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Bulletin de l' art pour tous — 1904

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No 217 (Janvier 1904)
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N° 216

BULLETIN DE L’ART POUR TOUS

les dessiner et en lever les plans. Il parcourut I
ainsi l’Italie, et l’on suppose qu’il vint même en
France où il aurait copié les superbes ruines et j
la maison carrée de Nîmes. Il visita Rome deux j
ou trois fois avec Trissino, son compatriote et j
son Mécène. Jean-Georges Trissino, grand sei- j
gneur, issu d’une illustre famille, avait donné, en j
1514, la tragédie de Sophonisbe, la première j
pièce régulière du théâtre moderne, et s’était
fait comme poète un nom célèbre. Considéré
d’ailleurs par son rang, son vaste savoir et l’aus-
térité de ses moeurs, il fut on ne peut plus utile
à Palladio ; il lui procura toutes les facilités ima-
ginables de recherches ; et grâce à son crédit, j
le laborieux jeune homme put aller jusqu’aux
fondations des vieux monuments, leur demander
les secrets de solidité qu’ils tenaient cachés i
depuis des siècles dans les entrailles de la terre, j
Ces fouilles avaient pour lui moins de difficultés
que pour aucun autre; ses travaux littéraires
antérieurs le mettaient à même de concevoir
avec une plus grande promptitude les procédés
dont avaient usé les anciens; aussi d’après des
vestiges informes, il arrivait par voie d’analogie j
et d’induction à se figurer l’état primitif des j
choses, à les recomposer, à rétablir dans sa 1
pensée, au moyen de savantes restitutions, ce !
que le temps avait abattu ; et il fut le premier j
qui s’imagina de faire, sur le papier, de ces pro- j
jets de restauration auxquels les élèves de
notre école de Rome s’amusent encore à passer
des années qu’ils pourraient mieux employer à j
l’heure qu’il est.

(M suivre).

CHRONIQUE ARTISTIQUE

ODÉON : Est-il bon, est-il méchant? comédie en trois i

actes, de Diderot, mise à la scène par M. Paul Degouy.

Maintenant que toute la presse quotidienne et spé-
ciale lui a décerné ses louanges méritées, il est peut- i
être un peu lard pour venir entretenir nos lecteurs
de la représentation que donnait, le 7 janvier dernier,
notre second Théâtre Français. Cependant, nous ne
pouvons passer sous silence une telle manifestation i
artistique. j

Cette comédie nous montie un type particulier de j
brave homme passant son existence à répandre !
ses idées, à semer des bienfaits et à obliger les
gens malgré eux. Ce type est d’une originalité j
vraiment savoureuse et d’une bien grande humanité, j
On y reconnaît facilement le caractère de Diderot
peint par lui-même avec une réelle bonne foi. Le
dialogue à la fois léger et ferme, le dessin rapide et
sûr des moindres personnages a été fort habilement
présenté par un écrivain distingué, M. Paul Degouy,
et M. Ginisty, le sympathique directeur de l'Odéon, j
en a soigné l’exécution avec ses qualités si person- j
nelles et si appréciées.

Le spectacle mérite d’être vu et il serait à souhaiter j
qu’on lui assurât bientôt la place qui lui est due dans j
le répertoire français.

L’interprétation est remarquable en tous points.

M. Ivemm a donné une belle allure au rôle si complexe !
d’FIarduin. Mme Marciliy et MUo Félyne sont au-dessus j
de tout éloge. N’oublions pas de citer également j
MM. Liser, Severin, Rebel et Violet, et Mm“‘ Bonnet, \
Durand et Rémy. D’un seul coup, toute cette jeune ;
troupe a su marquer sa place et conquérir les suf-
frages unanimes de la salle entière.

VAUDEVILLE : Frère Jacques, comédie en quatre
actes, de MM. Henry Bernstein et Pierre Veber.

Frère Jacques n’est pas celui de la chanson, c’est
un excellent garçon quelque peu décavé, vivant aux
crochets de sa tante, la riche Mme Morange, qui a une
adorable fille Geneviève. Il a vu naître celle-ci et est
resté son meilleur ami, son frère. Tout bonnement,
il lui conseille le mariage avec un benêt titré, Jehan
de Chantalard, issu d’une illustre famille dans laquelle
il est de tradition que le blason ancestral soit redoré
à époques à peu près régulières, c’est-à-dire avant la
trentaine de chaque héritier mâle. Le vieux marquis,
père du benêt en cause, n’a pas failli à un usage de
si bon ton et maintenant complètement ruiné, il exige
le mariage de son fils avec la grosse dot. La grosse
dot, c’est Geneviève.

Le mariage a lieu, et Jehan, qui adore une chan-
teuse de café-concert, déserte la chambre conjugale

avant la « formalité » très intime de la nuit de noces.
Genèviève, qui s’aperçoit — un peu tard — qu’elle
aime son cousin Jacques, demande le divorce et
l’obtient, l’injure grave ayant été constatée par témoins.
Ceci ne fait pas l’affaire du vieux marquis, car il y a
ce blason qui, coûte que coûte, doit être redoré.

Dénouement : Geneviève épouse Jacques, le marquis
une amie de pension de Geneviève, Flossie Adams,
riche américaine friande de noblesse, et Jehan con-
serve sa divette. Pour une fois, on aura failli à la tra-
dition de la famille illustre.

Comédie assez jolie, quoique peut-être un peu
débonnaire; cependant l’ensemble est original et
amusant.

Bonne interprétation. Mlle Thomassin fait preuve
d’un réel talent dans le rôle de Geneviève. Mlle Andrée
Méry est fort drôle en Américaine. Quant à Mm0 Ma-
gnier, son éloge n’est plus à faire. Du côté masculin,
citons M. Lérand, parfait en vieux viveur; M. Numa,
suffisamment ahuri en marié, et M.Tarride, vraiment
remarquable dans le rôle de Frère Jacques.

Terminons en disant que ces quatre actes ont
obtenu le plus franc succès, celui qui fait présager
une suite ininterrompue de chambrées complètes.

G. L.

BIBLIOGRAPHIE

LES MALHEUREUSES, suite de lithographies,

par Jean-Paul Dubray, avec préface de Henri

Boulet, Editions de l'œuvre d’Art international,

33, rue de Constantinople, Paris. — Prix de

Valbum : 10 francs.

Il nous a été rarement donné d'admirer une œuvre
d’une aussi grande valeur artistique et d’une con-
ception aussi puissante que les Malheureuses, de
M. Jean-Paul Dubray. C’est mieux qu’un album de
lithographies, c’est une suite captivante de poésies
très observées où l’auteur nous présente tour à tour
en un dessin parfait et d’une haute maîtrise: Il n'est
plus! — Abandonnée. — Egarée. — Maladie. —
Poitrinaire. — Pensée folle. —Feue la mère, feu le
père. — Elle s’est aventurée! — Aumône. — Décou-
ragée! — Agonie.

Ceci est précédé d’une préface de M. Henri Boutet,
de laquelle nous extrayons les passages suivants :

11 y aurait matière à philosopher, en cherchant la
raison qui pousse beaucoup de jeunes à trouver
l’expression de leur art dans les tristesses et dans
les douleurs de la vie. Serait-ce donc parce que, plus
qu’autrefois, leur vie elle-même soit désenchantée et
que les rêves de jeunesse s’embrument, maintenant,
davantage de l'incertitude des lendemains? Cette
raison, en tout cas, en vaut une autre, sans que je
prétende qu’elle vous ait guidé en vos préférences en
art suffisamment indiquées par le choix de vos
sujets.

Votre esprit se plaît à voyager autour des tristesses
et à en pénétrer les secrets. Les pauvres yeux
alourdis du poids des veilles, les paupières ravinées
des rides creusées par les souffrances et par les
larmes, l’attirent. Il se complaît dans les sillons que
la douleur façonne sur la figure des vieilles. Il con-
tourne amoureusement leurs doigts de squelette où
l’ostéologie chasse la chair, racornit la peau et aide
la eamarde à préparer pour la tombe ceux qu’elle a
commencé à dépouiller de la vie. — Et cette œuvre-là
fait songer plus qu’une autre; nous prend plus de
nous-mêmes que les évocations des prouesses des
héros, que les sensualités qui montent au cerveau, de
la nudité des femmes, que toutes les griseries de
l'œil qui viennent de la splendeur des couchers de
soleil ou de la fraîcheur nacrée des matinées de
printemps. Cet art n’attire pas, il retient; il s’adresse
plus immédiatement à nous-mêmes en éveillant en
nous la peur des déchéances fatales et l’inquiétude
des fins de vie.

Faut-il en conclure qu’il faille préférer cet art à un
autre? Non. Mais il faut tenir cette analyse d’huma-
nité comme évocatrice des communions qui nous
rapprochent des souffrances d’autrui. — Avoir aimé
ou n’avoir pas aimé du tout peuvent être des douleurs
différentes; mais souffrir d’une chose ou d’une autre
est toujours souffrir. Faut-il reprocher à un artiste
d’avoir cherché dans la souffrance des moyens d’ex-
pression, qu’en lui il a senti plus pénétrants que
d’aulres?

Les joies ne font guère penser. Un front penché ne
l’est pas sur la promesse de bonheurs éphémères ou
sur le regret des joies factices.

La beauté de l’idée de la mort emplit de sa grandeur
les œuvres du moyen âge. Les faces grimaçantes, les
gargouilles simiesques, les masques de damnés, et
toutes les figures apeurées que les artistes de l’époque
ont sertis aux flancs des cathédrales dominent l’idée
évocatrice de la mort. Elles dirigent l’esprit vers la
pensée d’une vie future. Inquiète des tourments, des
angoisses, des douleurs que toutes ces images
faisaient pressentir, l’âme s’imprégnait de l’idée de la
mort et l'accoutumance à celte idée a préparé toutes
les grandeurs de la chevalerie et a imposé des domi-
nations qui en valaient bien d’aulres.

L’art en a profilé. Les Danses macabres étaient le
thème où pouvait se développer mieux la foi inquiète
des âmes. Le grotesque semblait grandir encore la

sublime philosophie qui s’échappait d’ œuvres qui
contenaient tout : gaieté, douleur, ironie; allant
dans ses personnages, des papes aux filles de joie’
passant de la candeur des vierges aux masques'hor-
ribles des sorcières, empruntant à l’humanité tout
son cortège de sensations, toutes ses impuretés et
toutes ses grandeurs; entraînant accouplés, et la
main dans la main, poussés vers l’abîme, vers le
même but, tous ces vivants qui allaient vers la mort.

Les conceptions esthétiques du moment ne vont
peut-être pas si haut. Le temps n’y prête guère. Il
faut cependant marquer la place de ceux qui s’en
i approchent en faisant appel a notre pensée plus
qun nos sens, et ce beau couplet de « Danse maca-
bre » : Les Pieds d’vant, de Maurice Boukav peut
ètie piéféré à Viens Poupoule, plus en rapport,
cependant, avec 1 esprit de nos goûts d’art nouveau
ce joli vocable qui, à lui seul, est'bien la chose la plus
creuse qu il y ait. Si on déduit logiquement que,
puisqu’il est nouveau aujourd’hui, il ne le sera plus
demain, qu en reste-t-il ? L’art ne peut être que
durable, et ce qui n’est pas durable n’est que la
forme plus ou moins curieuse, plus ou moins jolie,
plus ou moins amusante que l’esprit d’une époque
impose et qu il limite, seulement, à la durée de celte
époque. Il serait bien possible que, dans des temps
éloignés, les choses à garder que laissera l’art
nouveau fussent attribuées par des conservateurs de
musée futurs à ce que nous a laissé le moyen âge, la
Renaissance et même l’art de grâce, si pur et’ si
français, de nos maîtres du dix-huitième siècle,
parce que ce qui méritera d’être gardé dans les pro-
ductions de l’art nouveau viendra de ce qui n’etait
pas nouveau du tout. Le reste passera comme passe
toute mode.

Nous sommes à une époque où rien ne dure.
Chaque jour apporte la destruction d’une chose
cependant née la veille. Au lieu de cette stabilité qui
faisait qu’une vie pouvait s’écouler dans une même
maison, près des mêmes objets qui vous étaient chers,
au milieu d usages qui ne nous obligeaient ni à
démentir nos pensées, ni nos actes, nous sommes
maintenant livrés à la nécessité de vivre, autrement,
d’heure en heure.

Je crois que le progrès est une vilaine chose, qui,
chaque jour, dévore un peu de notre âme; il ne res-
tera bientôt plus à notre esprit que le triste aspect
des réalités; et comme il faudra bipn, quand même,
que notre cerveau trouve son besoin de repos où il
pourra le trouver, les améliorations qu'il faut bien
attendre de l’Automobilisme et du Looping the loop
devront suffire aux délassements de notre'esprit, et
quand, sur un chemin, se verra quelque rêveur attardé
devant un coucher de soleil, on le prendra pour un
fou.

11 faut que tout aille vite! la pensée comme le reste.
— Ce qui peut être communiqué par téléphone
implique une exécution qui doit suivre la même rapi-
dité. Un jour viendra où un nouvel élément sera volé
aux entrailles de la terre, afin qu’en tout on aille plus
vite encore.

Il est bon que les rares élus qui ne sont pas
emportés dans ce tourbillon de folie sachent gré à
ceux qui, faisant machine en arrière, laissent notre
pensée intacte en apportant une part de leur œuvre
à la tranquillité de nos besoins de réflexion. C’est ce
que vous avez fait, mon cher Dubray, et ce qu’il m’est
agréable de dire, et à vous, et à ceux qui auront
entre les mains votre album.

Henri Boutet.

Cet ouvrage, tiré sur papier de luxe dans le format
in-folio et présenté dans une jolie couverture est,
croyons-nous, appelé à un retentissant succès dans
le monde des arts.

PROGRAMME DES SPECTACLES

Opéra........ P. N. L'Etranger.

Comédie-Française. P. N. Le Dédale.
Opéra-Comique. . . La Reine Fiammette (11110 Gardée).

Odéon........ P. N. L’Absent.

Sarah-Bernhardt . . P. N. La Sorcière (M. de Max).

Nouveautés..... Les Sentiers de la vertu.

Gaité......... Messaline (Mme Emma Calvé).

Porte Saint-Martin. Gil Blas de Santillane.

Vaudeville...... P. N. Frère Jacques.

Cluny......... Monsieur la Pudeur.

Tour Eiffel. — Ouverte de 10 h. à la nuit. Restaurant.

Ascensions. Théâtre.

CHEMINS DE FER DE PARIS-LYON-MËDITERRANËE

VOYAGES INTERNATIONAUX A ITINÉRAIRE FACULTATIF

Toutes les gares délivrent, pendant toute l’année, des
livrets de voyages internationaux avec itinéraire au gré
des voyageurs, sur les sept grands réseaux français, sui-
tes lignes maritimes de la Méditerranée desservies par
la Compagnie transatlantique, ta Compagnie de naviga-
tion mixte (Touache) et la Société générale de transports
maritimes à vapeur, ainsi que sur les chemins de fer
allemands, austro-hongrois, belges, danois, italiens, fin-
landais, luxembourgeois, néerlandais, norvégiens, rou-
mains, serbes, siciliens, suédois, suisses et turcs.

Ces voyages, lorsqu’ils sont commencés en France,
doivent comporter obligatoirement des parcours à l’étran-
ger.

La validité des livrets est de 45, 60 ou 90 jours suivant
la longueur des parcours.

La liste et la carte des parcours pouvant entrer dans
la composition des livrets internationaux sont déposées
dans toutes les gares, bureaux de ville et agences de la
Compagnie. — Le public y peut en prendre connaissance
et s’y procurer ces deux documents au prix de 2 francs
et la carte seule au prix de 0 fr. 30.

13202— Librairies-Imprimeries réunies, rue Saint-Benoit, 7, Paris.— Motteroz, directeur.

I.e Gérant : Motteroz.
 
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