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Bulletin de l' art pour tous — 1904

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No 221 (Mai 1904)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19282#0017
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L’ÀRT POUR • TOU£

F/VCYCLOP£DΣU£ L "ARTINDUSTRIEL ET D£CORA TIF

A

paraissant tous ies mots

FONDÉ PAR ÉMILE REIBER
Directeur: Henry GUÉDY, architecte (S. A. F.)

^ cannuel: 24-

~3

43e Année

Litrairies-lmprimcries réunies

An-cienne Alaiso^i TAor&L
PARIS

7, rue Saint-Benoît

Mai 1904

FRAGMENTS D’ART GREC

Tanagra et Myrina

Par J. Damelli
Suite (1)

El maintenant, d’un tel faisceau d’éléments
d’appréciation et de comparaison, comme aussi
des particularités qqi les précisent et les com-
plètent, que conclure, sinon que ces exquises
figurines ne pouvaient être que des portraits ?
Et nous estimons qu’il y a d’autant moins d’hé-
sitation à l’admettre que d’autres considéra-
tions^ viennent encore fortifier une semblable

conviction : portraits de femmes, de filles, d en-
fants, d’amantes et d’amies, parce que seuls
ils peuvent justifier cette recherche dans les
attitudes, celte grâce dans les mouvements,
cette coquetterie dans les ajustements; parce
que seuls ils étaient capables d inspirer cette
diversité de sentiments, véritable état dame,
que chacun d’eux individuellement reflète.

Et quoi de plus naturel, dans ce milieu de
luxe, de plaisirs et de frivolités qu’était la ville
de Tanagra, que ceLLe pensée d’interpréter sous
des formes sculpturales les images d’élres ai-
més ou chers à un titre quelconque? N’est-ce
point là d’ailleurs le rôle prépondérant assigné
de tout temps à la sculpture, que celui du por-
trait, et consacré par une coutume commune à
tous les peuples qui pratiquèrent cet art, aussi
avant qu’on puisse remonter dans le passé?

Et en effet, à côté des images des person-
nages fabuleux qui se meuvent dans le cycle
mythologique, images qui, notons-le, seraient
elles-mêmes des portraits si ceux qu’elles in-

(d) Voir Y Art pour tous, n° d’avril 1904.

terprèlent, au lieu de 'naître dans l’imagination
du poète, eussent revêtu l’enveloppe humaine;
que sonl-ce toutes ces figures d’hommes et
parfois même de monstres dans leur accouple-
ment de face humaine et de corps d’animaux,
sinon des portraits? Est-ce que, pour ne citer
qu’un exemple, le colossal sphinx de Memphis,
cette sorte de sentinelle avancée des Pyramides,
taillé dans une montagne de granit, n’est pas
le portrait d’un Pharaon qui aurait vécu quelque
1700 ans avant notre ère?

Mais alors que chez la plupart des peuples de
l’antiquité, seuls les rois, les prêtres et les per-
sonnages de marque pouvaient prétendre à
cette consécration de leur image par la sculp-
ture. Les Grecs, on le sait, ne s’en tinrent pas,
eux, à cette étroite limite, et sans nous arrêter
aux statues, véritables portraits, qu’ils édifiè-
rent aux athlètes, aux vainqueurs de courses,
de conduites de chars, de concours de poésie,
de jeux, etc., qu’il nous suffise de rappeler que
précisément vers l’époque où se placent les fi-
gurines qui nous occupent, et peut-être même
antérieurement, il était fort en usage, chez eux,
d’orner les chambres dans lesquelles étaient
aménagés les lits de repos, d’images exécutées
en cire représentant les enfants de la famille.

Dès lors, et puisque la coutume des portraits
s’y était acclimatée au point de pénétrer jusque
dans l’intimité, n’est-il pas tout naturellement
concevable que, dans certaines localités, cette
coutume se soit donnée un plus libre cours,
alors surtout que, comme à Tanagra, elle venait
répondre aux aspirations de mœurs locales,
autant qu’aux goûts nés de cette ambiance de
luxe, de richesse et de frivolité, flattant, dans
son essence même, et les instincts de coquette-
rie et de vanité des modèles, et les sentiments
divers de ceux auxquels ces portraits pouvaient
être destinés.

Toutefois, ce qui, dans la circonstance, reste
le propre des Tanagréens, c’est la diffusion
qu’ils apportèrent à cette coutume, diffusion
qu’il convient'surtou! d’attribuer à l’usage qu’ils
firent de l’argile au lieu et place des matières
jusqu’alors employées par les autres peuples :
basalte, granit, porphyre, marbre et albâtre, en
ce que cette substance se prêtait mieux qu’au-
cune de ces dernières aux proportions très ré-
duites de leurs œuvres, tout en contribuant
dans une large mesure à la facilité autant qu’à
la rapidité de l’exécution, toutes deux incompa-
tibles avec ces autres matières dont l’emploi
imposait d’ailleurs la pratique d’une technique
beaucoup plus difficullueuse et nécessairement
plus savante.

Enfin, la mode aidant, et l’on sait la puissance
qu’exerce parfois celle-ci, puissance d’autant
plus forte qu’elle opère dans un milieu de
faste, de jouissances et de conventions, le goût
s’en propagea, du moins aux alentours, pour,
en se développant, pénétrer dans les localités
avoisinantes telles que Aulis et Tisbé, que nous
avons précédemment mentionnées et qui, sous
l’influence d’un contact de chaque jour, durent

j d’autant mieux se soumettre aux exigences de
j cette mode qu’elles vivaient elles-mêmes de la
| vie de la ville voisine.

Telle est, en substance, la thèse d’après la-
quelle nous avons entendu conclure que ces
terres cuites étaient simplement des portraits,
thèse qui, nous en convenons, n’apporte pour
s’étayer ni preuves authentiques, ni documenta-
tion historique. Mais, outre qu’il en est ainsi et
qu’à moins de découvertes nouvelles il n’en sera
malheureusement jamais autrement pour toutes
les hypothèses émises sur le sujet, on ne saurait
méconnaître que celle que nous soutenons s’ap-
puie sur des faits et des déductions qui, même
dans leur multiplicité, s’adaptent, non sans pré-
cision, à la génèse même de la question.

Celle thèse des portraits admise, on pourra
s’étonner de ne pas retrouver, parmi ceux-ci,
une proportion équivalente d’hommes à celle
des femmes; celte proportion, en effet, parais-
sant tout au plus, pour les premiers, atteindre
le dixième de ces dernières. Mais l’explication en
pourrait être que non seulement les femmes y
étaient nativement plus accessibles, mais encore
désireuses d’une interprétation de leur image
qui, en dehors de l’usage qu’elles pouvaient
avoir à en faire, ne pouvait manquer de satis-
faire leur instinct de coqueLterie, coquetterie
manifeste et d’ailleurs obligée par le milieu
même dans lequel elles vivaient.

Quant aux représentations de divinités et de
groupes symboliques, sans aller jusqu’à émettre
l’hypothèse que les personnages y étaient eux
aussi des portraits, bien que le fait puisse être
vraisemblable en ce que l’histoire enregistre de

BULLETIN DE L’ART POUR TOUS. — N° 221.
 
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