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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr. 6
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Murga, Gonzalo de: Lettre d'Allemagne: le "Cycle de Berlioz" à Carlsruhe
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0520

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LETTRE D’ALLEMAGNE

LE « CYCLE DE BERLIOZ » A CARLSRUIIE

ous ne sommes plus au temps où l'on sifflait Berlioz ; son grand
génie est désormais incontesté, et le succès prodigieux de la
Damnation de Faust, sans aucun précédent dans les annales des
concerts,lui a même donné un public enthousiaste. Et pourtant son
œuvre dramatique, que nos théâtres persistent à ne pas jouer,
reste inconnue parmi nous. Est-ce donc qu’elle soit inférieure à son œuvre sym-
phonique ? Les Allemands n’en croient rien et je pense comme eux. Tout est drame,
dans Berlioz, quelque forme qu’il donne à sa pensée : non seulement la Damnation
de Faust, si proche de la coupe de l’opéra et que de toutes parts, aujourd’hui, on
veut transporter sur la scène; non seulement Roméo et Juliette, qui traduit fidèle-
ment la tragédie de Shakespeare, tantôt en développements symphoniques, tantôt
en scènes chantées d’un effet scénique incomparable et qui s'épanouit, en finissant,
dans les conditions absolues, rigoureuses, de l'opéra; non seulement Y Enfance du
Christ, que certains chefs d’orchestre songent à représenter comme la Damnation
et qui s’y prêterait de même, mais jusqu’aux symphonies où la voix humaine ne
se fait pas entendre : à la Fantastique, développée suivant un programme indis-
pensable à suivre pour la comprendre; à Harold en Dalle, où l'alto, qui personnifie
le personnage principal, traduit ses impressions à travers les scènes les plus étroi-
tement précisées dans leur sens expressif: enfin jusqu’à sa musique d'église, à ce
prodigieux Requiem où il a tout dramatisé, au grand scandale de quelques-uns,
où les paroles du Dies irœ, mises dans la bouche de l'humanité affolée de terreur,
lui ont servi de texle pour une formidable représentation du Jugement dernier,
où celles de l'Offerloire se transforment en une lamentation des âmes du Purga-
toire, languissant loin des splendeurs entrevues du Ciel... Tout cela est si peu
contesté que, journellement, on en fait à Berlioz un reproche. Comment donc se
pourrait-il, s’il avait à ce point l’âme dramatique, que sa faculté dominante l’eùt
abandonné précisément lorsqu’il voulait écrire pour la scène? La supposition seule
en est absurde et, si une pareille anomalie était démontrée, elle resterait comme le
problème le plus déconcertant, le plus inexplicable, qui se soit jamais présenté dans
l'histoire de l’art.
 
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