1843
-LA CARICATURE
1844
faites encore paraître, dans votre grrrrrand complot, MM. Martin
(bâton), Flank-arrêt et Plougoulm; réunissant ainsi aux premiers ar-
tistes de la pairie les premiers sujets de la cour d’assises. Évidemment
si vous jouez le grrrrrand complot avec tous ces avantages, Bobino est
un théâtre enfoncé.
Ajoutez encore, messieurs, qu’onnousfait craindrequevousnesoyez
forcés par les circonstances, d’interrompre la circulation des voitures, de
boucher les issues des rues principales, et. même de confisquer provi-
soirement Bobino, pour le transformer en caserne de reserve.
C’est le Journal des Débats qui nous a fait part, avant-hier de ce der-
nier article, en ajoutant, avec ce style fleuri qui distingue maintenant
cet Auacréontique journal: « Ainsi le temple de Thalie deviendra le teta-
» pie de Mars, et l’on entendra le bruit des armes dans l’asile des Jeux
» et des Ris. »
Hé! bien, si ce cas arrive, et que vous vous refusiez au paiement d’une
juste et préalable indemnité, vous ne trouverez donc pas mauvais que
nous cherchions à entraver votre grrrrrand complot, par tous les
moyens que la loi met en notre pouvoir.
Or, parmi ces moyens , il en est un, infaillible : c’est le réglement
qui astreint les établissemens de notre espèce à ne pas sortir du
genre qui leur a été fixé, sous peine d’amende, de fermé'ure et de
dommages-intérêts s’il y a lieu. Votre genre, à vous, c’est le legisla-
tif, et non pas le judiciaire et le criminel. Vous travaillez dans la loi,
et non pas dans le grrrrrand complot. Si Bobino s’avisait de jouer la
tragédie, il s’exposerait à des poursuites delà part du Théâtre-Fran-
çais. De même, en jouant le grrrrrand complot, vous devenez passibles
des plaintes et dénonciations des autres théâtres ; vous êtes incompé-
tents pour le grrrrrand complot, comme Bobino est incompétent pour
la tragédie, comme le Théâtre-Français pour l’opéra, comme l’Opéra
pour le vaudeville.
Nous déposons, Messieurs les pairs, ces considérations dans vos
cousciences ; indemnisez-nous, ou nous formons immédiatement oppo-
sition au grrrrrand complot. Si vous ne preniez pas ce parti, Bobino
finirait par être la principale victime du grrrrrand complot, bien qu’à
coup sûr, il en soit aussi innocent que les coupables eux-mêmes.
Les mandataires de Bobino.
Pour copie conforme : Alt.
N» 48o.
En publiant aujourd'hui le portrait du général Buzeaud, après une
série consacrée à reproduire l’image des grands hommes du philip—
pardisme, la Caricature s'est rappelé le proverbe: jLux derniers les
bons. Personne, en effet, ne méritait mieux cette distinction que le hé-
ros de Blaye et de la rue Transnonain, celui qui atteint lé ridicule et
l’odieux aussi sûrement que ses collègues de l’opposition,- l’orateur aux
productions brutes, le Béotien législatif, l’ami de Gros-Jean et l’enne-
mi naturel des capacités. M. ^Buzeaud vous est représenté ici avec les
attributs qui le distinguent: te cadenas et l’épaulette, noble emblème
de l’alliance de l’épée du général avec le trousseau de clef du geôlier j
la consigne de l'ordre public placée sur le bonnet de police à coté de
la grenade destinée à faire sauter nos monumens nationaux fussent-
ils en marbre de Par os ; le pistolet Député eide, la ration de picotin, le
tablier de sage-homme, le paquet de discours et la collection de carot-
tes, productions brutes qui rappellent l’orateur-agriculteur, de même
2ue le sabot et la botte à l’écuyère indiquent le ridicule parodiste de
lincinnatus.
N° 481.
Quant à cette planche, c’est tout simplement tin croquis oublié cet
hiver dans Valbum d’un des artistes de la Caricature, et qui repré-
sente une scène dont il avait été témoin dans le jardin des Tuileries.
Par un beau jour de janvier, des moutards , qu’à leurs traits ingénus
et gracieux il croit reconnaître pour une bande en vacances d’hommes
d’état hauts placés, comme dit le Constitutionnel, et entre autres le
petit Viennet, le petit Moutardon-civet, le petit Tricanule, le petit
Talleyrand, le petit Tliiers, le petit Dupin etc., avaient commis
l’inconvénient, bien pardonnable du reste à raimableélourderiede leur
âge, de donner à une énorme boule de neige la forme d’un person-
nage qui, dit encore le Constitutionnel, doit toujours rester en dehors
des rires et des attaques des partis. L’artiste de la Caricature, qui
sur ce point partage l’avis du Constitutionnel, croque d'abord celte scè-
ne 5 puis, son zèle inonarchicn s’allume à la vue d’une aussi mons-
trueuse parodie , et il s’écrie : «O soleil de juillet, viens vite pour la
faire cesser et mettre un terme aux jeux de tous ces bambins. » Voilà.
A. C.
M. PICOREL AU SALON DE 1833,
ou
LES MEPRISES,
TOUR DE PROMENADE EX .TROIS STATIONS.
pcrsonmtQfg :
M. Picorel, marchand faïencier, chasseur
de la G1' légion, non habille'.
slrjlaê, sa fille; ilix-sept ans, cœur ingcmi.
jW*1c Dorothée, jeune personne d’un âge
mûr, ayant éprouve! dos revers de fortune
et de cœur, et exerçant pour le moment
la profession de femme de ménage.
Tili, son filleul.Les mauvaises langues du
quartier le prétendent mieux que ça ;
jinaijil suffit d’envisager une seule fois
M D«j Dorothée pour rester convaincu que
c’est ùn affreux cancan.
Un mouchant.
Un Individu.
("Dix heures sonnent au Louvre ; les gardiens dli Musée ouvrent les portes et la foule se
rue dans les escaliers.)
M. Picore!, le nez en l’air, à sa fille a —Je ne le rec.nonais pas
du tout! C’fcst peut-être parce que jô né l’aï jamais vu..'. EK bien!
eh bien !.... ne bousculez donc pas comme ça !,... eh bien ! eh
bien !.. petit drôle! [En ce moment, M. Picorel se trouve à califour-
chon sur Tili (]ui a voulu passer entre ses jambes et que sa marraine
retient).
Méfie Dorothée. —Titi ! Titi! veux-tu venir ici! Affreux enfant,
va!.. Ça vous a des idées!.. Pardon , Monsieur, faites-moi l’amitié
de me restituer mon filleul.
M. Picore!. — avec plaisir, pourvu qu’il ne recommence plus. Eh
mais !... je ne me trompe pas... c’est vous, Mlle Dorothée?... vous
voilà donc par ici ?
Aj.elle Dorothee. - Gomme vous voyez, Monsieur Picorel. C’est
drôle tout de meme! On a bien raison de dire que si les montagnes ne
se rencontrent jamais, en rerange les hommes et les animaux... Vous
venez donc voir l’esqueposilion, Monsieur Picorel?
M. Picorel. — Pas précisément. Mais j’ài formulé l’intention de voir
le portrait de Louis-Philippe J”, roi des Français, que je n’ài pas en-
core eu jusqu’ici l’avantage d’apercevoir son ombre.
Melle Dorothée. — Tiens, tiens, tiens ! Vous êtes pourtant de la
nationale, vous !
M. Picore!. — Précisément. Mais comme je n’ai pas les molliens
nécessaires de me revêtir de l'uniforme du soldat citoillicn, mes su-
périeurs me font toujours monter la garde aux barrières. Voilà le pour-
quoi que je n’ai jamais aperçu l’auguste face de notre remarquable
monarque. Je l’aurais pu une fois, une seule fois, le jour des 5 et 6
juin, lorsqu’il se porta de sa propre personne sur un cheval-pie, aux
alentours du boulevard; mais ce jour-là, précisément, j’étais alité de-
dans mon lit de plusieurs coliques que j’avais contrac'téès én me susten-
tant de cerises.
- A propos de cerises-, regardez donc ce tableau-
les bccals qui ont meilleure tournure mie la narti-
Melle Dorothée.
la!... En voua dansdes bccais qui ont meilleure tournure que la parti-
culière qui figure au mifieu!.. Àh dieu ! quelle frimousse qu’il y a des
femmes qu’dies ont! .
Titi- Ma marraine, j en voudrais bien des cerises, moi.
M. Picote!, Chut! je présuppose que ce portrait pourrait bien
être d un illustre personnage. Précisément la rumeur du public affir-
me qu elle distille la cerise à l’eau-de-vie, que c’est à s’en sucer lés
pouces jusqu’aux épaules.
Melle Dorothée. — Dam ! c’est possible : chacun son goût. Moi,
je penche davantage pour le ratafia. A propos, c’est,-il ici le grand ,
salon ?
M. Picorel. — Je le présuppose.
Melle Dorothée. — Pour lors, c’est ici que je verrai l’Amour.
Melle Bàbônii, qui l’a t’entrevu, m’en a dit des choses fort bien»
-LA CARICATURE
1844
faites encore paraître, dans votre grrrrrand complot, MM. Martin
(bâton), Flank-arrêt et Plougoulm; réunissant ainsi aux premiers ar-
tistes de la pairie les premiers sujets de la cour d’assises. Évidemment
si vous jouez le grrrrrand complot avec tous ces avantages, Bobino est
un théâtre enfoncé.
Ajoutez encore, messieurs, qu’onnousfait craindrequevousnesoyez
forcés par les circonstances, d’interrompre la circulation des voitures, de
boucher les issues des rues principales, et. même de confisquer provi-
soirement Bobino, pour le transformer en caserne de reserve.
C’est le Journal des Débats qui nous a fait part, avant-hier de ce der-
nier article, en ajoutant, avec ce style fleuri qui distingue maintenant
cet Auacréontique journal: « Ainsi le temple de Thalie deviendra le teta-
» pie de Mars, et l’on entendra le bruit des armes dans l’asile des Jeux
» et des Ris. »
Hé! bien, si ce cas arrive, et que vous vous refusiez au paiement d’une
juste et préalable indemnité, vous ne trouverez donc pas mauvais que
nous cherchions à entraver votre grrrrrand complot, par tous les
moyens que la loi met en notre pouvoir.
Or, parmi ces moyens , il en est un, infaillible : c’est le réglement
qui astreint les établissemens de notre espèce à ne pas sortir du
genre qui leur a été fixé, sous peine d’amende, de fermé'ure et de
dommages-intérêts s’il y a lieu. Votre genre, à vous, c’est le legisla-
tif, et non pas le judiciaire et le criminel. Vous travaillez dans la loi,
et non pas dans le grrrrrand complot. Si Bobino s’avisait de jouer la
tragédie, il s’exposerait à des poursuites delà part du Théâtre-Fran-
çais. De même, en jouant le grrrrrand complot, vous devenez passibles
des plaintes et dénonciations des autres théâtres ; vous êtes incompé-
tents pour le grrrrrand complot, comme Bobino est incompétent pour
la tragédie, comme le Théâtre-Français pour l’opéra, comme l’Opéra
pour le vaudeville.
Nous déposons, Messieurs les pairs, ces considérations dans vos
cousciences ; indemnisez-nous, ou nous formons immédiatement oppo-
sition au grrrrrand complot. Si vous ne preniez pas ce parti, Bobino
finirait par être la principale victime du grrrrrand complot, bien qu’à
coup sûr, il en soit aussi innocent que les coupables eux-mêmes.
Les mandataires de Bobino.
Pour copie conforme : Alt.
N» 48o.
En publiant aujourd'hui le portrait du général Buzeaud, après une
série consacrée à reproduire l’image des grands hommes du philip—
pardisme, la Caricature s'est rappelé le proverbe: jLux derniers les
bons. Personne, en effet, ne méritait mieux cette distinction que le hé-
ros de Blaye et de la rue Transnonain, celui qui atteint lé ridicule et
l’odieux aussi sûrement que ses collègues de l’opposition,- l’orateur aux
productions brutes, le Béotien législatif, l’ami de Gros-Jean et l’enne-
mi naturel des capacités. M. ^Buzeaud vous est représenté ici avec les
attributs qui le distinguent: te cadenas et l’épaulette, noble emblème
de l’alliance de l’épée du général avec le trousseau de clef du geôlier j
la consigne de l'ordre public placée sur le bonnet de police à coté de
la grenade destinée à faire sauter nos monumens nationaux fussent-
ils en marbre de Par os ; le pistolet Député eide, la ration de picotin, le
tablier de sage-homme, le paquet de discours et la collection de carot-
tes, productions brutes qui rappellent l’orateur-agriculteur, de même
2ue le sabot et la botte à l’écuyère indiquent le ridicule parodiste de
lincinnatus.
N° 481.
Quant à cette planche, c’est tout simplement tin croquis oublié cet
hiver dans Valbum d’un des artistes de la Caricature, et qui repré-
sente une scène dont il avait été témoin dans le jardin des Tuileries.
Par un beau jour de janvier, des moutards , qu’à leurs traits ingénus
et gracieux il croit reconnaître pour une bande en vacances d’hommes
d’état hauts placés, comme dit le Constitutionnel, et entre autres le
petit Viennet, le petit Moutardon-civet, le petit Tricanule, le petit
Talleyrand, le petit Tliiers, le petit Dupin etc., avaient commis
l’inconvénient, bien pardonnable du reste à raimableélourderiede leur
âge, de donner à une énorme boule de neige la forme d’un person-
nage qui, dit encore le Constitutionnel, doit toujours rester en dehors
des rires et des attaques des partis. L’artiste de la Caricature, qui
sur ce point partage l’avis du Constitutionnel, croque d'abord celte scè-
ne 5 puis, son zèle inonarchicn s’allume à la vue d’une aussi mons-
trueuse parodie , et il s’écrie : «O soleil de juillet, viens vite pour la
faire cesser et mettre un terme aux jeux de tous ces bambins. » Voilà.
A. C.
M. PICOREL AU SALON DE 1833,
ou
LES MEPRISES,
TOUR DE PROMENADE EX .TROIS STATIONS.
pcrsonmtQfg :
M. Picorel, marchand faïencier, chasseur
de la G1' légion, non habille'.
slrjlaê, sa fille; ilix-sept ans, cœur ingcmi.
jW*1c Dorothée, jeune personne d’un âge
mûr, ayant éprouve! dos revers de fortune
et de cœur, et exerçant pour le moment
la profession de femme de ménage.
Tili, son filleul.Les mauvaises langues du
quartier le prétendent mieux que ça ;
jinaijil suffit d’envisager une seule fois
M D«j Dorothée pour rester convaincu que
c’est ùn affreux cancan.
Un mouchant.
Un Individu.
("Dix heures sonnent au Louvre ; les gardiens dli Musée ouvrent les portes et la foule se
rue dans les escaliers.)
M. Picore!, le nez en l’air, à sa fille a —Je ne le rec.nonais pas
du tout! C’fcst peut-être parce que jô né l’aï jamais vu..'. EK bien!
eh bien !.... ne bousculez donc pas comme ça !,... eh bien ! eh
bien !.. petit drôle! [En ce moment, M. Picorel se trouve à califour-
chon sur Tili (]ui a voulu passer entre ses jambes et que sa marraine
retient).
Méfie Dorothée. —Titi ! Titi! veux-tu venir ici! Affreux enfant,
va!.. Ça vous a des idées!.. Pardon , Monsieur, faites-moi l’amitié
de me restituer mon filleul.
M. Picore!. — avec plaisir, pourvu qu’il ne recommence plus. Eh
mais !... je ne me trompe pas... c’est vous, Mlle Dorothée?... vous
voilà donc par ici ?
Aj.elle Dorothee. - Gomme vous voyez, Monsieur Picorel. C’est
drôle tout de meme! On a bien raison de dire que si les montagnes ne
se rencontrent jamais, en rerange les hommes et les animaux... Vous
venez donc voir l’esqueposilion, Monsieur Picorel?
M. Picorel. — Pas précisément. Mais j’ài formulé l’intention de voir
le portrait de Louis-Philippe J”, roi des Français, que je n’ài pas en-
core eu jusqu’ici l’avantage d’apercevoir son ombre.
Melle Dorothée. — Tiens, tiens, tiens ! Vous êtes pourtant de la
nationale, vous !
M. Picore!. — Précisément. Mais comme je n’ai pas les molliens
nécessaires de me revêtir de l'uniforme du soldat citoillicn, mes su-
périeurs me font toujours monter la garde aux barrières. Voilà le pour-
quoi que je n’ai jamais aperçu l’auguste face de notre remarquable
monarque. Je l’aurais pu une fois, une seule fois, le jour des 5 et 6
juin, lorsqu’il se porta de sa propre personne sur un cheval-pie, aux
alentours du boulevard; mais ce jour-là, précisément, j’étais alité de-
dans mon lit de plusieurs coliques que j’avais contrac'téès én me susten-
tant de cerises.
- A propos de cerises-, regardez donc ce tableau-
les bccals qui ont meilleure tournure mie la narti-
Melle Dorothée.
la!... En voua dansdes bccais qui ont meilleure tournure que la parti-
culière qui figure au mifieu!.. Àh dieu ! quelle frimousse qu’il y a des
femmes qu’dies ont! .
Titi- Ma marraine, j en voudrais bien des cerises, moi.
M. Picote!, Chut! je présuppose que ce portrait pourrait bien
être d un illustre personnage. Précisément la rumeur du public affir-
me qu elle distille la cerise à l’eau-de-vie, que c’est à s’en sucer lés
pouces jusqu’aux épaules.
Melle Dorothée. — Dam ! c’est possible : chacun son goût. Moi,
je penche davantage pour le ratafia. A propos, c’est,-il ici le grand ,
salon ?
M. Picorel. — Je le présuppose.
Melle Dorothée. — Pour lors, c’est ici que je verrai l’Amour.
Melle Bàbônii, qui l’a t’entrevu, m’en a dit des choses fort bien»