CHAPITRE IV
l’eau-forte
I
Dès l’instant où Piranesi s’installe en face de la nature, choisit son
motif, aménage sommairement un effet d’ombres et de lumières,
n’ayant en main que la pierre noire et la sanguine, il est graveur, c’est
pour l’eau-forte qu’il fait ses préparations, l’eau-forte est la matière où
prend naturellement corps son imagination. Il eût peut-être été un grand
peintre : mais égal ou supérieur aux maîtres ses contemporains, en
promenant avec souplesse son pinceau dans l’abondance des pâtes, dans
la fluidité des huiles, il aurait sûrement perdu de sa sévérité et de son
accent. Quelque justes que soient lestons d’une palette, même restreints
à une gamme sobre, il y a en eux de l’agrément, ils sont plus ou moins
rompus. Les terres, si heureusement mêlées par Hubert Robert, ces
stils-de-grain qu’il faisait spécialement venir de Suisse, ces jaunes d’or
et aussi, il faut bien le dire, ces bleus, ces roses qui ajoutent une note
coquette et quelquefois fausse à l’harmonie de ses gris chauds et de ses
bruns transparents, quel parti aurait pu en tirer un artiste soucieux
avant tout d’un effet sobre et concentré? Plus encore, la palette cha-
toyante d’un Panini, ses dessous éclatants et dangereux qui, à force de
« repousser », ont dénaturé ses meilleures toiles, ses prestes touches
chantantes l’auraient égaré.
Peintre, il est allé interroger les maîtres de l’école napolitaine,
surtout ceux du dix-septième siècle et Salvator. Chez les peintres de
batailles, de marines, de paysages et d’architecture comme chez Ri-
l’eau-forte
I
Dès l’instant où Piranesi s’installe en face de la nature, choisit son
motif, aménage sommairement un effet d’ombres et de lumières,
n’ayant en main que la pierre noire et la sanguine, il est graveur, c’est
pour l’eau-forte qu’il fait ses préparations, l’eau-forte est la matière où
prend naturellement corps son imagination. Il eût peut-être été un grand
peintre : mais égal ou supérieur aux maîtres ses contemporains, en
promenant avec souplesse son pinceau dans l’abondance des pâtes, dans
la fluidité des huiles, il aurait sûrement perdu de sa sévérité et de son
accent. Quelque justes que soient lestons d’une palette, même restreints
à une gamme sobre, il y a en eux de l’agrément, ils sont plus ou moins
rompus. Les terres, si heureusement mêlées par Hubert Robert, ces
stils-de-grain qu’il faisait spécialement venir de Suisse, ces jaunes d’or
et aussi, il faut bien le dire, ces bleus, ces roses qui ajoutent une note
coquette et quelquefois fausse à l’harmonie de ses gris chauds et de ses
bruns transparents, quel parti aurait pu en tirer un artiste soucieux
avant tout d’un effet sobre et concentré? Plus encore, la palette cha-
toyante d’un Panini, ses dessous éclatants et dangereux qui, à force de
« repousser », ont dénaturé ses meilleures toiles, ses prestes touches
chantantes l’auraient égaré.
Peintre, il est allé interroger les maîtres de l’école napolitaine,
surtout ceux du dix-septième siècle et Salvator. Chez les peintres de
batailles, de marines, de paysages et d’architecture comme chez Ri-