214
GAZETTE DES BEAIJX-ARTS
position des écrivains du siècle dans cinquante ans d’ici, plus de
cent numéros rentreraient dans l’ombre et n’intéresseraient plus per-
sonne, parce qu’ils ne seraient plus là pour soigner leur gloire.
Je m’aperçois qu’on a oublié Eugène Sue. Diable ! Et Gérard de
Nerval! Si l’on a Sénancour, le nihiliste, c’est dans la suite de David
d’Angers; d’ailleurs, s’il eût été vivant, il 11e se fût point montré; sa
maxime était que l’obscurité convient au sage. Hippolyte Carnot et
Pierre Leroux, dans leur Revue encyclopédique, s’amusent à fouailler
les petits écrivains menant grand bruit autour de leur personne :
« Nous nous sommes plaints, disent-ils, de leur art sans but et de
l’absurdité de cette idolâtrie exclusive de la forme. » Voilà qui se
pourrait appliquer très bien aux mystiques de la dernière observance.
Nous les vojmns fort nombreux à la Galerie Petit, offrant à nos admi-
rations leur esthétique tapageuse; quelques-uns sont ravis qu’Eugène
Sue ne soit point là. Viennent les retours, Eugène Sue y sera et eux
11’y seront plus...
Il y a une fable d’Hoffmann :
Au bourg où règne la folie,
Un jour la nouveauté parut.
Aussitôt chacun accourut...
Et de dire : Qu’elle est jolie!
Ah! madame la Nouveauté,
Demeurez en notre patrie,
Plus que l’esprit et la beauté,
Vous y fûtes toujours chérie.
Alors, la déesse à ces fous,
Répondit: Monsieur, j’y demeure !
Elle leur donna rendez-vous
Le jour suivant à la bonne heure.
Le lendemain elle parut
Aussi brillante que la veille,
Le premier qui la reconnut,
S’écria : Bon Dieu qu’elle est vieille !
L’entrée plus franche des journalistes dans la littérature remonte
à l’Empire ; dès ce temps ils se confondent; auparavant ils ajoutent
ordinairement à leur titre de gazetiers la qualité supérieure de fai-
GAZETTE DES BEAIJX-ARTS
position des écrivains du siècle dans cinquante ans d’ici, plus de
cent numéros rentreraient dans l’ombre et n’intéresseraient plus per-
sonne, parce qu’ils ne seraient plus là pour soigner leur gloire.
Je m’aperçois qu’on a oublié Eugène Sue. Diable ! Et Gérard de
Nerval! Si l’on a Sénancour, le nihiliste, c’est dans la suite de David
d’Angers; d’ailleurs, s’il eût été vivant, il 11e se fût point montré; sa
maxime était que l’obscurité convient au sage. Hippolyte Carnot et
Pierre Leroux, dans leur Revue encyclopédique, s’amusent à fouailler
les petits écrivains menant grand bruit autour de leur personne :
« Nous nous sommes plaints, disent-ils, de leur art sans but et de
l’absurdité de cette idolâtrie exclusive de la forme. » Voilà qui se
pourrait appliquer très bien aux mystiques de la dernière observance.
Nous les vojmns fort nombreux à la Galerie Petit, offrant à nos admi-
rations leur esthétique tapageuse; quelques-uns sont ravis qu’Eugène
Sue ne soit point là. Viennent les retours, Eugène Sue y sera et eux
11’y seront plus...
Il y a une fable d’Hoffmann :
Au bourg où règne la folie,
Un jour la nouveauté parut.
Aussitôt chacun accourut...
Et de dire : Qu’elle est jolie!
Ah! madame la Nouveauté,
Demeurez en notre patrie,
Plus que l’esprit et la beauté,
Vous y fûtes toujours chérie.
Alors, la déesse à ces fous,
Répondit: Monsieur, j’y demeure !
Elle leur donna rendez-vous
Le jour suivant à la bonne heure.
Le lendemain elle parut
Aussi brillante que la veille,
Le premier qui la reconnut,
S’écria : Bon Dieu qu’elle est vieille !
L’entrée plus franche des journalistes dans la littérature remonte
à l’Empire ; dès ce temps ils se confondent; auparavant ils ajoutent
ordinairement à leur titre de gazetiers la qualité supérieure de fai-