LE PORTRAIT-MINIATURE EN FRANGE.
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plus vrai ni plus sévère. Mais que voilà bien un hasard! « 11 m’a
fait comme un sot dit un bon mot », insinuera ailleurs l’impitoyable
critique, corrigeant par une phrase à la Rochefort ce qu’il craint
d’avoir lâché de trop gracieux à l’adresse d’un peintre. Sincèrement,
la malice dépassait un peu la mesure. Garand, aujourd’hui aussi
inconnu que Dibutade, à peine sauvé de l’oubli par cette cruauté et
quelques médiocres effigies gravées d’après lui, ne méritait point ce
sarcasme. Son jeu était d’un siècle en retard, il peignait froid, mais
il avait quelque dessin, une bonne volonté parfaite, beaucoup de res-
pect pour son art secondaire. Un jour qu’il fit Mme Favart dans un
costume de ville, il eut mieux que de la sincérité, il eut de l'esprit,
car ce n’était point chose fort aisée que de fournir une ressemblance
parfaite sans produire un laideron. Or, Garand y sut mettre beau-
coup de galanterie, comme avec Diderot, même comme avec
Mme Arnould en Psyché, ou avec M"1C de Graffignyj devant sa table de
travail. Mmc de Graffigny eût cependant bien mérité qu’il la torturât
en portraiture, elle, la sotte personne qui, ayant par fortune hérité
des planches de Callot, les fit convertir en batterie de cuisine!
Garand se réserve pour l’abbé de Lattaignant, pour Grécourt aussi,
dont il fabriqua pour bien peu d’horribles monstres.
En tout cela rien encore de l’art français du xviiP siècle;
Watt eau ni Boucher n’ont su entraîner à leur suite les praticiens
de la miniature. Ce qu’on voit d’essais s’égrène dans les livres à
images, dans l’estampe, dans les peintures de genre, quand les por-
traitistes sur vélin ou sur ivoire osent à peine quitter leur ornière.
Longtemps encore les écrivains du métier, comme Mayol1, s’ingé-
nieront à reprendre les théories ci-devant dénoncées et à en faire le vade-
mecum du parfait exécutant.Lui, Mayol, étudie les goûts et les classe.
11 découvre le goût naturel, le goût artificiel, le goût cle nation; à ses
yeux, même dans le portrait, la composition bien ordonnée d’une
œuvre est tout; elle se doit balancer, c’est, dire que chaque partie doit
renfermer à doses équivalentes ce que contient la partie voisine. Rden
donc ne laisse prévoir une renaissance de la miniature dans le sens
de l’esthétique libre et de la jolie impertinence du xvme siècle.
La lumière vint du Nord en la personne du Suédois Hall, un tout
jeune homme, tombé à Paris sans idées préconçues, sans attaches
L Introduction à la mignalure ou préceptes particuliers et détaillés pour se
perfectionner en cet, art, par le sieur Mayol. Dédié à MUe d’Azy. Amsterdam, À la
Compagnie, 1771, in-8°.
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plus vrai ni plus sévère. Mais que voilà bien un hasard! « 11 m’a
fait comme un sot dit un bon mot », insinuera ailleurs l’impitoyable
critique, corrigeant par une phrase à la Rochefort ce qu’il craint
d’avoir lâché de trop gracieux à l’adresse d’un peintre. Sincèrement,
la malice dépassait un peu la mesure. Garand, aujourd’hui aussi
inconnu que Dibutade, à peine sauvé de l’oubli par cette cruauté et
quelques médiocres effigies gravées d’après lui, ne méritait point ce
sarcasme. Son jeu était d’un siècle en retard, il peignait froid, mais
il avait quelque dessin, une bonne volonté parfaite, beaucoup de res-
pect pour son art secondaire. Un jour qu’il fit Mme Favart dans un
costume de ville, il eut mieux que de la sincérité, il eut de l'esprit,
car ce n’était point chose fort aisée que de fournir une ressemblance
parfaite sans produire un laideron. Or, Garand y sut mettre beau-
coup de galanterie, comme avec Diderot, même comme avec
Mme Arnould en Psyché, ou avec M"1C de Graffignyj devant sa table de
travail. Mmc de Graffigny eût cependant bien mérité qu’il la torturât
en portraiture, elle, la sotte personne qui, ayant par fortune hérité
des planches de Callot, les fit convertir en batterie de cuisine!
Garand se réserve pour l’abbé de Lattaignant, pour Grécourt aussi,
dont il fabriqua pour bien peu d’horribles monstres.
En tout cela rien encore de l’art français du xviiP siècle;
Watt eau ni Boucher n’ont su entraîner à leur suite les praticiens
de la miniature. Ce qu’on voit d’essais s’égrène dans les livres à
images, dans l’estampe, dans les peintures de genre, quand les por-
traitistes sur vélin ou sur ivoire osent à peine quitter leur ornière.
Longtemps encore les écrivains du métier, comme Mayol1, s’ingé-
nieront à reprendre les théories ci-devant dénoncées et à en faire le vade-
mecum du parfait exécutant.Lui, Mayol, étudie les goûts et les classe.
11 découvre le goût naturel, le goût artificiel, le goût cle nation; à ses
yeux, même dans le portrait, la composition bien ordonnée d’une
œuvre est tout; elle se doit balancer, c’est, dire que chaque partie doit
renfermer à doses équivalentes ce que contient la partie voisine. Rden
donc ne laisse prévoir une renaissance de la miniature dans le sens
de l’esthétique libre et de la jolie impertinence du xvme siècle.
La lumière vint du Nord en la personne du Suédois Hall, un tout
jeune homme, tombé à Paris sans idées préconçues, sans attaches
L Introduction à la mignalure ou préceptes particuliers et détaillés pour se
perfectionner en cet, art, par le sieur Mayol. Dédié à MUe d’Azy. Amsterdam, À la
Compagnie, 1771, in-8°.