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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
publié par Didron en prescrit la composition dans ces termes :«Maison.
Au milieu, la sainte Vierge morte, couchée sur un lit, les mains
croisées sur la poitrine. De chaque côté, auprès du lit, de grands
flambeaux et des cierges allumés... Aux pieds de la sainte Vierge,
saint Pierre l’encensant avec un encensoir: à sa tête, saint Paul et
saint Jean le Théologos, qui l’embrassent. Tout autour, les autres
apôtres et les saints évêques Denj^s l’Aréopagdte, Jérothée et Timo-
thée tenant les Evangiles. Des femmes en pleurs. Au dessus, leChrist,
tenant dans ses bras l’âme de la sainte Vierge vêtue de blanc : elle
est environnée d’une grande clarté et d’une foule d’anges...1 » — Duccio
a négligé les scènes suivantes, qui renferment pourtant de très déli-
cats motifs : l’âme de Marie, entourée des roses et des lis des vallées,
c’est-à-dire des chœurs des martyrs et des vierges, monte au ciel,
vers le trône de gloire où elle doit siéger à la droite du Christ;
cependant, trois vierges lavent son corps sacré, qui resplendit d’une
telle clarté que l’œil n’en peut soutenir la vue2; elles le recouvrent
de ses vêtements, et les apôtres le déposent respectueusement au
cercueil. — La légende, jusqu’ici très simple et très harmonieuse, se
complique d'histoires mesquines. Les apôtres emportent sur leurs
épaules le corps de la Vierge; ils sortent de la ville en chantant des
cantiques, et Jean les précède, tenant en main la palme du paradis.
Voici que le peuple, entendant les voix mêlées des apôtres et des
anges, court aux armes et se précipite vers le cercueil. « Livrons aux
flammes, disent-ils, le corps que ces imposteurs emportent. » Et le
prince des prêtres jette les mains sur le cercueil pour le saisir et le
renverser. Mais ses deux mains restent attachées au cercueil et
brûlent d’un feu invisible : il hurle de douleur. Et le peuple qui le
suivait est frappé d’aveuglement. Je n’insiste pas sur les discours que
tiennent saint Pierre et le prince des prêtres, ni sur la guérison des
mains desséchées et des yeux aveuglés; le récit en serait fastidieux.
Duccio nous montre, au sortir des portes de la ville (dont les maisons
et le temple dominent la muraille crénelée), les apôtres portant en
procession le corps de leur souveraine. Quelques Juifs s’élancent
derrière eux, et le grand-prêtre s’efforce d’arracher ses mains du cer-
cueil.— Enfin voici, dans le dernier panneau, une vallée rocheuse où
1. Manuel d’iconographie chrétienne grecque et latine, avec une introduction et
des notes par M. Didron. Paris, Imprimerie royale, MDCCCXLV, p. 281.
2. Cette scène est représentée au couvent de Sainte-Laure, au mont Athos.
(Didron, ouvr. cité, p. 288, note.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
publié par Didron en prescrit la composition dans ces termes :«Maison.
Au milieu, la sainte Vierge morte, couchée sur un lit, les mains
croisées sur la poitrine. De chaque côté, auprès du lit, de grands
flambeaux et des cierges allumés... Aux pieds de la sainte Vierge,
saint Pierre l’encensant avec un encensoir: à sa tête, saint Paul et
saint Jean le Théologos, qui l’embrassent. Tout autour, les autres
apôtres et les saints évêques Denj^s l’Aréopagdte, Jérothée et Timo-
thée tenant les Evangiles. Des femmes en pleurs. Au dessus, leChrist,
tenant dans ses bras l’âme de la sainte Vierge vêtue de blanc : elle
est environnée d’une grande clarté et d’une foule d’anges...1 » — Duccio
a négligé les scènes suivantes, qui renferment pourtant de très déli-
cats motifs : l’âme de Marie, entourée des roses et des lis des vallées,
c’est-à-dire des chœurs des martyrs et des vierges, monte au ciel,
vers le trône de gloire où elle doit siéger à la droite du Christ;
cependant, trois vierges lavent son corps sacré, qui resplendit d’une
telle clarté que l’œil n’en peut soutenir la vue2; elles le recouvrent
de ses vêtements, et les apôtres le déposent respectueusement au
cercueil. — La légende, jusqu’ici très simple et très harmonieuse, se
complique d'histoires mesquines. Les apôtres emportent sur leurs
épaules le corps de la Vierge; ils sortent de la ville en chantant des
cantiques, et Jean les précède, tenant en main la palme du paradis.
Voici que le peuple, entendant les voix mêlées des apôtres et des
anges, court aux armes et se précipite vers le cercueil. « Livrons aux
flammes, disent-ils, le corps que ces imposteurs emportent. » Et le
prince des prêtres jette les mains sur le cercueil pour le saisir et le
renverser. Mais ses deux mains restent attachées au cercueil et
brûlent d’un feu invisible : il hurle de douleur. Et le peuple qui le
suivait est frappé d’aveuglement. Je n’insiste pas sur les discours que
tiennent saint Pierre et le prince des prêtres, ni sur la guérison des
mains desséchées et des yeux aveuglés; le récit en serait fastidieux.
Duccio nous montre, au sortir des portes de la ville (dont les maisons
et le temple dominent la muraille crénelée), les apôtres portant en
procession le corps de leur souveraine. Quelques Juifs s’élancent
derrière eux, et le grand-prêtre s’efforce d’arracher ses mains du cer-
cueil.— Enfin voici, dans le dernier panneau, une vallée rocheuse où
1. Manuel d’iconographie chrétienne grecque et latine, avec une introduction et
des notes par M. Didron. Paris, Imprimerie royale, MDCCCXLV, p. 281.
2. Cette scène est représentée au couvent de Sainte-Laure, au mont Athos.
(Didron, ouvr. cité, p. 288, note.)