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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Beraldi, Henri: Exposition des oeuvres de Charlet
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0067

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EXPOSITION DES OEUVRES DE CHARLET.

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par des jeux de mots. Un rapin essaie un tableau allégorique, et le
maître (Charlet) lui dit : Votre figure cle la France lève le bras et ne
frappe pas! Faites-la plus grande, plus forte! Vous /’entourez de gens qui
ont l’air de faire ce que je ne puis dire dans ce que je ne veux pas nommer!
Occupez-vous des masses!... Éclairez le peuple en sacrifiant vos fonds !... Et
il faut voir l’air convaincu et prophétique de Charlet débitant ces
calembredaines, sanglé dans une tunique mi-partie civile et militaire,
et coiffé d’un képi. C’est parfaitement ridicule, et un peu agaçant. Cela
lui a valu la rude sortie de Baudelaire : «Fabricant de niaiseries
nationales, commerçant patenté de proverbes politiques, idole qui n’a
pas, en somme, la vie plus dure que toute autre idole, il connaîtra
prochainement la force de l’oubli, et il ira avec le grand peintre
(IT. Yernet) et le grand poète (Béranger), ses cousins germains en
ignorance et en sottise, dormir dans le panier de l’indifférence... »
Moins sévères et moins dilettantes que Baudelaire, nous comprenons
aujourd’hui les obsessions d’un patriotisme exalté et déçu, et loin
d’oublier Charlet, nous le rappelons, cet ardent Français, à la
mémoire des nouvelles générations. Mais, plus de sang-froid que ses
contemporains, si nous estimons tant Charlet, nous ne nous trompons
pas d'épithète. Il n’est pas un grand artiste, un grand exécutant, mais
c’est un artiste considérable, dans la lithographie, l’humour et la
politique, singulièrement original et nouveau dans la légende. Et il
nous a donné Raffet !

Charlet eut encore dans sa vie une dernière satisfaction : il vit
le Retour des Cendres, et illustra le Mémorial de Sainte-Hélène, l’évan-
gile des braves. Il mourut en 1845, usé par le travail et miné par une
maladie de poitrine. Le sort aurait dû se montrer moins cruel et lui
donner quelques années de plus : le temps de voir restaurer un gou-
vernement selon son cœur, et de connaître le triomphe du soldat
français : Sébastopol, Solférino! Mais voici un autre genre de répa-
ration : le premier but de l’exposition était de remettre Charlet en
honneur : ce but est atteint, Charlet vient d’avoir une « Presse »
magnifique. Le second but est de lui élever un monument, — son buste,
gardé par un grenadier de la garde, —dans un quartier militaire, en
face de la porte de quelque caserne. Ainsi le « maître aux grognards »
pourra avoir une vie posthume au milieu des soldats. C’est bien cela
qu’il lui faut. Du haut du ciel il doit être content.

HENRI BERALDI.
 
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