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212

PIRANESI.

III
Le mot « pittoresque » ne sert pas seulement à désigner ce qui
est digne de tenter le pinceau d’un peintre, mais aussi une certaine
conception de* l’art où l’élément imprévu, amusant, instable a la plus
grande part. Par ses contrastes mêmes, Rome au dix-huitième siècle
était riche en notes et en aspects de ce genre. Les épisodes de la
vie en plein air, l’agitation d’une populace turbulente et famélique,
à chaque pas coudoyée par le faste des grands seigneurs, des
prélats et des voyageurs étrangers, la présence séculaire d’une flore
hardie envahissant les ruines, l’abondance des arbres, les vergers à
l’intérieur de l’enceinte, les troupeaux errant sur le Campo Vaccino,
tout s’unissait pour y composer spontanément des « scènes » pleines de
couleur et d’accent : elles tentèrent presque tous les peintres, avant de
devenir le domaine où s’exerça de préférence la verve un peu vulgaire
de Tommaso Piroli. Le jeune architecte vénitien, qui, durant ses pre-
miers séjours à Rome entre 1740 et 1745, choisissait ses modèles parmi
les miséreux et les éclopés, devait en conserver longtemps l’image dans
ses planches, meubler ses premiers plans d’éléments pittoresques et de
maquettes assez nombreuses. Puis vient l’époque où les monuments
entrent dans la composition avec plus de franchise et plus de puissance;
l’intervalle qui les sépare des marges tend à diminuer de plus en plus,
un espace libre manque pour le déploiement des personnages. Des
ombres plus profondes s’installent sur les façades et dans les cavités
des ruines; elles absorbent en partie les figures qui s’y trouvent plon-
gées et que l’œil, désormais, discerne mal. A mesure que l’artiste pour-
suit son enquête et s’avance en dehors de Rome, vers les petites villes
des monts Albains et le long de la voie Appienne, il semble conquis par
la poésie des solitudes : leurs hôtes dispersés ont quelque chose de plus
sauvage que les plus sordides gueux de Rome. Ce sont des rustres
élancés et robustes, à moitié pâtres, à moitié bandits. La composition se
concentre. L’élément dramatique l’emporte sur l’élément pittoresque.
Regardons un instant les passants des premières Vedute. A l’inté-
 
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