BULLETIN DE L’ART POUR TOUS
N° 221
PROMENADE JAPONAISE
Ceux qui portent en leur âme la passion des
expositons d’Arl seront certes heureux d ap-
prendre qu’on leur offre en ce moment une occa-
sion délicate autant que rare, de la satisfaire.
Aussi croyons-nous être agréable aux person-
nes qui, sincèrement éprises du Beau, n’ont point
de joie plus grande que l’exlenlion de leurs no-
tions esthétiques, en les envoyant savourer un
régal nouveau. Nouveau est un qualificatif bien
mérité en effet par le spectacle offert; puis-
qu’il s’agit de plus de deux cents peintures japo-
naises de maîtres séculairement admirés au
pays du Soleil Levant.
j’amais une pareille moisson de chefs-d œu-
vres n’avait été cueillie là-bas par un de nos
compatriotes. Aussi, est-ce avec une joie par-
faite que nous avons visité hier la collection de
M. Barboutau, que M. Bing, avec son goût 91’-
dinaire—pardon! je veux dire extraordinaire
— a bien voulu nous montrer lui-même, dans
ses Salons de la rue de Provence.
Mais, direz-vous, qu’est-ce que la collection
Barboutau? Qui est M. Barboutau? C’est un
homme qui a passé six à sept ans de sa vie au
Japon et en a profité pour chasser, non des
animaux exotiques, curieux sans doute, mais
de précieuses œuvres d’art, que sa connaissance
des Japonais, de leurs mœurs et de leur lan-
gue — qu’il possède, paraît-il, comme en lettre
du pays — lui a permis de suivre, d’atteindre et
de conquérir, là d’où tout autre, dans les condi
lions d’un fureteur ordinaire, serait revenu bre-
douille. M. Barboutau a réussi à récolter des
documents nombreux pour une histoire de la
peinture japonaise classique et populaire ; et ce
sont les documents de celte histoire qui! nous
a été donné de feuilleter du regard, de com-
pulser, d’étudier fructueusement, hier. Des
écoles, à peu près inconnues chez nous, il-
lustres là-bas cependant, ont défilé devant, nos
yeux émerveillés pour le plus grand profit ue
notre esprit charmé. , ,
Nous avons eu la bonne fortune de rencontrei
chez M. Bing — dont chacun connaît l érudition
étendue, le sens artiste raffiné et la bonne grâce
parfaite — M. Barboutau lui-même, qui a bien
voulu compléter, exhausser nos joies en nous
montrant et nous expliquant la poursuite ou la
déviation des traditions chez les maîtres diveis
dont nous admirions les peintures. Et il ajoutait
Singulièrement au plaisir qu’il nous donnait cie
l’entendre, en entremêlant l’exégèse des œuvres
de l'histoire des ouvriers. En vérité, M. Barnou-
tau possède cette histoire comme s’il avau vécu
en la compagnie familière des artistes. 1V1. oing
m’a fait comprendre cette familiarité. Il ma
montré le livre admirable que M. Bai boula
vient d’écrire, en l’illustrant de reproduction
splendides de ses peintures, de ses estampe. ,
— bien plus nombreuses encore que ses peintu-
res—, de ses objets d’art aussi. ,,
Ce livre, qui n’est malheureusement tue j
un nombre trop restreint d’exemplaires, est m -
tulé : Biographies des Artistes japonais, etc.
là un ouvrage capital, indispensable a e
de l’art d’Extrême-Orient. Ce qui rend plus grand
encore l’intérêt du volume, c’est que, pu
sentiment de réserve rare, M. Barbou a 8
pas voulu faire un livre de critique, çle c
verse. 11 s’est abstenu de loute théorie, e
affirmation personnelle avec un soin , &c
celui que bien d’autres eussent appoi c 1
émettre. Il a purement et simplement
que cela, en vérité — traduit tro1® Qp.-g
écrits, à des époques diverses, par fies, irc
japonais compétents; connaissant bie
de leurs artistes. 11 a fondu ensuiteces» ouvra
ges ensemble, sans rien changer a la «■
littérale, el nous a offert modestement 1 opinion
des Japonais sur l’art japonais.
Locarn.
La vente de la collection P. Barboutau com-
mencera, à l’Hôtel Drouot le 3 juin Les expo
sitions particulières s’étendent du 18 au -9 rna
(sauf le dimanche et le lundi de la 1 entecô )
chez M. Bing, 22, rue de Provence; elles se con-
tinueront le 1er juin à l’Hôtel Drouot. Une exposi-
tion publique aura lieu à l’Hôtel Drouot le 2 juin.
les salons
A la Société des Artistes français.
Il faut
position
de suite avoir le courage
des Artistes
de dire que l’Ex-
'rançais manque absolument
Pas de notes d’art person-
nelles ! De bons, de moyens tableaux, consciencieu-
sement peints, de grandes toiles insignifiantes parfois
d’originalité el d’intérêt.
qui dénotent beaucoup de métier, de travail opiniâtre,
mais auxquelles il manque l’étincelle d’art qui carac-
térise le véritable artiste.
Nous ne parlons pas, bien entendu, des grands
maîtres comme J.-P. Laurens, Bonnat, Bouguereau,
J. Lefebvre, Ferrier, Harpignies, Guillemet, etc.,
qui ont donné en temps leur grande œuvre !
À ceux-là on ne peut demander que de se mainte-
nir à la hauteur de leur réputation glorieusement
acquise, et certes ils n’y manquent pas, on les sent
chercheurs et travailleurs infatigables ; mais nous
voudrions voir quelques nouveaux venus, quelques
jeunes, s’élever dans les hautes sphères de l’art, se
secouer un peu de la facture creuse, routinière, vieil-
lotte où il est visible qu’ils marchent dans les sentiers
battus pour chercher le succès facile et plaire à un
jury suranné qui donnera la récompense convoitée.
On sent l’effort pour se rapprocher du genre, imiter
tel ou tel, qui, les années précédentes, a remporté
cette médaille tant convoitée! Les récompenses, à
l’heure actuelle, sont la perte, l’anéantissement de
l’esprit artistique et primesautier des artistes des
Champs-Elysées.
On expose aussi Irop souvent; on ne travaille plus,
on produit, on encombre ses ateliers de toiles expo-
sées partout, qu’on ne vend pas, au lieu de rêver de
belles œuvres, de les laisser surgir en soi, de s’en
pénétrer et de les produire vivantes et superbes.
Dans un rapide compte rendu, nous allons parcou-
rir ces trente-neuf salles et tâcher de signaler à nos
lecteurs les œuvres qui nous ont paru les plus inté-
ressantes.
Salle I. — La salle des grandes décorations (qui
ne décorent pas), des grandes mauvaises toiles fasti-
dieuses, on voit des femmes débordantes de chairs,
des soldats furieux, des Napoléons entourés d’allégo-
ries, des Romains discutant, etc. C’est grand, c’est
criard, insupportable de couleur; ceci tue cela! Tout
se nuit, s’écrase et donne envie de fuir !
M. Bergès, cependant, dans une grande toile in-
compréhensible, offre peut-être ici le morceau de
peinture le plus intéressant par le mouvement et la
couleur. Saragosse.
On découvre aussi par-ci par-là, dans celte salle,
quelques paysages, quelques portraits absolument
écrasés par leurs grands voisins. Cependant un joli
portrait de femme en blanc, par A. Lynch, et un Ver-
sailles d’automne, par Edmond Fournier, nous repo-
sent agréablement.
Salle II. — Un superbe portrait de femme avec
son enfant, par Aimé Morot; c’est une page intime,
d’une rare puissance et d’une suprême maîtrise artis-
tique. Rien ne résiste à ce magistral voisinage ; tout
parait mièvre.
Cependant, voilà des chais ravissants et adroits, de
M. Le Roy.
Pourquoi ces horribles fleurs, signées Kina, sont-
elles ici ?
Salle III.— La Carlotta, de J. Lefebvre, peinture
comme toujours savante et froide. Deux jolis paysages
de Jacques Marie et un portrait intéressant deJobert.
Salle IV. — La Sorcière, de M. Lecomte du Nouy,
joli morceau de nu d’un éclairage savant, donnant aux
chairs une saveur dorée. Attirante, éblouissante... du
même, Un Juif lisant, dessin serré et vigoureuse fac-
ture.
Une élude de femme de Matignon, et des moisson-
neuses quelconques de M. Laugée. Une très jolie
Vue de Venise, soleil couchant, et une vision de parc
poétique, de Frank Lamy.
Salle V. -— Le Luther, de J.-Paul Laurens, dans
la note austère qui convient au sujet; des toiles
agréables de Mlles Lavrut et Laura Leroux; les pay-
sages ensoleillés de Petitjean et une marine saisis-
sante de Paul Joubert.
Salle VI. — Le triptyque, d’Henri Martin. On
peut discuter cette manière, ce genre de peindre,
mais on ne peut nier la puissance du dessin et l’in-
tensité de lumière.
M. Layraud, qui fil naguère un portrait du Prési-
dent Loubet, a eu la mauvaise idée de ressusciter
Gambetta. Ces deux effigies officielles ne se le cèdent
en rien par la médiocrité.
Salle VII. — Deux peintures vibrantes et poé-
tiques de Maxence, Vers l’idéal el Chant du soir.
Ici le clou, l’œuvre maîtresse de cette salle et de ce
Salon, les Mineurs, de J.-Paul Laurens. Dans un
paysage d'usine au ciel enfumé, au sol noirci, des
mineurs se rendent à leurs travaux : c'est la vie même,
émouvante et saisissante.
Anxiété, de M. Tony-Robert Fleury, est une œuvre
également remarquable et humaine. “
Salle VIII. — Une Femme au paon, de Richter,
un joli déjeuner d’E. Renard, des paysages de Nozal,
Ncirot, etc.
Salle IX. — Des souvenirs d'école, de G. Leroux;
un joli portrait de femme, de Mme Paymal-Amouroux.
Salle X. — Peu de choses, le Portrait d'un vieux
peintre, par M. Perrachon ; Impressions d'ncosse, par
M. Robertson; Pêcheurs d'épaves, de John Reed.
Salle XI. — De Tattegrain : Distribution des ré-
compenses en igoo, toile officielle insupportable,
ratée. Passons! et jetons un coup d’œil sur la cléco-
ralion devant être reproduite par les Cobelins : La
Mort de Duguesclin, par Toudouze, œuvre de con-
sciencieux érudit; deux figures de genre, de Juana
Romaini.
Salle XII.— Une jolie fantaisie de Ridel, exquise
d'éclairage; ledessin desfigures y estspirituelet savant.
Une jolie Parisienne, de Ribeira, et un froid por-
trait de Wenker.
Salle XIII. — Des nus prétentieux de M. Per-
rault, un médiocre portrait du Pape par Lionel
Royer et un portrait de M. Umbricht.
Salle XIV. — M. Swiller remplace M. Ilenner
absent. C’est presque un trompe-l’œil ! Un beau por-
trait du peintre Styka, par son fils Thaddee Styka,
âgé à peine de treize ou quatorze ans. C’est extraor-
dinaire de puissance de coloration et de science pic-
turale !
Salle XV. — La Veillée, de Joseph Bail, éclairage
de plus en plus savant; c’est le triomphe du beau
métier et de la difficulté tournée ou vaincue.
Deux portraits très fins, mais un peu froids, du
portraitiste Tanoux; une allégorie de Séon ; très enso-
leillé et habile le tableau de Sorolla !
Salle XVI. — La Promise et Fin d'été, de Souza
Pinto; un joli portrait de femme, de Jules Triquet, et
une femme nue, de Seignac.
Salles XVII et XVIII. — Lithographies et gra-
vures. Signalons en passant les œuvres de MM. Mau-
rou, Lefort, Patricot, G. Sauvage, Braqueiet, Bouis-
set, Misli, etc.
Salle XIX. — Ici deux maîtres ; Antonin Mercié,
l’éminent statnaire, et Cormon. Le premier, avec une
Midinette, d’un coloris, d’une facture spirituelle, ex-
pressive et séduisante, et Le Repos de Diane, œuvre
également exquise. Le second, dans une grande toile
officielle, nous monlre La Réception des maires à
l'Elysée. Cela n’ajoutera rien à sa gloire! Pour nous
réjouir un amusant cardinal, de Brispot, et Une Vue
mouvementée des boulevards, par Adler.
Salle XX. — Un splendide, peut-être même le
plus beau portrait, le plus élégant, le plus vrai du
Salon, tant par la distinction du modèle que par la
couleur et l’exécution savante et simple de M. Etche-
very. Une ravissante nature morte de M. Bergeret.
Salles XXI et XXII. — Une Dryade, du xfieux et
toujours jeune maître Bouguereau; une Marine, de
Timmermaus, et Le Coin de table d’un dîner élégant,
par Paul Chabas, bien en possession de son talent.
Un portrait joli, mais mal dessiné, de Schryver,
qui s’adonnait naguère aux fleurs et petits tableaux
de genre.
Salle XXIII.— Deux portraits de Bonnat, toujours
un peu froids, aux fonds chocolat, mais bien construits.
Nous sommes heureux de saluer en l'un de ces por-
traits l’aimable effigie de M. Roujon. Deux Chartrain,
encore une toile officielle ratée, mais heureusement
un joli portrait du cardinal Gibbons; de beaux pay-
sages de Paulin Bertrand et Bompard.
Salle XXIV. — Deux Intérieurs, de Franck Bail,
savamment peints et composés; une Avenue des
Champs-Élysées avec son animation des beaux jours,.
dans un soleil doré et adorable, par M. Cagniart; un
agréable portrait, de Mms Vallet-Bisson, et de su-
perbes paysages, de MM. Dameron et Julien Dupré.
Salle XXV. — Un Repas de noces en Bretagne,
tableau de couleur locale, succès mérité par la clarté,
la vérité et le vu juste de l'œuvre. Savant l’envoi de
M. Adler : ses Hâleurs sont très sincères, très vrais.
Nous aimons moins les envois de M. A. Brouillet,
cela manque de solidité et penche trop vers la joliesse.
Salles XXVI et XXVII. — Une Rêverie, de Dick-
son ; un Paysage, de Chéron ; Maison à louer, Un
Champ de roses merveilleuses devant une maison, le
tout dans un joli coin de campagne ensoleillé, du
maître fleuriste H. Cauchois. Des Hollandaises, de
Camareyt, joli morceau d’exécution admirablement
enlevé. Le portrait du Dr Polain, par Bisson, et des
types populaires d’enfants, par M11* Madeleine Car-
pentier.
Salle XXVIII. — La Salle de Ferrier : un Pape
qui nous paraît un peu théâtral, mais où se retrouve
néanmoins la puissance, la facture, l’élégance du
maître. Un beau portrait de femme complète cet
envoi. Un joli paysage de P. Buffet, des portraits de
MM. Bordes, Raymond Fontanes.
Salle XXIX. — Un joli Gagliardini éclatant, de
soleil; Un Coin de bataille, d’Hofbauer; L'Effroi, de
Paul Cervais, et du même un grand plafond un peu
compliqué, mais toujours plein de fougue et de
vigueur. Les envois de MM. Chigot, Désiré Lucas et
Quignon.
Salles XXX et XXXI. — De jolis paysages de
Gosselin, des portraits d’enfanls de Chéca, un Chi-
nois de Faugeron; Le Repos du modèle, de Calliac;
une scène des hospices de Beaune, Les Convalescentes,
par Geoffroy. C'est tout 1
Salle XXXII. — Les deux superbes paysages de
Guillemet, Vues de Moret, splendidement traités. On
est plus surpris que charmé des fleurs et fruits de
M. Arthur Chaplin, c’est comme un bibelot d’un
autre âge.
Salles XXXIII, XXXIV et XXXV. — Les paysages
de Delpy; l’envoi de Flandrin, œuvre puissante de
belle inspiration : Jésus pleurant sur la ville. Les
paysages solides, puissants d’Harpignies; les œuvres
délicates et populaires de Mme Demont-Breton; une
délicate peinture de M11" Green, Indolence.
Salle XXXVI. — Les deux admirables portraits
de Ferdinand Humbert : rien n’est plus distingué,
plus élégant, plus spirituel et plus largement enlevé.
Et quels modèles exquis ! Un portrait savant, mais
sévère, de M. Déchenaud; un portrait de M"8 Ilalto,
de l’Opéra, par Mn° Fierard.
Salles XXXVII, XXXVIII et XXXIX. — Deux
portraits bien compris de Sydney Prior Hall; les
œuvres humoristiques et vivantes de Devambez : Je
suis Jean Valjean et les Incompris; un portrait de
Grün et des scènes arabes de Guillonet; Une Menace
d’orage, de Diéterle, et une toile pleine de poésie et
de vérité, Ouvrières des faubourgs, par Danguy ; Les
Vieux, de M. Gaston Guédy, toile pleine de sincérité
et d’un joli enveloppement poétique.
N° 221
PROMENADE JAPONAISE
Ceux qui portent en leur âme la passion des
expositons d’Arl seront certes heureux d ap-
prendre qu’on leur offre en ce moment une occa-
sion délicate autant que rare, de la satisfaire.
Aussi croyons-nous être agréable aux person-
nes qui, sincèrement éprises du Beau, n’ont point
de joie plus grande que l’exlenlion de leurs no-
tions esthétiques, en les envoyant savourer un
régal nouveau. Nouveau est un qualificatif bien
mérité en effet par le spectacle offert; puis-
qu’il s’agit de plus de deux cents peintures japo-
naises de maîtres séculairement admirés au
pays du Soleil Levant.
j’amais une pareille moisson de chefs-d œu-
vres n’avait été cueillie là-bas par un de nos
compatriotes. Aussi, est-ce avec une joie par-
faite que nous avons visité hier la collection de
M. Barboutau, que M. Bing, avec son goût 91’-
dinaire—pardon! je veux dire extraordinaire
— a bien voulu nous montrer lui-même, dans
ses Salons de la rue de Provence.
Mais, direz-vous, qu’est-ce que la collection
Barboutau? Qui est M. Barboutau? C’est un
homme qui a passé six à sept ans de sa vie au
Japon et en a profité pour chasser, non des
animaux exotiques, curieux sans doute, mais
de précieuses œuvres d’art, que sa connaissance
des Japonais, de leurs mœurs et de leur lan-
gue — qu’il possède, paraît-il, comme en lettre
du pays — lui a permis de suivre, d’atteindre et
de conquérir, là d’où tout autre, dans les condi
lions d’un fureteur ordinaire, serait revenu bre-
douille. M. Barboutau a réussi à récolter des
documents nombreux pour une histoire de la
peinture japonaise classique et populaire ; et ce
sont les documents de celte histoire qui! nous
a été donné de feuilleter du regard, de com-
pulser, d’étudier fructueusement, hier. Des
écoles, à peu près inconnues chez nous, il-
lustres là-bas cependant, ont défilé devant, nos
yeux émerveillés pour le plus grand profit ue
notre esprit charmé. , ,
Nous avons eu la bonne fortune de rencontrei
chez M. Bing — dont chacun connaît l érudition
étendue, le sens artiste raffiné et la bonne grâce
parfaite — M. Barboutau lui-même, qui a bien
voulu compléter, exhausser nos joies en nous
montrant et nous expliquant la poursuite ou la
déviation des traditions chez les maîtres diveis
dont nous admirions les peintures. Et il ajoutait
Singulièrement au plaisir qu’il nous donnait cie
l’entendre, en entremêlant l’exégèse des œuvres
de l'histoire des ouvriers. En vérité, M. Barnou-
tau possède cette histoire comme s’il avau vécu
en la compagnie familière des artistes. 1V1. oing
m’a fait comprendre cette familiarité. Il ma
montré le livre admirable que M. Bai boula
vient d’écrire, en l’illustrant de reproduction
splendides de ses peintures, de ses estampe. ,
— bien plus nombreuses encore que ses peintu-
res—, de ses objets d’art aussi. ,,
Ce livre, qui n’est malheureusement tue j
un nombre trop restreint d’exemplaires, est m -
tulé : Biographies des Artistes japonais, etc.
là un ouvrage capital, indispensable a e
de l’art d’Extrême-Orient. Ce qui rend plus grand
encore l’intérêt du volume, c’est que, pu
sentiment de réserve rare, M. Barbou a 8
pas voulu faire un livre de critique, çle c
verse. 11 s’est abstenu de loute théorie, e
affirmation personnelle avec un soin , &c
celui que bien d’autres eussent appoi c 1
émettre. Il a purement et simplement
que cela, en vérité — traduit tro1® Qp.-g
écrits, à des époques diverses, par fies, irc
japonais compétents; connaissant bie
de leurs artistes. 11 a fondu ensuiteces» ouvra
ges ensemble, sans rien changer a la «■
littérale, el nous a offert modestement 1 opinion
des Japonais sur l’art japonais.
Locarn.
La vente de la collection P. Barboutau com-
mencera, à l’Hôtel Drouot le 3 juin Les expo
sitions particulières s’étendent du 18 au -9 rna
(sauf le dimanche et le lundi de la 1 entecô )
chez M. Bing, 22, rue de Provence; elles se con-
tinueront le 1er juin à l’Hôtel Drouot. Une exposi-
tion publique aura lieu à l’Hôtel Drouot le 2 juin.
les salons
A la Société des Artistes français.
Il faut
position
de suite avoir le courage
des Artistes
de dire que l’Ex-
'rançais manque absolument
Pas de notes d’art person-
nelles ! De bons, de moyens tableaux, consciencieu-
sement peints, de grandes toiles insignifiantes parfois
d’originalité el d’intérêt.
qui dénotent beaucoup de métier, de travail opiniâtre,
mais auxquelles il manque l’étincelle d’art qui carac-
térise le véritable artiste.
Nous ne parlons pas, bien entendu, des grands
maîtres comme J.-P. Laurens, Bonnat, Bouguereau,
J. Lefebvre, Ferrier, Harpignies, Guillemet, etc.,
qui ont donné en temps leur grande œuvre !
À ceux-là on ne peut demander que de se mainte-
nir à la hauteur de leur réputation glorieusement
acquise, et certes ils n’y manquent pas, on les sent
chercheurs et travailleurs infatigables ; mais nous
voudrions voir quelques nouveaux venus, quelques
jeunes, s’élever dans les hautes sphères de l’art, se
secouer un peu de la facture creuse, routinière, vieil-
lotte où il est visible qu’ils marchent dans les sentiers
battus pour chercher le succès facile et plaire à un
jury suranné qui donnera la récompense convoitée.
On sent l’effort pour se rapprocher du genre, imiter
tel ou tel, qui, les années précédentes, a remporté
cette médaille tant convoitée! Les récompenses, à
l’heure actuelle, sont la perte, l’anéantissement de
l’esprit artistique et primesautier des artistes des
Champs-Elysées.
On expose aussi Irop souvent; on ne travaille plus,
on produit, on encombre ses ateliers de toiles expo-
sées partout, qu’on ne vend pas, au lieu de rêver de
belles œuvres, de les laisser surgir en soi, de s’en
pénétrer et de les produire vivantes et superbes.
Dans un rapide compte rendu, nous allons parcou-
rir ces trente-neuf salles et tâcher de signaler à nos
lecteurs les œuvres qui nous ont paru les plus inté-
ressantes.
Salle I. — La salle des grandes décorations (qui
ne décorent pas), des grandes mauvaises toiles fasti-
dieuses, on voit des femmes débordantes de chairs,
des soldats furieux, des Napoléons entourés d’allégo-
ries, des Romains discutant, etc. C’est grand, c’est
criard, insupportable de couleur; ceci tue cela! Tout
se nuit, s’écrase et donne envie de fuir !
M. Bergès, cependant, dans une grande toile in-
compréhensible, offre peut-être ici le morceau de
peinture le plus intéressant par le mouvement et la
couleur. Saragosse.
On découvre aussi par-ci par-là, dans celte salle,
quelques paysages, quelques portraits absolument
écrasés par leurs grands voisins. Cependant un joli
portrait de femme en blanc, par A. Lynch, et un Ver-
sailles d’automne, par Edmond Fournier, nous repo-
sent agréablement.
Salle II. — Un superbe portrait de femme avec
son enfant, par Aimé Morot; c’est une page intime,
d’une rare puissance et d’une suprême maîtrise artis-
tique. Rien ne résiste à ce magistral voisinage ; tout
parait mièvre.
Cependant, voilà des chais ravissants et adroits, de
M. Le Roy.
Pourquoi ces horribles fleurs, signées Kina, sont-
elles ici ?
Salle III.— La Carlotta, de J. Lefebvre, peinture
comme toujours savante et froide. Deux jolis paysages
de Jacques Marie et un portrait intéressant deJobert.
Salle IV. — La Sorcière, de M. Lecomte du Nouy,
joli morceau de nu d’un éclairage savant, donnant aux
chairs une saveur dorée. Attirante, éblouissante... du
même, Un Juif lisant, dessin serré et vigoureuse fac-
ture.
Une élude de femme de Matignon, et des moisson-
neuses quelconques de M. Laugée. Une très jolie
Vue de Venise, soleil couchant, et une vision de parc
poétique, de Frank Lamy.
Salle V. -— Le Luther, de J.-Paul Laurens, dans
la note austère qui convient au sujet; des toiles
agréables de Mlles Lavrut et Laura Leroux; les pay-
sages ensoleillés de Petitjean et une marine saisis-
sante de Paul Joubert.
Salle VI. — Le triptyque, d’Henri Martin. On
peut discuter cette manière, ce genre de peindre,
mais on ne peut nier la puissance du dessin et l’in-
tensité de lumière.
M. Layraud, qui fil naguère un portrait du Prési-
dent Loubet, a eu la mauvaise idée de ressusciter
Gambetta. Ces deux effigies officielles ne se le cèdent
en rien par la médiocrité.
Salle VII. — Deux peintures vibrantes et poé-
tiques de Maxence, Vers l’idéal el Chant du soir.
Ici le clou, l’œuvre maîtresse de cette salle et de ce
Salon, les Mineurs, de J.-Paul Laurens. Dans un
paysage d'usine au ciel enfumé, au sol noirci, des
mineurs se rendent à leurs travaux : c'est la vie même,
émouvante et saisissante.
Anxiété, de M. Tony-Robert Fleury, est une œuvre
également remarquable et humaine. “
Salle VIII. — Une Femme au paon, de Richter,
un joli déjeuner d’E. Renard, des paysages de Nozal,
Ncirot, etc.
Salle IX. — Des souvenirs d'école, de G. Leroux;
un joli portrait de femme, de Mme Paymal-Amouroux.
Salle X. — Peu de choses, le Portrait d'un vieux
peintre, par M. Perrachon ; Impressions d'ncosse, par
M. Robertson; Pêcheurs d'épaves, de John Reed.
Salle XI. — De Tattegrain : Distribution des ré-
compenses en igoo, toile officielle insupportable,
ratée. Passons! et jetons un coup d’œil sur la cléco-
ralion devant être reproduite par les Cobelins : La
Mort de Duguesclin, par Toudouze, œuvre de con-
sciencieux érudit; deux figures de genre, de Juana
Romaini.
Salle XII.— Une jolie fantaisie de Ridel, exquise
d'éclairage; ledessin desfigures y estspirituelet savant.
Une jolie Parisienne, de Ribeira, et un froid por-
trait de Wenker.
Salle XIII. — Des nus prétentieux de M. Per-
rault, un médiocre portrait du Pape par Lionel
Royer et un portrait de M. Umbricht.
Salle XIV. — M. Swiller remplace M. Ilenner
absent. C’est presque un trompe-l’œil ! Un beau por-
trait du peintre Styka, par son fils Thaddee Styka,
âgé à peine de treize ou quatorze ans. C’est extraor-
dinaire de puissance de coloration et de science pic-
turale !
Salle XV. — La Veillée, de Joseph Bail, éclairage
de plus en plus savant; c’est le triomphe du beau
métier et de la difficulté tournée ou vaincue.
Deux portraits très fins, mais un peu froids, du
portraitiste Tanoux; une allégorie de Séon ; très enso-
leillé et habile le tableau de Sorolla !
Salle XVI. — La Promise et Fin d'été, de Souza
Pinto; un joli portrait de femme, de Jules Triquet, et
une femme nue, de Seignac.
Salles XVII et XVIII. — Lithographies et gra-
vures. Signalons en passant les œuvres de MM. Mau-
rou, Lefort, Patricot, G. Sauvage, Braqueiet, Bouis-
set, Misli, etc.
Salle XIX. — Ici deux maîtres ; Antonin Mercié,
l’éminent statnaire, et Cormon. Le premier, avec une
Midinette, d’un coloris, d’une facture spirituelle, ex-
pressive et séduisante, et Le Repos de Diane, œuvre
également exquise. Le second, dans une grande toile
officielle, nous monlre La Réception des maires à
l'Elysée. Cela n’ajoutera rien à sa gloire! Pour nous
réjouir un amusant cardinal, de Brispot, et Une Vue
mouvementée des boulevards, par Adler.
Salle XX. — Un splendide, peut-être même le
plus beau portrait, le plus élégant, le plus vrai du
Salon, tant par la distinction du modèle que par la
couleur et l’exécution savante et simple de M. Etche-
very. Une ravissante nature morte de M. Bergeret.
Salles XXI et XXII. — Une Dryade, du xfieux et
toujours jeune maître Bouguereau; une Marine, de
Timmermaus, et Le Coin de table d’un dîner élégant,
par Paul Chabas, bien en possession de son talent.
Un portrait joli, mais mal dessiné, de Schryver,
qui s’adonnait naguère aux fleurs et petits tableaux
de genre.
Salle XXIII.— Deux portraits de Bonnat, toujours
un peu froids, aux fonds chocolat, mais bien construits.
Nous sommes heureux de saluer en l'un de ces por-
traits l’aimable effigie de M. Roujon. Deux Chartrain,
encore une toile officielle ratée, mais heureusement
un joli portrait du cardinal Gibbons; de beaux pay-
sages de Paulin Bertrand et Bompard.
Salle XXIV. — Deux Intérieurs, de Franck Bail,
savamment peints et composés; une Avenue des
Champs-Élysées avec son animation des beaux jours,.
dans un soleil doré et adorable, par M. Cagniart; un
agréable portrait, de Mms Vallet-Bisson, et de su-
perbes paysages, de MM. Dameron et Julien Dupré.
Salle XXV. — Un Repas de noces en Bretagne,
tableau de couleur locale, succès mérité par la clarté,
la vérité et le vu juste de l'œuvre. Savant l’envoi de
M. Adler : ses Hâleurs sont très sincères, très vrais.
Nous aimons moins les envois de M. A. Brouillet,
cela manque de solidité et penche trop vers la joliesse.
Salles XXVI et XXVII. — Une Rêverie, de Dick-
son ; un Paysage, de Chéron ; Maison à louer, Un
Champ de roses merveilleuses devant une maison, le
tout dans un joli coin de campagne ensoleillé, du
maître fleuriste H. Cauchois. Des Hollandaises, de
Camareyt, joli morceau d’exécution admirablement
enlevé. Le portrait du Dr Polain, par Bisson, et des
types populaires d’enfants, par M11* Madeleine Car-
pentier.
Salle XXVIII. — La Salle de Ferrier : un Pape
qui nous paraît un peu théâtral, mais où se retrouve
néanmoins la puissance, la facture, l’élégance du
maître. Un beau portrait de femme complète cet
envoi. Un joli paysage de P. Buffet, des portraits de
MM. Bordes, Raymond Fontanes.
Salle XXIX. — Un joli Gagliardini éclatant, de
soleil; Un Coin de bataille, d’Hofbauer; L'Effroi, de
Paul Cervais, et du même un grand plafond un peu
compliqué, mais toujours plein de fougue et de
vigueur. Les envois de MM. Chigot, Désiré Lucas et
Quignon.
Salles XXX et XXXI. — De jolis paysages de
Gosselin, des portraits d’enfanls de Chéca, un Chi-
nois de Faugeron; Le Repos du modèle, de Calliac;
une scène des hospices de Beaune, Les Convalescentes,
par Geoffroy. C'est tout 1
Salle XXXII. — Les deux superbes paysages de
Guillemet, Vues de Moret, splendidement traités. On
est plus surpris que charmé des fleurs et fruits de
M. Arthur Chaplin, c’est comme un bibelot d’un
autre âge.
Salles XXXIII, XXXIV et XXXV. — Les paysages
de Delpy; l’envoi de Flandrin, œuvre puissante de
belle inspiration : Jésus pleurant sur la ville. Les
paysages solides, puissants d’Harpignies; les œuvres
délicates et populaires de Mme Demont-Breton; une
délicate peinture de M11" Green, Indolence.
Salle XXXVI. — Les deux admirables portraits
de Ferdinand Humbert : rien n’est plus distingué,
plus élégant, plus spirituel et plus largement enlevé.
Et quels modèles exquis ! Un portrait savant, mais
sévère, de M. Déchenaud; un portrait de M"8 Ilalto,
de l’Opéra, par Mn° Fierard.
Salles XXXVII, XXXVIII et XXXIX. — Deux
portraits bien compris de Sydney Prior Hall; les
œuvres humoristiques et vivantes de Devambez : Je
suis Jean Valjean et les Incompris; un portrait de
Grün et des scènes arabes de Guillonet; Une Menace
d’orage, de Diéterle, et une toile pleine de poésie et
de vérité, Ouvrières des faubourgs, par Danguy ; Les
Vieux, de M. Gaston Guédy, toile pleine de sincérité
et d’un joli enveloppement poétique.