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La chronique des arts et de la curiosité — 1891

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Nr. 19 (9 Mai)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19739#0160
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150

LA CHRONIQUE DES ARTS

ture qui sert de fond à ces deux plaques appar-
tient à la Renaissance la plus élégante.

Ce triptyque, qui est une œuvre d'art remar-
quable, intéresse tout à la fois par sa beauté in-
trinsèque et parle curieux côté de certains dé-
tails. L'expression des figures est d'une douceur
infinie et l'agencement des costumes ainsi que la
décoration sculpturale ont un éclat extraordi-
naire.

Cette pièce hors ligne est digne, en tous points,
Je figurer dans le Musée de la Société des Anti-
quaires de Normandie, dont elle sera l'un des
principaux ornements. G. V.

La tour Eiffel à Moscou

L'Exposition de Moscou compte, au nombre
de ses attractions, un curieux travail dû à la col-
laboration de M. du Pasquier, architecte du
théâtre Bellecour de Lyon, et de AI. Digeon, le
constructeur métallurgiste bien connu, qui four-
nit aux écoles du gouvernement les modèles
mécaniques de précision utiles à leur enseigne-
ment. Il s'agit d'une reproduction en cuivre de
la tour Eiffel au 50° de la grandeur naturelle, avec
le panorama en relief des jardins qui l'environnent.

11 ne s'agit pas ici d'un de ces innombrables
joujoux qui ont vulgarisé la célèbre tour, mais
d'une véritable œuvre d'art ayantcoûlé plus d'une
année de travail et une somme considérable d'ar-
gent, ou tous les détails du modèle ont élé scru-
puleusement reproduits, où pas une ferrure, pas
un rivet n'est oublié.

Ce qui rend plus intéressante encore la restitu-
tion de AI. du Pasquier, c'est qu'en dehors de
l'exécution de la tour, dont la minutie doit être
appréciée surtout des spécialistes, il a su rendre,
pour l'ensemble du public, le cadre pittoresque
du monument, évoquer la vie et le mouvement
qui bruissaient autour de l'œuvre Eiffel. Les jar-
dins sont reproduits avec l'encombrement des
promeneurs, la circulation des véhicules de toute
espèce, le tout réduit à la proportion exacte à
cette tour de 6 mètres.

Par une légère atténuation de la réalité, Al. du
Pasquier a placé sous les quatre piliers de la tour
les fontaines lumineuses qui ont tant fait parler
d'elles. Ces fontaines, grâce à une application de
l'électricité, reproduiront les jeux de lumière, les
cascades multicolores qui arrachaient aux specta-
teurs de 1889 des cris d'étonnement et d'admira-
tion. La tour elle-même, éclairée à son sommet
par un phare tournant électrique, sera embrasée
à intervalles réguliers, et, dans les bosquets, dans
les kiosques, de minuscules lanternes étectriques
contribueront à éclairer la scène. Le spectacle, en
effet, sera disposé dans un pavillon obscur, de
sorte que l'on pourra jouir constamment des effets
de nuit.

La tour de MM. du Pasquier et Digeon, ne
pourra manquer dans ces conditions, d'être une
des attractions de l'Exposition de Aloscou.

(Journal des Débats).
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NÉCROLOGIE

Nous publions le texte du discours que
M. Bonnat, membre de l'Institut, parlant au
nom de la Société des Artistes Français, a
prononcé devant la tombe du regretté sta-
tuaire Antoine Chapu.

Alessieurs,

Au moment où, au nom des amis de Chapu,
j'allais prendre la parole pour dire un éternel
adieu au camarade si aimé dont la mort inopinée
nous sépare cruellement, le président de la So-
ciété des Artistes français AI. Bailly, indisposé,
m'a prié de le suppléer auprès de vous et d'ex-
primer, devant ce cercueil à peine fermé, les sen-
timents d'admiration qu'inspirent l'œuvre et le
caractère de l'illustre artiste qu'il renferme.

Alessieurs, la mission qui m'est confiée ne mo-
difie en rien ce que mon amitié m'inspirait, et je
n'ai pas un mot à ajouter aux pensées que je
voulais exprimer, car, en parlant au nom des
amis de Chapu, j'aurais pu dire que je parlais au
nom de tous les artistes français, et même, je
vais plus loin, au nom de tous ceux, à quelque
classe de la Société qu'ils apparlinsseut, qui ont
connu cet homme excellent, cet artiste d'élite.
Chapu, en effet, phénomène bien rare, n'a pas eu
un ennemi. Il n'a eu que des amis.

Je l'ai connu à mon arrivée à Paris ; nous étions
bien jeunes tous deux; depuis lors, depuis Irente-
sept ans, je n'ai cessé d'avoir pour lui les plus
tendres sentiments d'amitié, de confiance absolue
dans la sûreté de son jugement, et presque... de dé-
férence pour l'honnêteté, la droiture infaillible, la
bonté simple et inépuisable de son cœur. Il avait
un cœur d'or, et il faisait le bien sans qu'on s'en
doutât, sans qu'il s'en doutât lui-même, tant était
grande sa simplicité, sa bonhomie, la candeur
jeune et naïve que ce cher ami a su garder jus-
qu'au dernier moment.

Je l'ai bien aimé, et mon amitié date du jour
où je l'ai rencontré pour la première fois.

Plus tard nous avons eu des joies et des en-
thousiasmes communs à la révélation des grands
maîtres.

Où est-il aussi le temps de jeunesse où nous
passions des nuits d'été à courir ensemble la cam-
pagne romaine! On entrevoyait la silhouette d'un
paysage farouche enveloppé dans sou manteau ;
le bruit d'une sonnette dans le silence étoilé nous
disait que nous passions prés d'un troupeau, et le
cri d'un hibou nous révélait les grands aqueducs
mornes.

Et à Pompéi, quand, arc-bouté contre une mu-
raille antique, je lui servais d'échelle, et que lui,
montant, debout sur mes épaules, calquait, en
contrebande, des fresques aujourd'hui effacées!
Et nos soirées dans sa chambre de la villa Jlédi-
cis où il dessinait, avec ardeur, d'après les maî-
tres, d'après les antiques, d'après les estampes,
pendant que lui lisais quelque tragédie grecque
ou des fragments de la, Légende des Siècles !

Ce bon ami! tel il était alors, passionné pour
tout ce qui était beau , travailleur infatigable, tel
i\ a été toute sa vie, insensible aux bruits du de-
hors, inaccessible aux coleries, méprisant les suc-
cès dus à une camaraderie bruyante, marchant
droit, simplement, et n'obéissant qu'aux élans de
 
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