauve, et le parquet recouvert de lino-
léum.
On sait qu'il avait d'abord été question par
raison d'économie, de transporter la collection
par eau, mais un entrepreneur ayant proposé
des prix raisonnables, on a décidé d'user du
chemin de fer.
BULLETIN DE L'ART POUR TOUS. — N° 201.