594 HISTOIRE DE LA DOMINATION BYZANTINE EN AFRIQUE
politique qui durant deux siècles servit de guide à la domina-
tion africaine de leurs successeurs.
Plus tard, l'Afrique comme l'Italie sentit le contre-coup de
la grande réforme administrative qui commençait à trans-
former la monarchie byzantine ; l'histoire de l'exarchat de
Carthage éclaire, comme celle de l'exarchat de Ravenne, le
caractère et la portée de la réforme d'où sortit le régime des
thèmes.
Enfin, lorsque vint la décadence, les mêmes causes qui rui-
naient dans tout l'Occident l'édifice du pouvoir impérial
agirent, en Afrique avec une rare efficacité. Dans Tadministra-
tion,les mêmes faiblesses et les mêmes vices, dans la politique,
les mêmes imprudences et les mêmes maladresses produisi-
rent les mêmes résultats et livrèrent la province presque sans
défense aux furieuses attaques de l'Islam.
Par là une étude, assez limitée en apparence, peut jeter de
vives clartés sur l'histoire générale de l'administration et du
gouvernement byzantin durant le vie et le vne siècle. Ce n'est
pas tout. Pour l'Afrique, les deux siècles de la domination
byzantine n'ont point été sans conséquences. Pendant deux
siècles, les basileis ont entretenu dans ces provinces un der-
nier reflet de la civilisation romaine ; sans Justinien, le
royaume vandale, si faible, eût bien vite cédé la place à la
sauvagerie berbère : les empereurs ont retardé de deux siècles
la catastrophe qui a fait disparaître les derniers vestiges de la
culture romaine !.
Ce ne sont point là de médiocres services. Sans doute on
peut juger sévèrement les vices de l'administration byzantine,
sa corruption, sa rapacité, ses impolitiques rigueurs : il faut
(1) Je ne saurais en effet accepter les conclusions d'IIodgkin, qui estime que
le royaume vandale eût été capable de tenir en échec et de civiliser les Ber-
bères et plus tard de briser Pélan de l'invasion arabe, et qui déclare en con-
séquence que « les conquêtes de Justinien ont en réalité ouvert le chemin aux
barbares » (Italy and lier invaders, IV, 27, cf. HT, 695). J'ai suffisamment mon-
tré la désorganisation profonde de l'état vandale pour n'avoir pas à discuter
en détail cette opinion.
politique qui durant deux siècles servit de guide à la domina-
tion africaine de leurs successeurs.
Plus tard, l'Afrique comme l'Italie sentit le contre-coup de
la grande réforme administrative qui commençait à trans-
former la monarchie byzantine ; l'histoire de l'exarchat de
Carthage éclaire, comme celle de l'exarchat de Ravenne, le
caractère et la portée de la réforme d'où sortit le régime des
thèmes.
Enfin, lorsque vint la décadence, les mêmes causes qui rui-
naient dans tout l'Occident l'édifice du pouvoir impérial
agirent, en Afrique avec une rare efficacité. Dans Tadministra-
tion,les mêmes faiblesses et les mêmes vices, dans la politique,
les mêmes imprudences et les mêmes maladresses produisi-
rent les mêmes résultats et livrèrent la province presque sans
défense aux furieuses attaques de l'Islam.
Par là une étude, assez limitée en apparence, peut jeter de
vives clartés sur l'histoire générale de l'administration et du
gouvernement byzantin durant le vie et le vne siècle. Ce n'est
pas tout. Pour l'Afrique, les deux siècles de la domination
byzantine n'ont point été sans conséquences. Pendant deux
siècles, les basileis ont entretenu dans ces provinces un der-
nier reflet de la civilisation romaine ; sans Justinien, le
royaume vandale, si faible, eût bien vite cédé la place à la
sauvagerie berbère : les empereurs ont retardé de deux siècles
la catastrophe qui a fait disparaître les derniers vestiges de la
culture romaine !.
Ce ne sont point là de médiocres services. Sans doute on
peut juger sévèrement les vices de l'administration byzantine,
sa corruption, sa rapacité, ses impolitiques rigueurs : il faut
(1) Je ne saurais en effet accepter les conclusions d'IIodgkin, qui estime que
le royaume vandale eût été capable de tenir en échec et de civiliser les Ber-
bères et plus tard de briser Pélan de l'invasion arabe, et qui déclare en con-
séquence que « les conquêtes de Justinien ont en réalité ouvert le chemin aux
barbares » (Italy and lier invaders, IV, 27, cf. HT, 695). J'ai suffisamment mon-
tré la désorganisation profonde de l'état vandale pour n'avoir pas à discuter
en détail cette opinion.