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Bulletin de l' art pour tous — 1904

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No 222 (Juin 1904)
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IV 222

BULLETIN DE L’ART POUR TOUS

tracer les grandes lignes d’an enseignement
rationnel des beaux-arts.

Quelques semaines après, répondant à un
désir unanime, il publiait sous le titre : Idée
générale d'un enseignement élémentaire des
beaux-arts appliqués à l’industrie, le plan complet
d’un enseignement complémentaire et métho-
dique du dessin.

Dès lors, l’ère des réformes éLail ouverte et la
voie était tracée avec une telle sûreté par
M. Guillaume qu’aujourd’hui ces réformes sont
un fait presque accompli.

Dans toutes les écoles de France, on enseigne
le dessin d’après un seul programme, et les
professeurs, jadis désunis et livrés à eux-mêmes,
forment maintenant un personnel qui compte
parmi les mieux recrutés et les plus sévèrement
contrôlés.

M. Bardoux étant ministre de l’Instruction pu-
blique et M. Eugène Guillaume directeur des
Beaux-Arts, un arrêté, en daLe du 31 janvier
1879, institua le corps des inspecteurs de l’en-
seignement du dessin.

La première inspection générale eut lieu à la
fois dans toute la France et elle fut faite, dans le
courant de l’année 1879, par les dix-neuf inspec-
teurs qui avaient été nommés.

Celte inspection générale révéla un manque
presque absolu de méthode, une faiblesse géné-
rale dans les résultats, un état plus que défec-
tueux du matériel et des modèles; mais par
contre, elle permit de reconnaître une bonne
volonté évidente dans le personnel des profes-
seurs, unie à des capacités et à des talents qui
ne demandaient qu’à être dirigés, encouragés et
soutenus pour produire les meilleurs résultats.

Le dépouillement de cette enquête eut pour
conséquence presque immédiate la nomination
d’une grande Commission d’études; celle Com-
mission avait pour but d’étudier les méthodes
en usage, de les discuter et de dégager de cette
étude une méthode définitive; puis de rédiger
les programmes de l’enseignement du dessin;
de dresser la liste des modèles considés comme
étant les meilleurs à employer pour mettre en
pratique la méthode et les programmes pro-
posés.

En môme temps, on organisait un Musée péda-
gogique de l'enseignemeni du dessin, qui après
bien des vicissitudes a été reconstitué en partie
au Musée pédagogique de la rue Gay-Lussac, où
il n’est que très rarement visité.

La même année, en 1879, on ouvrait une
session d’examens pour le certificat d’aptitude à
l’enseignement du dessin. On put alors se rendre
compte, d’après le nombre des candidats qui se
présentèrent et par la valeur de ceux à qui le
litre fut délivré, de l’accueil qui serait fait par le
public à la création d’un diplôme spécial; on put
apprécier la force que donnerait à l'enseigne-
ment du dessin l’organisation d’un personnel
composé de professeurs qui, ayanl passé par les
mêmes épreuves, enseigneraient nécessairement
avec une grande unité de méthode.

Ces examens du professorat furent définiti-
vement constitués l’année suivante, en 1880.

Un peu plus tard, en 1882, après que les
examinateurs eurent constaté que les candidats
au professorat, surtout ceux de la province,
éprouvaient de grandes difficultés pour se pré-
parer, et que les mêmes parties de l’examen
restaient toujours faibles et souvent insuf-
fisantes, le Ministre décida de réunir chaque
année les candidats au poste de professeur de
dessin, et sous le nom de Sessions normales il fit
organiser des conférences qui avaient pour but
d’instruire les élèves et de les éclairer sur les
points des programmes qui présentaient de l’in-
détermination.

Le nombre des candidats assistant à ces con-
férences fut assez élevé et atteignit cent vingt
en moyenne, dont les trois quarts environ venaient
de la province. Pour ces derniers, l’Administra-
tion accordait les frais de voyage et une indem-
nité pécuniaire pour chaque journée de séjour à
Paris.

Nous devons dire à notre grand regret que ces
sessions normales, qui rendaient de réels ser-
vices, onl été supprimées déjà depuis quelque
temps.

Le recrutement des professeurs est donc
assuré depuis 1882 par les examens spéciaux
du professorat, examens, dit M. Pillet, compa-
rables par leurs difficultés à ceux de la licence
et de l’agrégation dans l’ordre des lettres ou
dans l’ordre des sciences. Pour professer, il ne
suffit plus aujourd’hui d’avoir exposé au Salon,
et la position de professeur de dessin n’est plus
considérée comme une compensation donnée à
ceux pour lesquels la carrière des arts ne s’est
pas aussi largement ouverte qu’ils l’auraient
désiré. On exige des professeurs de dessin une
instruction solide et complète; on veut qu’ils
donnent la preuve de leur capacité pédagogique,
et l’on pense qu’il ne suffit pas d’avoir un certain
talent d’exécution pour savoir enseigner.

Le professeur de dessin d’aujourd'hui n’est
plus l’artiste d’antan qui, adonné à un genre de
travail personnel, demeurait presque indifférent
à ce que faisaient les élèves. Il exposait, il
vendait, et cela suffisait à sa gloire.

Aujourd’hui, les temps ont changé: le profes-
seur de dessin expose ou n’expose pas; il n’est
pas plus spécialiste en art que les agrégés de
grammaire ne sont poètes ou romanciers; il peut
avoir, il a souvent même du talent et cherche à
le faire valoir si ses fonctions lui laissent des
loisirs, ce qui, en général, est fort difficile; mais
il est avant tout professeur, c’est-à-dire un
homme dévoué à tous, un homme utile.

*

*

Le décret du 26 novembre 1897 rappelle que
nul ne peut être nommé professeur de dessin
dans les collèges communaux de garçons s’il
n’est pourvu du certificat d’aptitude à l’ensei-
gnement du dessin dans les lycées et collèges ;
qu’un emploi de professeur titulaire de dessin
ne peut être créé qu’autant que le service com-
porte un minimum de dix heures de cours par
semaine. Le service maximum des professeurs
titulaires de dessin dans les collèges communaux
est fixé à dix-huit heures par semaine : Lorsque
le service hebdomadaire d'un professeur de collège
n atteindra pas le maximum réglementaire, le
professeur pourra être tenu de compléter son
service sans rémunération supplémentaire dans
les établissements d'enseignement public de la
même ville.

Les traitements des professeurs ou chargés de
cours de dessin des lycées et collèges de garçons
ou de jeunes filles sont les suivants:




PROFESSEURS

CHARGÉS

PROFESSEURS




titulaires

de cours

des




des

lycées

(lycées

de

collèges

de




de

garçons)

garçons









francs

francs

franc


/J re

classe. .

U .000

»

»


2”

- . .

3.800

»

»

Seine



- . .

3.000

»

»

et Versailles/

ic

- . .

3.400

»

))




- . .

3.200

»

»




- . .

3.000

»

)>


i"

classe. .

2.600

2.200

2.000




- . .

2.400

2.000

1.800

Départements



- . .

2.300

1 .900

1.700

1 4°

- . .

2.2-0

1.800

1 .600


5'

- . .

2.100

1 700

1. r,oo


6e

— • .

2.000

1.600

1 .400


PROFESSEURS



de dessin

MAITRESSES


(lycées

chargées


el collèges

de cours


de filles)



francs

francs

f 1'° classe. .

2.400

2.100

Lycées l 2e — . .

2.200

2.000

et collèges ) 3“ — . .

2. 100

-1.900

de 14' — . .

2.000

1.800

jeunes filles 5' — . .

1.900

1 .700

1 6” — . .

1 .800

1.600

Le stage exigible pour l’admissibilité à pro-
motion à une classe supérieure est:

De 2 ans dans la 6e Classe;

De 3

5e —

De 4

— 4e —

De 5

— 3e —

De 5

-• 2e —



* . *

Maintenant que nous avons examiné d’une
façon très éclectique les vicissitudes du profes-
sorat de dessin depuis 1852, qu’il nous soit
permis de donner une appréciation personnelle
sur la manière dont s’effectue le recrutement,
des professeurs, et sur les programmes qui leur
sont imposés. Mais, auparavant, il nous faut
expliquer l’antagonisme qui existe entre ceux
qui demandent des professeurs artistes et ceux
qui désirent des pédagogues.

Les professeurs artistes sont réclamés par la
majorité des critiques d’art, les pédagogues par
tout le monde universitaire. Nous ne pouvons
mieux faire, avant de conclure personnellement,
que de donner l’opinion de deux de nos très
érudits confrères, M. Roger Millès, critique d’art,
qui veut les professeurs artistes, et M. Alfred
Keller, examinateur et professeur de dessin, qui
se range du côté des pédagogues.

M. Roger Millès a cherché depuis plusieurs
années, aux Salons, les envois qui émanaient
des professeurs de dessin des lycées et collèges,
et il a constaté que sauf de rares exceptions ils
étaient d’une faiblesse déplorable; il a même
poussé plus loin son enquête et constaté que
dans le cimetière des œuvres refusées, il s’en
trouvait un certain nombre dont les auteurs
étaient, en vertu de diplômes régulièrement
conquis, chargés de renseignement du dessin
dans les établissements universitaires.

Il fallait tirer une conclusion de ces faits qui
en eux-mêmes ne présentaient qu’une impor-
tance secondaire, mais qui, en l’espèce, n’étaient
pas sans donner des inquiétudes au sujet de
l’enseignement. M. Roger Millès a cherché d’où
pouvait provenir cette faiblesse générale, et il a
très justement trouvé. Si, dit-il, les professeurs
de dessin savent à peine dessiner, la faute ne
leur est pas imputable, la faute est tout entière
à la charge du programme d’examen du profes-
sorat de dessin, qui est mal fait et inutilement
encombré au premier plan de matières qui
devraient ne venir qu’en un plan secondaire.

Puis M Roger Millès examine le programme,
et il remarque que sur l’ensemble des matières
imposées il y en a deux qui louchent au dessin
et trois aux mathématiques: pour le dessin, il y
a une figure d’après l’antique et un ornement;
pour les mathématiques, il y a une épreuve
géométrale, une épreuve de perspective et une
interrogation de perspective et de géométral.

« Je comprends parfaitement, dit-il, qu’on
exige des professeurs de dessin qu’ils aient l’ex-
périence de la perspective et qu’ils sachent se
tirer d’un relevé géométral; mais ce n’est pas
parce qu’ils sont rompus à loutes les complica-
tions du calcul des perspectives et à la minutie
du relevé géométral qu’ils seront mieux pré-
parés à l'art du dessin, c’est-à-dire à l’interpré-
tation des formes et des lumières, tendant — et
ce doit être là un des buts de l’enseignement du
dessin — à l’expression de la beauté.

« Or, dans l’examen, les coefficients sont cal-
culés de telle sorte que, pour être reçu, la situa-
tion du candidat qui a les meilleures notes de
perspective et de géométral est préférable à
celle du candidat qui a les meilleures notes de
dessin. Et il s’agit, ne l’oublions pas, de prouver
qu'on est apte à enseigner le dessin, celui que
les palmarès appellent dessin d’imitation.

« Si l’on attribue à chaque note un maximum
de 20 points, le candidat pourra en avoir 40 seu-
lement pour le dessin, contre 60 pour les ma-
tières mathématiques; comme on exige un mi-
nimum de 9 points dans chaque épreuve pour
être admis, ils’ensuit que le candidat qui aurait9
en dessin et 18 en mathématiques serait admis,
tandis que celui cpii aurait 18 en dessin et 9 en
mathématiques serait ajourné: ce qui revient à
dire que pour cet examen d’aptitude à l’ensei-
gnement du dessin il n’est guère utile de savoir
dessiner, quand on est ferré sur la perspective
et le relevé géométral : de là une des causes de
l’extrême médiocrité, en tant qu’art, des hommes
chargés d’enseigner le dessin. »

M. Roger Millès passe après en revue quelques
questions du programme; il trouve, par exemple,
que les questions orales proposées sur les pro-
portions d’après Jean Cousin, Lomazzo et
d’autres sont illogiques, car, dit-il, et en cela
tout le monde doit l’approuver, lorsque les élèves
voudront contrôler ces formules de proportions
sur le modèle, ils s’apercevront que ces formules
ne correspondent nullement à la nature, et d’eux-
mèmes ils jugeront sévèrement l’enseignement
fastidieux et vain qui leur aura été donné. Il y
aurait encore beaucoup à dire sur d’autres
points du programme, écrit M. Roger Millès, et
sur la façon étroite dont la lettre de ce pro-
gramme est interprétée par certains membres
du jury. Mais il faut conclure, et nous reprodui-
rons les conclusions in extenso, car elles sont
des plus intéressantes, et elles seront partagées
par tous ceux qui ont suivi et qui connaissent
à fond les examens du professoralde dessin.

Voici ces conclusions: « On peut avoir du
talent, être un artiste doué, un technicien même
expert à exposer son art, et ne savoir que
vaguement faire des pénétrations de solides, des
sections, des changements de plan de projec-
tion, des ombres à rayon lumineux parallèle à la
diagonale d’un cube, "et plus vaguement encore
calculer les hyperboles, les paraboles, les sur-
faces gauches hélicoïdales et autres joyeuselés
peu esthétiques du même genre. On connaît
même des maîtres qui onl eu du génie sans avoir
soupçonné toute cette mathématique.

« Dans les lycées et les collèges, d’ailleurs, il y
a pour ces matières des professeurs spéciaux,
qui sont des hommes de science. Ne devrait-on
pas, en conséquence, se borner à demander aux
professeurs de dessin de savoir dessiner, et
d’être par suite capable de corriger un dessin?
Dans la pratique d’un art où leur tempérament
aurait toute facilité de se développer et de se
hausser à la maîtrise, ils auraient puisé le secret
d’éveiller au culte de la lorme pure les jeunes
esprits confiés à leur enseignement, et ils prépa-
reraient pour le triomphe delà beauté esthétique
des générations qui, jusqu’à nouvel ordre, quit-
teront les choses de l’art. II y a donc tout à
changer dans le mode de recrutement de ce
personnel enseignant, et aussi dans le jury
chargé de le recruter. »

{A suivre).
 
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