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LA CHRONIQUE DES ARTS
fin, le sixième tour a donné le résultat suivant :
n° 4, le Paradis perdu, 9 voix; n° 17, le Tasse,
9 voix.
Le jury, ayant alors délibéré de nouveau, a
décidé, à la majorité de 17 voix contre 1, que
le prix, au lieu d’être unique, serait partagé
entre les partitions portant les nos 4 et 17.
M. le préfet de la Seine a alors procédé à
l’ouverture des plis, renfermant les noms des
auteurs : le Paradis perdu est l’œüvie de
M. Théodore Dubois; M. Benjamin Godard est
l’auteur du Tasse.
Le jury a ensuite décidé à la majorité qu’il
serait donné deuxmentionshonorables.
La première a été accordée à la partition
n° 5, le Triomphe de la Paix, et la seconde à la
partition n° 25, Lutéce.
Les plis renfermant les noms des auteurs de
ces deux partitions ne seront ouverts que si les
auteurs le désirent.
Le Paradis perdu et le Tasse, les deux œu-
vres couronnées ex æquo, seront exécutés inté-
gralement, à Paris, dans le délai de six mois,
ainsi que le stipule le règlement de concours,
et MM. Théodore Dubois et Benjamin Godard
recevront chacun la ■ somme de cinq mille
francs.
L’exposition des œuvres du peintre Belly ou-
vrira samedi 16 février à l’Ecole des beaux-
arts pour continuer les jours suivants de 11 à
5 heures.
Prix d’entrée : 1 franc, au profit de l’Asso-
ciation des artistes peintres, sculpteurs, archi-
tectes, graveurs et dessinateurs.
---—
EXPOSITION DU CERCLE ARTISTIQUE
DE LÀ PLACE VENDOME
Les expositions annuelles du Cercle artisti-
que sont désormais admises par le bon ton ;
elles ont la vogue fasliionable. Gecinefait pas
doute. On s’y étouffe entre gens de bonne
compagnie. 11 faut reconnaître, d’ailleurs, que
le cercle fait fort bien les choses. Tout y est
disposé avec goût et pour le plaisir des yeux.
L’aspect de ses expositions est cossu et co-
quet. De plus, le cercle inaugure cette année
sa nouvelle entrée, je veux dire son nouveau
vestibule, qui ne mérite que des éloges pour
son aspect à la fois sévère et magnifique.
Si la moyenne des œuvres ne grandit pas,
ce n’est pas la faute des organisateurs de ces
expositions, forcément restreintes aux seuls
membres du cercle. Si ce sont tous les ans à
peu près les mêmes noms et les mêmes ta-
bleaux, ne nous en étonnons pas trop. Celle-
ci, sauf la présence en moins de M. Meisso-
nier, qui était, il faut en c onvenir, un élément
de grande attraction, n’est ni meilleure ni pire
que les précédentes. Nous retrouvons MM. Bon-
nat, Carolus Duran, Détaillé, de Nittis, de
Neuville, Philippe Rousseau, Gérôme, c’est-à-
dire toute la fleur élégante des grandes exhi-
bitions du Palais des Champs-Elysées.
M. Carolus Duran expose deux portraits, ce-
lui, grandeur nature, de M. Leroy-Beaulieu, le
disert écrivain des Débats, assis à son bureau
et de noir vêtu, et un petit portrait d’enfant,
debout devant une ample draperie rouge ama-
ranthe, qui obtiennent le plus vif succès. Nous
préférons le portrait d’enfant qui est d’une
grande gaieté de ton ; le rouge de la draperie
est superbe et profond; j’aime peu le modelé
du bas de la figure, qui manque un peu d’as-
siette, mais les yeux et les joues sont d’un
éclat et d’une vie extraordinaires. Les mains
sont traités s trop en esquisse, eu égard à la
nature d’exécution de certaines autres parties.
M. Bonnat a en la main bien plus heureuse
que dans le Portrait d’Edouard Dubufe. Le
modèle, il est vrai, est coloré; il a l’expression
vive et pétillante ; mais il ne va pas jusqu’à
cette rutilance exagérée des chairs. Ce portrait,
traité en ébauche “volontairement violente, ne
doit pas être fouillé outre mesure. Retenons
seulement l’aspect de vie des yeux et du front.
Quant à la couleur, elle est, ce qui est tou-
jours la grande force de M. Bonnat, pleine
de vibrations lumineuses.
L’un des deux tableaux de M. Détaillé.,
VAlerte, est vraiment excellent. M. Détaillé a
rarement fait mieux. La touche est ferme, vi-
goureuse; l’ensemble est plein et bien d’ac-
cord ; l’intérêt concentré. Par-dessus tout, les
expressions sont d’une justesse parfaite. Il
y a même dans l’opposition entre la raideur
et le sang-froid du vieux général, vu de dos et
solidement campé sur ses jambes, et le trouble
inconscient des jeunes officiers qui l’entourent,
un effet de mimique approfondi que ne désa-
vouerait pas M. Meissonier lui-même. Tableau
remarquable en vérité, et qui fait le plus
grand honneur au jeune peintre. Nous en re-
commandons l’étude attentive. — M. de Nittis
se coinplait dans les brouillards de Londres.
Tous ceux, et nous sommes du nombre, qui
étaient les admirateurs de son talent si fin,
si délicat,‘doivent le regretter; car rien au
monde n’est plus anti-pictural que le brouillard
sans air, sans lumière, des bords de la Tamise.
Partout ailleurs le gris peut donner au peintre
des tons charmants, des délicatesses lumi-
neuses ; ici, il est fumeux, opaque et monoto-
nement triste. Aussi, malgré tout le talent
déployé dans la vue delà Banque d’Angleterre,
avec le féroce.va-et-vient du graDd carrefour
de la Cité, nous nous sentons mal à l’aise pour
faire aujourd’hui un éloge. Nous remarque-
rons, du reste, que les figures du premier plan
sont beaucoup trop éclairées et beaucoup trop
faites pour un tel milieu et une telle atmo-
sphère; et puis, nous devrons dire que cette
toile, étouffée par les tonalités avoisinantes,
transplantée en quelque sorte, est difficile à
juger dans cette exposition. Elle nous séduit
peu, mais nous reconnaissons volontiers que
notre jugement n’est pas sans appel.
Les deux tableaux de M. de Neuville nous
plaisent moins que d’habitude. La couleur en
est rude ; les plans en avancent les uns sur
les autres, du moins pour l’un des deux. Nous
nous contenterons de les signaler.
LA CHRONIQUE DES ARTS
fin, le sixième tour a donné le résultat suivant :
n° 4, le Paradis perdu, 9 voix; n° 17, le Tasse,
9 voix.
Le jury, ayant alors délibéré de nouveau, a
décidé, à la majorité de 17 voix contre 1, que
le prix, au lieu d’être unique, serait partagé
entre les partitions portant les nos 4 et 17.
M. le préfet de la Seine a alors procédé à
l’ouverture des plis, renfermant les noms des
auteurs : le Paradis perdu est l’œüvie de
M. Théodore Dubois; M. Benjamin Godard est
l’auteur du Tasse.
Le jury a ensuite décidé à la majorité qu’il
serait donné deuxmentionshonorables.
La première a été accordée à la partition
n° 5, le Triomphe de la Paix, et la seconde à la
partition n° 25, Lutéce.
Les plis renfermant les noms des auteurs de
ces deux partitions ne seront ouverts que si les
auteurs le désirent.
Le Paradis perdu et le Tasse, les deux œu-
vres couronnées ex æquo, seront exécutés inté-
gralement, à Paris, dans le délai de six mois,
ainsi que le stipule le règlement de concours,
et MM. Théodore Dubois et Benjamin Godard
recevront chacun la ■ somme de cinq mille
francs.
L’exposition des œuvres du peintre Belly ou-
vrira samedi 16 février à l’Ecole des beaux-
arts pour continuer les jours suivants de 11 à
5 heures.
Prix d’entrée : 1 franc, au profit de l’Asso-
ciation des artistes peintres, sculpteurs, archi-
tectes, graveurs et dessinateurs.
---—
EXPOSITION DU CERCLE ARTISTIQUE
DE LÀ PLACE VENDOME
Les expositions annuelles du Cercle artisti-
que sont désormais admises par le bon ton ;
elles ont la vogue fasliionable. Gecinefait pas
doute. On s’y étouffe entre gens de bonne
compagnie. 11 faut reconnaître, d’ailleurs, que
le cercle fait fort bien les choses. Tout y est
disposé avec goût et pour le plaisir des yeux.
L’aspect de ses expositions est cossu et co-
quet. De plus, le cercle inaugure cette année
sa nouvelle entrée, je veux dire son nouveau
vestibule, qui ne mérite que des éloges pour
son aspect à la fois sévère et magnifique.
Si la moyenne des œuvres ne grandit pas,
ce n’est pas la faute des organisateurs de ces
expositions, forcément restreintes aux seuls
membres du cercle. Si ce sont tous les ans à
peu près les mêmes noms et les mêmes ta-
bleaux, ne nous en étonnons pas trop. Celle-
ci, sauf la présence en moins de M. Meisso-
nier, qui était, il faut en c onvenir, un élément
de grande attraction, n’est ni meilleure ni pire
que les précédentes. Nous retrouvons MM. Bon-
nat, Carolus Duran, Détaillé, de Nittis, de
Neuville, Philippe Rousseau, Gérôme, c’est-à-
dire toute la fleur élégante des grandes exhi-
bitions du Palais des Champs-Elysées.
M. Carolus Duran expose deux portraits, ce-
lui, grandeur nature, de M. Leroy-Beaulieu, le
disert écrivain des Débats, assis à son bureau
et de noir vêtu, et un petit portrait d’enfant,
debout devant une ample draperie rouge ama-
ranthe, qui obtiennent le plus vif succès. Nous
préférons le portrait d’enfant qui est d’une
grande gaieté de ton ; le rouge de la draperie
est superbe et profond; j’aime peu le modelé
du bas de la figure, qui manque un peu d’as-
siette, mais les yeux et les joues sont d’un
éclat et d’une vie extraordinaires. Les mains
sont traités s trop en esquisse, eu égard à la
nature d’exécution de certaines autres parties.
M. Bonnat a en la main bien plus heureuse
que dans le Portrait d’Edouard Dubufe. Le
modèle, il est vrai, est coloré; il a l’expression
vive et pétillante ; mais il ne va pas jusqu’à
cette rutilance exagérée des chairs. Ce portrait,
traité en ébauche “volontairement violente, ne
doit pas être fouillé outre mesure. Retenons
seulement l’aspect de vie des yeux et du front.
Quant à la couleur, elle est, ce qui est tou-
jours la grande force de M. Bonnat, pleine
de vibrations lumineuses.
L’un des deux tableaux de M. Détaillé.,
VAlerte, est vraiment excellent. M. Détaillé a
rarement fait mieux. La touche est ferme, vi-
goureuse; l’ensemble est plein et bien d’ac-
cord ; l’intérêt concentré. Par-dessus tout, les
expressions sont d’une justesse parfaite. Il
y a même dans l’opposition entre la raideur
et le sang-froid du vieux général, vu de dos et
solidement campé sur ses jambes, et le trouble
inconscient des jeunes officiers qui l’entourent,
un effet de mimique approfondi que ne désa-
vouerait pas M. Meissonier lui-même. Tableau
remarquable en vérité, et qui fait le plus
grand honneur au jeune peintre. Nous en re-
commandons l’étude attentive. — M. de Nittis
se coinplait dans les brouillards de Londres.
Tous ceux, et nous sommes du nombre, qui
étaient les admirateurs de son talent si fin,
si délicat,‘doivent le regretter; car rien au
monde n’est plus anti-pictural que le brouillard
sans air, sans lumière, des bords de la Tamise.
Partout ailleurs le gris peut donner au peintre
des tons charmants, des délicatesses lumi-
neuses ; ici, il est fumeux, opaque et monoto-
nement triste. Aussi, malgré tout le talent
déployé dans la vue delà Banque d’Angleterre,
avec le féroce.va-et-vient du graDd carrefour
de la Cité, nous nous sentons mal à l’aise pour
faire aujourd’hui un éloge. Nous remarque-
rons, du reste, que les figures du premier plan
sont beaucoup trop éclairées et beaucoup trop
faites pour un tel milieu et une telle atmo-
sphère; et puis, nous devrons dire que cette
toile, étouffée par les tonalités avoisinantes,
transplantée en quelque sorte, est difficile à
juger dans cette exposition. Elle nous séduit
peu, mais nous reconnaissons volontiers que
notre jugement n’est pas sans appel.
Les deux tableaux de M. de Neuville nous
plaisent moins que d’habitude. La couleur en
est rude ; les plans en avancent les uns sur
les autres, du moins pour l’un des deux. Nous
nous contenterons de les signaler.