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La chronique des arts et de la curiosité — 1885

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Nr. 39 (12 Décembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.18474#0319
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ET DE LA CURIOSITÉ

309

Dans le tableau du ballet le manque d'unité
du décor correspond exactement au manque
d'harmonie du nombreux personnel qui couvre
la scène Et quel ballet! Un ballet espagnol du
xviii0 siècle, avec éventails, castagnettes et
sombreros, qui commence par un quadrille
dont les personnages sont empruntés à Goya,
et qui finit par d'autres que G. Doré n'eût pas
reniés

Il est vrai que dans Françoise de Rimini on
avait inlroduit aussi, et de la façon la plus
bizarre, un ballet espagnol, et cela pour faire
valoir le talent de la première danseuse,
Mlle Mauri.

Mais voyez l'influence du milieu. Tout est
faux dans le Cid, par ce fait seul que c'est un
opéra. On y chante ce qu'on devrait dire, et
chacun crie ses sentiments sur la place publi-
que qu'il ne devrait révéler que chez lui, et
chacun les crie à la fois, ce qui arrive souvent
dans la vie, mais cela y fait une cacophonie,
tandis que sur la scène cela se résout en un
harmonieux ensemble. Eh bien ! au milieu
de toutes ces choses fausses : action, person-
nages, expression, décors et costumes, on in-
troduit cette autre fausseté, un ballet moderne
dans une action qui doit se passer au xie siècle,
et chacun trouve la chose la plus naturelle du
monde.

Mais dans l'un des tableaux on veut mettre
un peu de couleur locale. Des danseuses mau-
resques charment les loisirs d'un camp, sur
un coin de la scène, en exécutant sur un tapis,
au son des tambourins et des flûtes, la danse
du ventre, très décemment mimée, d'ailleurs,
par Mlle Keller, et chacun se récrie. Cette danse,
sur un coin de la scène de l'Opéra, qu'elle
n'emplit pas de ses « parcours» n'est pasdigne
d'elle et est mesquine, etc., etc.

Et les habitués demandent qu'on 3a sup-
prime. La seule chose qui ait du caractère ! 0
public ! Quel maître étrange tu fais.

Pour revenir aux personnages de l'action,
que dire de la plume rouge qui se dresse sur
la toque du père de Chimène, et de la seconde
tunique soigneusement retroussée sur la pre-
mière, du père de Rodrigue, et de l'ajus-
tement mesquin de son manteau dont les plis
sont cousus! Il n'y avait jusqu'ici que les ac-
trices qui relevassent leurs jupes; c'est le tour
des acteurs maintenant de relever leurs tuni-
ques.

Et que dire enfin du costume dernier de
Rodrigue qui, avec son surcot blanc, et ses
chausses de mailles d'argent sur un maillot
rose semble sortir de la boutique d'un confiseur !

Et puis les costumes des évêques et du
clergé : salmigondis de tous les temps et de
toutes les fantaisies, quand il serait si simple
d'aller se renseigner près des chasubliers de
la rue St-Sulpice.

Et puis les soldats vêtus de tabars armoriés
comme l'étaient les hérauts d'armes seuls ; et,
enfin, les épées à coquille du xvi^ siècle, dont
sont arme's, pour plus de couleur locale, don
Gomar et Rodrigue dans leur duel !

C'est le premier opéra, dont le peintre de
marine, M. le comte Lepic, ait dessiné les cos-
tumes ; espérons qu'il sera plus heureux une
autre fois.

Avec la Femme de Socrate, aux Français,
nous rentrons dans une mise en scène plus
étudiée,

Le décor représente la cour intérieure,
comme Vimplavium d'une maison athénienne :
la porte d'entrée,à claire-voie,s'ouvre au fond
sous un portique, élevé de quelques marches :
A gauche, la porte de la maison est abritée
par un porche que surmonte une terrasse cou-
verte de pampres : souvenir de la vue d'une
rue de Rome, peinte sur un des murs de la
maison de Livie, au Palatin. En second plan,
une autre porte que ferme une natte en partie
relevée. A droite le mur d'un logis, percé d'une
porte et d'une étroite fenêtre, fermé par un
treillis en bois à demi relevé. Deux lauriers
roses fleurissent dans un coin.

Si tout cela n'est pas vrai, c'est du moins
fort vraisemblable, dans son architecture de
bois et de maçonnerie à crépi blanc. Nous ne
trouverons à redire que sur quelques usten-
siles posés sur une planche, au-dessus de la
porte de gauche. Ils sont destinés à rompre la
nudité du mur blanc. Mais sont-il là, bien à
leur place, en plein air. même à Athènes?

Les costumes dessinés par M. Rochegrosse,
qui ne pouvait moins faire pour son beau-
frère, M. Th. de Banville, sont très étudiés
dans leur ajustement et dans leurs colorations.
Les verts-bleus s'y marient dans les uns et les
orangés dans les autres, avec des ornements
brodés noirs, d'un effet très pittoresque et so-
bre à la fois. Notons que M. Rochegrosse à
très habilement résolu la question des man-
ches, en ajustant à la dorienne, au moyen de
boutons, le haut de la pièce carrée qui forme
la robe. En laissant fort peu d'ouverture entre
la couture latérale et cette fermeture hori-
zontale, qui était parfois cousue, le haut de la
robe s'allonge sur les bras de façon à les cou-
vrir en partie.

Quant aux femmes, elles ne demandent qu'à
les découvrir, trop même. Mais il est un point
sur lequel nous ne trouvons pas qu'on ait en-
tièrement résolu l'ajustement de la tunique
sur la poitrine, tel que le montre la statuaire
antique. Bien que maîtresse d'en user avec li-
berté, à l'égard des draperies, la sculpture n'a
rien représenté qui ne soit réalisable avec de
l'étoffe vraie sur un corps vivant. Les essais de
M. L. Heuzey, à l'école des Beaux-Arts, l'on
prouvé. Or, on nous semble laisser trop grande
l'ouverture de la tunique par laquelle on passe
la tête; aussi faut-il ajuster un grand pli verti-
cal qui monte de la ceinture à l'ouverture, afin
de diminuer celle-ci. L'effet est disgracieux.
Il nous semble que l'ingénieux professeur
d'archéologie s'y était mieux pris.

Malgré tout, les costumes des femmes sont
vraisemblables, s'ils n'ont point la même tour-
nure antique que ceux des hommes, et si celles
qui les portent montrent parfois un peu plus
leur poitrine et leurs bras que ne faisaient les
femmes de l'Attique à en juger par leurs voi-
sines de la Béotie.

Il n'est pas le moins du monde question d'art
byzantin ni de fourchette dans la Georgette
de M. V.Sardou, au Vaudeville, ni de quelque
décor ingénieux aidant à l'action. La pièce est
 
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