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Le charivari — 46.1877

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Août
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https://doi.org/10.11588/diglit.25491#0880
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LE CHARIVARI

le préfet (levant les mains au ciel).—C’est inouï,
incroyable !

le secrétaire. — Rien n’est plus vrai pourtant.
Lis femmes surtout sont désolées de ne pouvoir
plus suivre les aventures de leurs héros de prédi-
lection. Et monsieur le préfet sait mieux que per-
sonne que quand on n’a plus les femmes pour soi...
les hommes sont hien près de tourner casaque.

le préfet. — Certes, voilà un coup auquel je ne
m’attendais guère !

le secrétaire. — Par un hasard désastreux, les
journaux ont cessé de circuler librement juste le
jour où la marquise de Cavalcanti se débat sous
les brutales étreintes du chef de brigands Rinaldo-
Rinaldini... Et, vous comprenez, les populations se
demandent, sans pouvoir se répondre : La marquise
sçra-t-ello violée? Ne le sera-t-elle pas?

le préfet. — Et c’est un aussi misérable grain
de sable qui me ferait buter !

le secrétaire. — Cela s’est vu souvent dans l’his-
toire du monde.

le préfet. — Un conseil, parlez. Vous êtes se-
crétaire, c’est pour être bon à quelque chose.

le secrétaire. — Je ne vois qu’un moyen... Per-
mettre aux colporteurs de reprendre leurs tournées.

le préfet. —Impossible!... J’ai reçu du minis-
tère une lettre de félicitations sur mon énergie à
l'endroit des mauvais journaux de mon départe-
ment.

le secrétaire (sefrappant le front). — Une idée !...
Si nous faisions mettre dans YOf/iciel la suite des
aventures de la marquise Cavalcanti?

le préfet (radieux). — Partait! Je vais en écrire
immédiatement au ministre.

Louis Leroy.

CHEMIN DE LA CROIX

Nous laisserons, bien entendu, de côté celles des
décorations récemment distribuées, qui récompen-
sent des officieux de première ou de dernière caté-
gorie.

Que l’on chamarre de rubans les préfets à poigne,
cela ne changera rien à ce que l’opinion publique
pense sur leur compte.

Nous ne nous occuperons que des personnalités
qui ont une valeur quelconque, en dehors des reli-
ques dont ils peuvent être chargés.

Voici d’abord

M. WEISS.

Il fut un temps où ce normalien évadé fut grand
partisan et chaud défenseur du libéralisme.

C'est l’époque où il avait du talent.

Il ne lui est resté que du savoi r-faire.

Sans doute le style de M. Weiss se conforme tou-
jours aux règles de la grammaire, et l’ex-professeur
n’a point oublié ce qu’il enseignait aux autres.

Mais on ne trouve plus trace de ce qui faisait la
personnalité de M. Weiss, depuis qu’il a pris en
main la triste cause de la réaction.

On sent qu’il plaide comme un avocat qui en est
réduit à invoquer les circonstances atténuantes
pour un client qu'il sait coupable.

M. Weiss fut de la même fournée de convertis
que Prévost-Paradol : un chemin de Damas dont le
cicerone s’appelait Emile Ollivier !

Prévost-Paradol en est mort, M. Weiss en est
devenu conseiller d’Etat.

Ce n’est pas Paradol que je plains.

M. CAMILLE ROUSSET.

Académicien dans toute la faiblesse du terme.

Vit sur la réputation que lui a faite un livre de
compilation historique.

Etait né pour mourir inspecteur d’Académie en
province.

Mettons recteur, si vous voulez, et n’en parlons
plus.

Inutile d’ajouter (vous le savez déjà) que M. Ca-
mille Rousset est un réactionnaire déterminé.

M. DE LEFFEMBERG.

Etait naguère menacé violemment et vigoureuse-
ment vilipendé par les bonapartistes, contre qui il
instruisait des procès.

Est aujourd’hui fait grand-officier de la Légion

d’honneur par un ministère où les bonapartistes
tiennent la plus large place.

Qui donc a changé d’avis? Les bonapartistes ou
lui?

M. PAUL SERRET

Un sous-Feuillet.

Talent grisaille.

S’est adonné à la spécialité du roman qui se croit
littéraire, parce qu’il est prétentieux et qu’il abolit
l’intérêt pour, le remplacer par la phraséologie,
comme ce directeur de province qui remplaçait la
musique de la Dame blanche par un dialogue vif
et animé.

Quelqu’un a défini les pétillements factices de
cette prose sans imagination :

— De l’orgeat à l’eau de seltz.

M. PUVIS DE GH AV ANN ES.

Autre grisaille.

Est nommé officier, lui.

Il paraît que, quand on est de la paroisse, on ad-
mire fort les fresques de ce peintre.

Moi, mon opinion sur sa couleur poussiéreuse
est :

— P UVIS es et in pulverem reverteris.

L’engouement n’aura fait que passer, et tout cela

ne sera déjà plus.

M. CHARLES YRIARTE.

A la bonne heure ! celui-ci est un méritant.

A la fois artiste de goût, écrivain de race et cher-
cheur passionné, il a tour à tour écrit des articles
d’une charmante fantaisie et des livres d’une éru-
dition sincère.

Bravo !

M. LORÉDAN LARC11EY.

Un fureteur de bibliothèque.

Il s’est tellement identifié avec les vieux livres
par lui compulsés, qu’il en a pris le ton du par-
chemin.

On ne connaît que lui sur les quais, car lorsqu’il
a passé toute sa journée à la bibliothèque Mazarine,
il faut encore qu’il s’offre un supplément de vo-
lupté avec les cases du bouquiniste.

Il faut le voir penchant son grand corps, sa figure
pâle et ses yeux de myope sur une plaquette cu-
rieuse.

Il en mangerait !

C’est d’ailleurs la seule chose en ce monde qui
émeuve sa placidité indolente. Ella plaquette ache-
tée, il continue sa route en se dandinant noncha-
lamment et en rêvant tout éveillé.

Un piocheur infatigable et un excellent con-
frère.

M. DE BEAUMONT.

Les anciens abonnés du Charivari n’ont pas per-
du le souvenir de ces fiers dessins qui étaient
comme des variations sur des airs de Gavarni.

Depuis longtemps M. de Beaumont s’est adonné
à la peinture exclusivement.

Il fait surtout gracieux et émoustillant.

Le charme est chose assez rare, en peinture
comme en toutes choses, pour qu’on le récompense.

M. DELIRES.

Un musicien pour de vrai, qui a le malheur d’être
affligé d’une grosse fortune, ce qui fait que beau-
coup de gens s'obstinent à le prendre pour un ama-
teur.

A écrit des ballets qui sont des chefs-d’œuvre.

Eût-il moins de talent encore, que je serais heu-
reux de le voir décorer, rien que parce qu’il est
une protestation contre le wagnérisme.

PICCOLINO.

---•----

CHBONIQÜE DD JOUR

Il existe aujourd’hui une nouvelle maladie qui fera de
grands ravages.

Ce mal nouveau s’appelle la politicomanie.

Partout et en toutes circonstances, on veut faire de
la politique.

L’autre jour, à la distribution des prix du lycée de
Nîmes, M. le préfet Gueidari présidait la cérémonie.
Dans la péroraison de son discours, ce fonctionnaire a
dit : « Le maréchal de Mac-Mahon répond de l’ordre; il
répond du présent et de l’avenir. »

Pourquoi dire cela à de jeunes collégiens?

Ou bien ils croient qu’on veut leur parler de l’ordre
dans les études, ou hien ils comprennent qu’il s’agit de
politique.

Alors, dans ce dernier cas, ces enfants demanderont
à assister le mois prochain aux réunions électorales.

C’est fort regrettable, car il faut éviter avec autant de
soin de leur m ttre de la politique dans la tète qu’une
pipe dans la bouche.

Il y a dix-sept ou dix-huit ans, M. Duvergier de
Hauranne fils, un des plus forts élèves du lycée Bona-
parte, fut envoyé au concours général pour le discours
français.

Il composa une pièce en vers contre le prince Napo-
léon.

C’était un vrai chef-d’œuvre.

Naturellement, il ne put obtenir le premier prix que
sa poésie lui avait cependant bien mérité.

Les professeurs furent désespérés que cejeune homme
eût consacré tout son talent à critiquer en vers char-
mants le cousin de Napoléon III.

Si les fonctionnaires du gouvernement font de la po-
litique dans les discours de distribution de prix, ils
autoriseront les élèves à s’abonner aux journaux poli-
tiques qu’ils liront pendant les classes.

L'Avenir du Loiret signale le fait suivant :

« Un voyageur, descendu à l’hôtel Saint-Jacques, à
Meung sur-Loire, a acheté chez un liPraire, un journal
de Paris pour son maître d’hôtel, auquel il l’a remis en
rentrant à la maison.

» Le commissaire de police a vu dans ce léger service
un délit de colportage. Il a fait venir le voyageur et lui
a demandé s’il était muni d'une ^autorisation de col-
porteur.

» M. Martin crut à une plaisanterie. Mais le commis-
saire était très-sérieux. 11 lui demanda ses papiers et se
livra à une perquisition complète, lisant sa correspon-
dance particulière, bouleveisant sa malle, le traitant
comme un malfaiteur pris en flagrant délit.

»lla fallu l’intervention de l’oncle de M. Martin pour
décider le commissaire à mettre en liberté son prison-
nier. »

Cela dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

Les fonctionnaires de MM. de Brogl'ie-Fourtou sont
de véritables Nicollet qui, chaque jour, font des tours
plus extraordinaires.

Attendons-nous à lire dans les journaux :

« Hier, dans un café, on a arrêté un monsieur qui
passait à son voisin le journal l'Evénement.

» Il a été accusé par le commissaire de police de col-
portage.

» Stupéfaction de l’innocent consommateur!

» L’affaire sera jugée cette semaine. »

Les ennemis du divorce, tous gens non mariés, sont
enchantés.

Une récente statistique prouve qu’en Belgique il y
a eu, en 1830, quatre divorces, et, en 1876, cent trente-
cinq.

Cela prouve que, depuis 1830, les mariages ont aug-
menté dans des proportions considérables, parce que
les Belges pouvaient se séparer.

La même statistique prouve que les divorces ont été
plus nombreux dans les villes que dans les campa-
gnes.

Il ne faut pas s etonner de cette différence en moins
pour les habitants des champs.

Des paysans peuvent vivre en meilleur accord.

A quatre heures du matin, le mari va travailler dans
les champs, et il rentre le soir vers huit heures pour
manger, puis se coucher, après avoir bu son dernier
coup de cidre ou de vin.

Comment voulez-vous qu’il ait le temps de vivre en
mauvaise intelligence avec sa femme?

Et s’il demandait le divorce, qui donc donnerait à
manger aux bestiaux et trairait les vaches?

Il y aurait une jolie comédie à faire sous ce litre : Le
Mariage aux mots carrés.

Plusieurs journaux publient des m< A carrés et don-
nent les noms des personnes qui les > nent.

Les femmes sont en majorité pouf , . .. ail de pa-
tience

Depuis quelques semaines, je vois qu ''e,

dont le uom est imprimé en toutes letti
lelé vraiment remarquable.

Aussi celte jeune fille (est-elle jeune?) n u.
pas à donner son adresse.

Un jour, un amateur de mots carrés lui écrira ;

« Mademoiselle,

J’adore ce nouveau jeu de patience, qui obtient un
grand succès.

Votre force à trouver ces rébus m’a tourné la tête.

Je vous aime, je puis même dire : Je vous adore.

J’ai cinquante ans et vingt-cinq mille livres de
rente.

Voulez-vous accepter ma main?

Nous chercherons des mots carres jour et nuit.

Une prompte réponse, s’il vous plaît. »

Et un mois après, le mariage aura lieu.

Une vieille cocotte se présente comme témoin dans
un procès.

le président. — Votre âge?

— Trente ans.

(Rire dans l’assistance.)

le président. — Mais le prévenu nous dit qu’il vous
connaît, depuis vingt-huit ans... Vous étiez donc avec
lui à l’âge de deux aos?

le témoin (rougissant). — Oh! monsieur, à cet âge> je
n’avais pas été séduite par lui, seulement, il m’avait
promis le mariage.

André Laroche.

Le gérant : Altaroche.
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