Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Murga, Gonzalo de: Lettre d'Allemagne: le "Cycle de Berlioz" à Carlsruhe
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0521

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LE CYCLE DE BERLIOZ A CARLSRUIÏE.

501

Mais il n'y a pas de problème à résoudre et la logique des choses ne subit, ici,
aucune atteinte. En réalité, Berlioz, si ce n’est dans le Requiem, n’a jamais été
aussi grand que dans les Troyens, et ses opéras ont peut-être, sur ses symphonies,
l’avantage d’être coulés dans un moule mieux approprié au génie qui les a conçus.
Tout le monde en conviendra quand on pourra les entendre. Mais pourquoi ne les
entend-on pas?... En deux mots (car l’explication complète serait un peu longue),
c’est que le public du théâtre est fort inférieur, chez nous, à celui des concerts et
que, bien que son éducation ait fait, depuis vingt ans, des progrès énormes et qu’il
paraisse très préparé à comprendre les opéras de Berlioz, ceux qui cherchent à le
porter vers les grandes œuvres ne dirigent, pour le moment, sa curiosilé que vers
le drame wagnérien. Or, ce pauvre public a assez à faire pour se hausser jusqu’à
ces conceptions colossales, étrangères à ses traditions comme à l’esprit de sa race;
ce serait trop de vouloir lui faire escalader, en même temps, les suprêmes hauteurs
de la poésie latine. 11 reste seulement à s’étonner qu’on n'ait pas voulu commencer
son initiation par ce qui lui était le plus accessible...

Le public allemand a-L-il une faculté de compréhension plus étendue? Au point
de vue purement musical, ce n’est pas douteux, mais dans l’ordre intellectuel,
qui est, ici, à considérer, je ne pense pas qu’il en soit de même. En tout cas, ceux
qui le conduisent (car ie public est toujours conduit par quelqu’un), écrivains,
musiciens, directeurs de théâtres, chefs d’orchestre, montrent, il faut l’avouer, une
largeur de vues bien autre que celle de nos pasteurs d'âmes, car ils savent lui faire
entendre et admirer tout ce qui est grand, sans distinction d’écoles ni de systèmes.
11 suffit, pour accuser la différence, de constater qu’en Allemagne ceux qui aiment
et glorifient notre Berlioz sont précisément les plus ardents apôtres de Wagner.
Voilà plus de quarante ans que, par l’influence de Listz, Benvenuto Cellini est joué
sur presque tous les théâtres de l’Allemagne; les chefs d’orchestre de Bayreuth
semblent rivaliser d’ardeur pour célébrer notre grand musicien français : Hermann
Lévy donne, à Munich, d’admirables représentations des Troyens; quant à Félix
Molli, qui, depuis longtemps déjà, avait mis au répertoire du théâtre de Garlsrulie
les quatre opéras de Berlioz, il a voulu, ces jours-ci, pour la gloire du maître qu'il
aime, les réunir dans un « cycle » solennel.

Les Allemands font preuve d’une véritable intelligence artistique, en organisant
ces « cycles » par lesquels ils prennent l'habitude d’honorer leurs grands musiciens.
On comprend sans peine l’intérêt de cette vue d’ensemble d’un œuvre entier, qui
permet, par le rapprochement et la comparaison des divers ouvrages, de se rendre
compte du développement, des transformations successives, des différents aspects
du style de l’artiste. C’est ce que, tout dernièrement, a fait Hermann Lévy, à Munich,
pour l’œuvre de Wagner; c’est ce que vient de faire Félix Molli, à Carlsruhe, pour
l'œuvre dramatique de Berlioz, et, outre ce qu'avait de touchant, pour nous, cet
hommage à un maître français, il nous a procuré l’heureuse — quoique un peu
humiliante — bonne fortune d'entendre des chefs-d'œuvre de notre musique qui
nous étaient totalement inconnus.

Tel est le cas pour l’un d’eux au moins, Benvenuto Cellini. Cet ouvrage n’ayant
jamais été joué en France depuis les quelques représentations qu’il eut, en -1838, à
l’Opéra, les plus fervents admirateurs de Berlioz ne le connaissent que par la par-
tition de piano. Ses deux ouvertures, seules, sont entendues dans les concerts; la
seconde, celle du Carnaval romain, exécutée très fréquemment, passe pour une
 
Annotationen