Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

DOI issue:
Nr.1
DOI article:
Meissner, Franz Hermann: Arnold Boecklin, [2]: artistes contemporains
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0028

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
22

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

coupé d'un porte. Le mur du rocher est percé de fenêtres et d’ouver-
tures attestant une galerie souterraine dont la destination funèbre
est assez indiquée par des cercueils et des urnes. On aperçoit un
cercueil dans une barque qui vient d’atterrir à cette nécropole. Un
ciel d’un bleu intense, enflammé par places, enveloppe ce merveil-
leux paysage, d’un ton mineur si marqué. Le rocher se reflète
dans l'eau immobile. Et un solennel silence sépulcral se répand sur
l’ensemble.

Citons encore le Jour de printemps. Une prairie coupée de ruis-
seaux et parsemée de fleurs avec de grands hêtres aux troncs blancs;
plus loin, une villa italienne entourée d’une ombre épaisse; au
fond, une large prise d’eau. Tout cela dans un ciel crépusculaire,
nuageux, un beau ciel bienfaisant. Un vieillard se tient debout,
pensif, au bord de l’eau ; au premier plan, un couple amoureux folâ-
trant au son d’un luth; près de la villa, des enfants taquinant une
jeune fille. C’est tout un tableau de la vie humaine, dans ce délicieux
paysage, qui nous fait pénétrer en outre dans la vie profonde et
éternelle de la nature.

Dans d’autres peintures l’élément tragique se tempère d’un
étrange humour. Ainsi dans le Combat des centaures, où Bœcklin a
symbolisé la furie des forces naturelles, cinq centaures gigantesques
sont occupés à une lutte fantastique, combattant des poings, des
dents, des sabots, se défiant avec des regards farouches et pleins
d’une cruauté sensuelle. Chez Rubens seulement on trouverait un
pendant à cette débauche de mouvements, à cet emmêlement de
membres. Et derrière cette bruyante tragédie des éléments se
déploie la paix solennelle d’un paysage héroïque, où un groupe
d’arbres surtout se détache, délicatement éclairé d’un pâle rayon de
soleil.

Et ce même artiste si pathétique a mis dans d’autres œuvres
une jovialité si franche et si épanouie que l’art allemand n’a rien à
lui opposer dans ce genre pourtant si allemand. Ainsi dans l'Idylle
marine, un chef-d’œuvre de coloris comparable à Vile de la mort. Sur
un rocher plat au milieu de la mer, une puissante figure de femme
nue est couchée, dans une pose débordante d’abandon et de sensua-
lité. Ses formes sont d’une vigueur élégante et souple. Ses yeux
noirs expriment les passions immodérés d’une créature primitive;
de longs cheveux d’un blond rouge sont répandus sur la blancheur
de son corps. De sa main gauche à demi plongée dans l’eau, elle joue
avec la tête poilue et repoussante d’un serpent marin, qui s’enroule
 
Annotationen