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Polska Akademia Umieje̜tności <Krakau> / Komisja Historii Sztuki [Editor]; Polska Akademia Nauk <Warschau> / Oddział <Krakau> / Komisja Teorii i Historii Sztuki [Editor]
Folia Historiae Artium — N.S. 8/​9.2002/​3

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Boespflug, François; Załuska, Yolanta: Le Prologue de l'Évangile selon saint Jean dans l'art médiéval (IX-XII siecle): L'image comme "commentaire"
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https://doi.org/10.11588/diglit.20620#0027
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dantes descriptions; dans ce manuscrit tardif, chacun
des mysteres est juchę sur un char tire par le sym-
bole de l’evangeliste et le prophete correspondant64.
Cette redistribution de “scenes cardinales” de la vie
du Christ, notons-le au passage, ne tient guere
compte des evangiles eux-memes, car Matthieu
mentionne a peine la naissance du Christ, tandis que
la Resurrection et la Crucifrxion sont rapportees par les
quatre evangelistes, et que Jean, qui passe sous silence
l’Ascension, se voit attribuer cette scene comme
enseigne de son evangile.

3.2. Quatre images synthetiques du Prologue

A) Le Codex d’Uta (Evangiles-evangeliaire, Mu-
nich, BSB, Clm 13601) tient son nom de sa dona-
trice, une abbesse de Niedermiinster qui se nomme
Uta a la page de dedicace (f. 2: VOTA abbatissa)65,
et que Ton identifie generalement a Uta de Kirch-
berg, mentionnee dans des actes de 1002, 1021 et
102566. Dans cet ouvrage dedie par Uta a la Vierge,
1’illustration du Prologue se deploie dans 1’encadre-
ment du portrait de Jean place en regard du debut
de son texte (f. 89v; fig. 3)67. Plusieurs inscriptions
eclairent cet ensemble particulierement riche et per-
mettent de mesurer 1’ampleur des connaissances
exegetiques du concepteur du programme68. L’ins-
cription qui commande 1’ensemble est un hexametre
elegiaque qui se lit sur les deux montants de la
bordure: FERT Aąuilae facies, domini SIMMISTA
IOHANnes69, ce que Ton peut traduire ainsi: “Jean,
particulierement initie aux mysteres du Seigneur,
porte le visage d’Aigle”. Un autre hexametre a ete

64 Ce ms reunit des oeuvres allegoriąues (Virtutum et yitiorum
omnium delineatio, etc.); cat. d’expo, Venise, 1994-1995, Palais
Ducal, n° 45 (H. Fi 11 i t z e G. M o r e 11 o, Omagio a San Marco,
Tresori dall’Europa, Milan, 1994).

65 Reproduction dans le cat. d’expo, Regensburger Buch-
malerei. Ausstellung der Bayerischen Staatsbibliothek Munchen
und der Museen der Stadt Regensburg, 1987, Munich, 1987,
n° 17, ill. 9—12 et 96 (f. 2); A. S. Cohen, The Uta Codex: Art,
Philosophy and Reform in Eleventh-Century Germany, Univer-
sity Park: Pennsylvania State University Press, 2000, p. 39—51,
fig. 13 et pl. coul. 3.

66 G. S w ar żeński, Die Regensburger Buchmalerei des X.
und XL Jahrhunderts. Studien zur Geschichte der deutschen
Malerei des friihen Mittelalters, Leipzig, 1901, p. 88 s.; B.
Bischoff, “Literarisches und kiinstlerisches Leben in St.
Emmeram wahrend des friihen und hohen Mittelalters”,
Studien und Mitteilungen zur Geschichte der Benediktiner
Ordens, 51, 1933, p. 102—142, reed. dans Id., Mittelalterische
Studien, t. 2, Stuttgart, 1967, p. 77-115, part. p. 104 et n. 118.

67 H. M ay r-FI ar t ing, Ottonian Book Illumination. An

Histoncal Study, Londres, t. 1, 2e ed., 1999, p. 101, fig. 56.

calligraphie autour du medaillon central: HIC RE-
SERAT SCRIPTIS SUPERI MISTERIA FONTIS,
“11 devoile par ses ecrits les mysteres de la source
supreme”. L’inscription suiyante, en minuscules, se
refere a 1’Aigle, symbole de Jean: In Xpo completa
est uisio aąuilae ascendendo, “Dans le Christ qui
monte s’accomplit la vision de l’aigle’’. Autour de la
personnification du Phison, fleuve du Paradis (Gn 2,
11) attribue ici a Jean, se deploie le texte suivant:
Physon insufflatio interpretatur et significat Euan-
gelium lohannis. Ipse tangit naturalem partem
sapientiae (“On traduit Phison par insufflation, et il
signifie l’Evangile de Jean. Celui-ci touche a la par-
tie naturelle de la Sagesse”). Cette derniere inscrip-
tion reunit deux pensees exegetiques distinctes. La
premiere se refere a l’une des equations symboliques
entre les quatre evangelistes et d’autres quater-
naires que l’on peut retrouver dans la Bibie, dans
1’homme ou dans le Cosmos, ici les quatre fleuves du
Paradis. L’exegese des Peres et de leurs successeurs
etait constamment a 1’affut de ces correspondances
quatre a quatre: d’ou leur gout de mettre en rapport
les quatre evangiles avec les quatre elements cons-
titutifs de l’univers (feu, air, eau et terre), avec les
quatre humeurs, les quatre points cardinaux ou en-
core les quatre fleuves du Paradis70. La deuxieme
partie de la legende, en revanche, se refere, par l’in-
termediaire des Peres, a la division platonicienne de
la philosophie dont il a ete question plus haut. En
reunissant ces differentes sources exegetiques,
1’auteur du programme du Codex d’Uta montre
bien 1’etendue de son savoir. La personnification du
Phison se presente elle-meme sous les traits d’un

68 B. Bischoff l’a identifie avec un moine de Saint-Emmeram
de Ratisbonne nomme Hartwic, eleve probable de Fulbert de
Chartres: B. Bischoff, “Hartwic von St. Emmeram”, dans K.
Langosch, ed., Die deutsche Litteratur des Mittelalters.
Verfasserlexikon, Berlin, 1955, col. 335-337; Id., 1’article cite
a la notę precedente, p. 104; voir aussi Mayr-Harting, op.
cit., t. 1, p. 78 et n. 66.

69 Ces legendes ont ete publiees par Swat żeński, op. cit.,
et par K. Strecker, “Verse in Miniaturenhandschriften ”, dans
MGH, t. V, Poetarum latinorum medii uevi, fasc. II, Berlin 1939,
p. 281 s.

70 Au point de depart, il s’agissait de justifier ainsi le nombre
(ferme) et 1’inspiration des ąuatre evangiles canoniques, par
opposition a tant d'autres ecrits qui ont longtemps circule. Plus
tard, une fois le christianisme bien etabli, personne ne songea
plus a remettre en question la place privilegiee des quatre evan-
giles, si bien que les correspondances entre eux et les autres ele-
ments quaternaires n’eurent plus le meme enjeu et releverent
davantage du jeu savant que de la refutation theologique. II
n’empeche que Fon s’y adonnait encore avec volubilite, en par-
ticulier dans des monasteres. Les ecrits d’un Bede, d’un Paschase
Radbert ou d’un Rupert de Deutz en regorgent.

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