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La chronique des arts et de la curiosité — 1891

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Nr. 27 (8 Août)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19739#0224
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LA CHRONIQUE DES ARTS

nie que Rembrandt n'a jamais pu peindre poul-
ie Tir des arquebusiers.

Il existe, dans l'album de famille du capitaine
Cock, une aquarelle représentant la Ronde de
Nuit avec l'inscription suivante : « Esquisse de la
peinture de la grande salle du Tir des arquebu-
siers. Le jeune seigneur de Purmerland (c'est-
à-dire Cock) donnant à son lieutenant... l'ordre do
faire avancer sa compagnie ». Si cette inscription
était vraie, c'est Van Dijk et tout le monde qui
auraient raison, et il n'y aurait qu'un seul ta-
bleau. Mais la gravure de Fokke I Et d'ailleurs,
nous.savons, dit M. Lautner, qu'il ne peut pas avoir
été peint pour le Tir des arquebusiers. L'inscription
est donc « un faux » récent, fait d'après la liste dos
personnages du grand tableau. Mais cette liste
elle-même « est fausse » : d'abord, elle ne contient
précisément pas les noms de deux bourgeois qui,
dans le procès de l'héritage de Titus, ont déclaré
sous serment avoir été portraiturés dans le ta-
bleau de Rembrandt peint pour le Tir des arque-
busiers. En outre, le capitaine, dans ce tableau,
n'est pas Cock, car il ne ressemble pas du tout au
portrait de Cock du tableau des Syndics de St-
Sébastien, mentionné plus haut.

« La vérité, dit M. Lautner, est que le tableau de
Rembrandt n'a jamais été transféré du Tir à l'Hôtel
de Ville. Resté au Tir, il a achevé d'être rongé par
la fumée et la chaleur rayonnante des « gigantes-
ques feux de tourbe » ; on a fini sans doute par
le mettre au grenier, où il a achevé de se réduire
en poussière. »

Quant à la Ronde de Nuit, elle porte, sur la
robe de la petite fille, la double signature Bol
Bol. Elle représente non pas une simple compa-
gnie de gardes civiques, mais les préparatifs d'une
de ces fêtes annuelles qui ont eu lieu à partir de
1651. Elle est même probablement de 1602, époque
où le Conseil de la Ville « décida d'orner de pein-
tures la petite salle du Conseil do guerre de
l'Hôtel de Ville », où l'on sait que précisément se
trouvait la Ronde de Nuit lorsque Van Dijk l'a
nettoyée. • . .

« Une supposition peu fondée » a fait considé-
rer comme une copie de la Ronde de Nuit le petit
tableau de la National Gallery. C'est un orirjinal
qui porte les signatures de Bol au même endroit
que le grand tableau.

La théorie est, comme on voit, hérissée d'argu-
ments. On peut y répondre. D'abord, la gravure
de Fokke montre, en 1748, la salle du Tir garnie
(te tableaux ; mais ce n'est là qu'une présomption,
car elle en montre quatre là où il n'y en a jamais
eu que trois, et les sujets des tableaux, surtout de
celui du fond à droite, qui était, on le sait, celui de
Rembrandt, y sont indéchiffrables. Le tableau de
Rembrandt pouvait avoir été transporté à l'Hôtel
de Ville et remplacé ici par un autre. D'ailleurs,
le docteur Dyserinck a publié en 1890 dans le
Oids, p. 215, une délibération du Conseil muni-
cipal d'Amsterdam découverte par lui, ordonnant
« que le grand tableau de Rembrandt, de la salle
du Tir des arquebusiers, soit nettoyé et trans-
porté dans la salle du Conseil de guerre » de l'Hô-
tel de Ville. Cette décision est du 23 mai 1715...
M. Lautner avait bien raison de dire que la Ronde
de Nuit, en 1758, quand Van Dijk l'a nettoyée,
était depuis longtemps à l'Hôtel de Ville !...

Quant à la prétendue preuve fondée sur ce que
Banning Cock ne pouvait pas être à la fois « capi-

taine des arquebusiers » et syndic du Tir des ar-
chers, c'est un simple malentendu. D'abord, l'une
des fonctions est de 1642, l'autre de 1653; et puis, la
première était militaire et la seconde purement
civile, et il était parfaitement permis de les eu
muler. Enfin, Cock n'a jamais été capitaine « des
arquebusiers », car les trois corporations des
Arquebusiers, des Arbalétriers et des Archers
étaient dissoutes depuis 1580 environ et rempla-
cées par des compagnies de « gardes civiques »
dans chacune desquelles se trouvaient des hom-
mes portant la pique ou la hallebarde. En 1042,
il y avait vingt compagnies de « gardes civiques »,
une pour chaque quartier d'Amsterdam, qui
avaient pour lieu de réunion et d'exercice celui
des trois Tirs qui était le plus voisin de leur
quartier. Cock était capitaine d'une des vingt
compagnies existantes, et d'une des six ou sept qui
hantaient le vieux Tir dit « des Arquebusiers ».

Les doux arguments tirés de la gravure de
Fokke et d'une prétendue incompatibilité entre
les deux fonctions n'existent donc plus. Ajoutons
que les noms des deux bourgeois cités plus haut,
dont l'absence devait prouver la fausseté do la
liste, se sont retrouvés après le nettoyage do la
Ronde de Nuit, en 1889. M. Lautner n'a pas de
chance !

Quant à l'aquarelle, si M.Lautnerl'avait eue entre
les mains, la place qu'elle occupe dans un album
à feuillets numérotés, l'écriture et la couleur de
l'encre de la suscription, etc., lui auraient prouvé
que la supercherie n'a eu ici aucune place. La
suscription, comme tout l'album, est antérieure
an 1er janvier 1655, date de la mort de Cock, et
probablement à 165L Nous avons parlé longue-
ment de cette aquarelle dans la Gazette (1).

Un point do détail sur lequel nous sommes
d'accord avec M. Lautner est la réelle différence do
visage entre lo capitaine de la Ronde et le per-
sonnage regardé comme Cock dans Jes Syndics
de St-Sèbastien de Van dor Helst, dont une pe-
tite répétition est au Louvre (n° 197). A première
vue, il nous avait semblé reconnaître Cock dans
le personnage du premier plan et non dans celui
de droite, ce qui arrangerait tout. Mais s'il y a
un petit problème à résoudre, c'est à propos du
Van der Helst et non du Rembrandt, car, pour
ce dernier, les preuves d'identité surabondent, et
nous pourrions citer encore le manuscrit où le
bourgmestre Schaep, en 1653, décrivant toutes les
peintures contenues dans les trois Tirs, affirme
en toutes lettres que le tableau de Rembrandt du
Tir des arquebusiers représente Cock et sa com-
pagnie de gardes civiques. Comme supplément do
preuve, Baldinucci (2), à propos du tableau de
Rembrandt, parle de « la figure d'un capitaine
qui, le pied levé en l'air, semble marcher et qui
porte une pertuisane si habilement mise en pers-
pective que, bien qu'elle n'ait pas plus d'un demi-
bras dans le tableau, elle semble vue en réalité
dans toute sa longueur ». Malgré la confusion
entre le capitaine et le lieutenant, il est impos-
sible de no pas reconnaître la Ronde de Nuit à
cette description, qui est de 1686.

Et la signature de la Ronde de Nuit f Dans la
magnifique photographie de Braun, qui a près
de trois pieds de longueur, nous avons vu, à

(1) Gazette des Beaux-Arts, 1" février 1887.

(2) Oud Holland. 8s année, 3« livraison, page 170,
Fr. Baldinucci... par M. Emile Michel.
 
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