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Gau, Franz Christian
Antiquités de la Nubie ou Monumens inédits des bords du Nil, situés entre la première et deuxième cataracte — Stuttgart, 1822

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https://doi.org/10.11588/diglit.4729#0010
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RELATION DU VOYAGE.

J'étais depuis quatre ans à Rome, et j'avais déjà fixé l'époque prochaine de mon retour dans mes foyers. Je comptais consacrer à
ma patrie le résultat de mes études et l'expérience que je venais d'acquérir sur la terre classique des arts, lorsqu'un homme
éminemment respectable, M. le conseiller Niebuhr, changea tout-à-coup mes résolutions. Ce savant distingué, qui m'honorait de
toute sa bienveillance, me fit une proposition qui ne pouvait manquer de m'être agréable, puisqu'elle m'appelait à visiter l'Egypte
et la Grèce, pays héroïques vers lesquels s'élance toujours l'imagination d'un artiste.

Il s'agissait d'accompagner en Orient M. le baron de Sack, à qui les médecins avaient ordonné de voyager dans les contrées
méridionales. Séduit par la brillante perspective qui m'était offerte, j'acceptai avec reconnaissance la proposition du conseiller : en
peu de jours mes préparatifs furent achevés.

Dans le courant d'avril 1818, nous partîmes de Rome pour nous rendre par terre à Naples, où nous nous embarquâmes sur un
brigantin qui nous porta rapidement à la côte de Sicile. Je fis un bref séjour à Messine : la ville offre un site admirable, mais peu
de ses édifices excitent la curiosité des voyageurs , et méritent encore moins d'être publiés. Je me hâtai d'atteindre ces vieilles
cités de la grande Grèce, dont les monumens rappellent encore les temps fameux où toute la civilisation de la terre était
resserrée dans un coin de l'Orient. Lorsque j'eus abondamment puisé à cette source de modèles, nous nous embarquâmes
de nouveau au port de cette Syracuse sur laquelle pesa le sceptre du farouche Denys; nous signalâmes promptement Malte,
et bientôt après Alexandrie.

Ce fut aux premiers rayons du jour que nous découvrîmes l'Egypte, ce pays si fécond en souvenirs, ce sol que foulèrent, tour-
à-tour, Alexandre, César, Antoine, Pompée... Et cette terre, veuve de tant de héros, sous quel aspect nous apparut-elle... ? Nous
avions en vue une plage sablonneuse, nue, brûlée, s'élevant à peine au-dessus du niveau de la mer, n'offrant aucune trace de
végétation, et désespérant le regard par une nature aride, inanimée. Après avoir eu deux jours une si triste perspective devant les
yeux, par suite d'une erreur de notre capitaine qui lui avait fait prendre la tour d'Aboukir pour le phare d'Alexandrie, nous
entrâmes enfin dans le port où, vingt et un ans plus tôt, l'expédition d'Egypte était débarquée.

La disposition intérieure d'Alexandrie me rappela celle de Pompeï; car, pendant les recherches que j'avais faites dans les ruines
de cette dernière ville, mon imagination s'était plu souvent à me la représenter telle qu'elle devait être au temps où ses édifices
étaient entiers, et où la foule circulait dans ses rues, maintenant silencieuses et désertes. C'est particulièrement dans l'aspect des
habitations que l'artiste trouve le point de ressemblance dont je viens de parler : ainsi que la patrie de Pline, la ville d'Alexandre
renferme des rues étroites et irrégulières, des maisons basses, couvertes de terrasses, et de grandes murailles percées cà et là de
petites fenêtres grillées, semblables à celles de nos couvens d'Europe. L'intérieur des cours est orné de portiques : dans quelques-
unes, on remarque des plantations.

Je fus frappé de la beauté des costumes orientaux, qui se montraient à moi avec la plus piquante variété, dans une ville où les
relations commerciales réunissent des spéculateurs de toutes les parties de l'Afrique et de l'Asie. Pour satisfaire ma curiosité, à
chaque pas excitée, j'enfreignis plus d'une fois la recommandation qu'on nous avait faite, en débarquant, d'éviter toute
communication avec les indigènes, atteints alors delà peste.

J'ai dit que je m'étais mis en route avec M. le baron de Sack; mais la différence d'âges, de vues, de goûts, de besoins, qui existait
entre nous, ne tarda pas à troubler l'harmonie qu'il eût été nécessaire d'entretenir pour mettre à exécution, en commun, une
entreprise longue, difficile et peut-être dangereuse. Dès notre arrivée à Alexandrie, le défaut de conformité d'humeurs était
devenu delà mésintelligence : une rupture et une séparation s'ensuivirent.

Cependant, M. de Sack avait fait jusqu'alors tous les frais du voyage : en me séparant de lui, je me trouvais dépourvu d'instrumens,
de livres et même de ressources pécuniaires. De cette triste extrémité naissait l'alternative, ou de revenir sur mes pas sans avoir
rien vu, sans avoir rien fait, ou de continuer mon excursion sous le poids de la plus étroite gêne, et conséquemment contre toute
apparence de réussite. Soit que je voulusse retourner en Europe, soit que je persistasse dans ma résolution aventureuse, de grandes
difficultés, de graves inconvéniens m'étaient opposés : je voyais, d'un côté, la honte de repasser les mers après une vaine tentative;
de l'autre, je mesurais avec inquiétude les obstacles que j'allais rencontrer à une distance effrayante de mon pays, chez un
peuple dont je ne comprenais pas le langage, et dont les mœurs sont si différentes des nôtres. A quelque parti que je m'arrêtasse,
il fallait prendre une détermination forte et affronter l'adversité ; l'amour des arts et l'attrait du spectacle imposant que j'étais venu
chercher de si loin, l'emportèrent : je tournai mes regards vers la Haute-Egypte, et je laissai à la Providence le soin de m'y conduire.
Pourvu d'un bagage léger comme celui que portait Rias lorsqu'il disait omnia mecum porto, muni de quelques piastres, et mon
livre de croquis sous le bras, je sortis d'Alexandrie par la porte qui correspond à la route du Caire. Au milieu des privations de
toute nature, un bien réel me restait, c'était mon indépendance : j eus le bonheur de le croire supérieur à mes maux; ledirai-je? une
 
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