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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’école, et qui usa en toute naïveté de sa bride sur le cou. Ce qu’il
imagina? Oh! la plus simple chose du monde. Au lieu de pointiller
son ivoire ou son vélin, de peiner pour arriver à des trompe-l'œil
saugrenus et médiocres, Hall transporta dans la miniature le
moyen très sejmnt de Baudouin, la gouache touchée à larges coups,
brossée en nuages nacrés et diaphanes; en un mot, débarrassant
son pinceau de toute contrainte, il se mit à traiter le portrait
mignard à la mode des aquarelles, audacieusement, à la diable un
peu, mais de la sorte la plus parlante. Si bien que de ces besognes
oiseuses, tristes, toutes contrites d’avant, il tira la vie moderne, la
spéciale tournure des vignettistes d’alors, empruntant à la fois de
Cochin, de Saint-Aubin, de Baudouin, d’Eisen, la malicieuse et divine
allure, ce je ne sais quoi de futé et de joliment musqué et pimpant
qui est tout le xvin® siècle. Dès 1767, il a la clientèle princière, il
s’attaque aux ministres, et Auguste de Saint-Aubin ne dédaigne pas
de graver sur ses modèles. Ici une histoire; Hall a peint une miniature
fort agréable de Phelypeaux de Saint-Florentin. L’abbé de Langeac
en commande une planche à Saint-Aubin, qui la grave en vingt-quatre
heures, sur des ordres formels. Que se passa-t-il? L’abbé de Langeac,
qui était du dernier bien avec le ministre, eut-il une brouille? Le fait
est qu’il oublia le portrait, l’artiste et la note à payer. Saint-Aubin,
malin comme un singe, ne voulut être dupe qu’à demi ; il tira plusieurs
épreuves de son ébauche et sur chacune, de sa main, il écrivit au
crayon des remarques insolentes : « J’ai fait cette planche en vingt-
quatre heures pour obliger l’abbé de Langeac qui voulait faire une sur-
prise à son..., son bienfaiteur. Il ne m’a jamais payé... »
Mais Hall ne s’attardait point à ces querelles, il avait mieux à
penser. En 1769, il expose à l’Académie, dont il fait partie depuis peu,
le Saint-Florentin en question en la compagnie du Roi et de plusieurs
personnes de condition. Puis Moreau grave une autre petite portrai-
ture charmante d’après lui, celle de Phelypeaux de La Yrillière. II
esten possession du public, on s’émerveille de ces travaux petits, très
spirituels, où les femmes de la société prennent une grâce de plus et
tant de finesse malicieuse. Le Mercure est dithyrambique : « Tous ces
portraits du nouvel agréé (1769) sont de la plus grande beauté; ils
sont traités d’une toute autre manière que celle que les peintres en
miniature ont coutume d’employer. On n’y voit point la fatigue du
pointillé, rien de gêné ni de laborieux; la touche est libre et la
manière large comme celle d’un peintre d’histoire ; ses têtes sont
aussi correctement dessinées et ses étoffes rendues avec autant de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’école, et qui usa en toute naïveté de sa bride sur le cou. Ce qu’il
imagina? Oh! la plus simple chose du monde. Au lieu de pointiller
son ivoire ou son vélin, de peiner pour arriver à des trompe-l'œil
saugrenus et médiocres, Hall transporta dans la miniature le
moyen très sejmnt de Baudouin, la gouache touchée à larges coups,
brossée en nuages nacrés et diaphanes; en un mot, débarrassant
son pinceau de toute contrainte, il se mit à traiter le portrait
mignard à la mode des aquarelles, audacieusement, à la diable un
peu, mais de la sorte la plus parlante. Si bien que de ces besognes
oiseuses, tristes, toutes contrites d’avant, il tira la vie moderne, la
spéciale tournure des vignettistes d’alors, empruntant à la fois de
Cochin, de Saint-Aubin, de Baudouin, d’Eisen, la malicieuse et divine
allure, ce je ne sais quoi de futé et de joliment musqué et pimpant
qui est tout le xvin® siècle. Dès 1767, il a la clientèle princière, il
s’attaque aux ministres, et Auguste de Saint-Aubin ne dédaigne pas
de graver sur ses modèles. Ici une histoire; Hall a peint une miniature
fort agréable de Phelypeaux de Saint-Florentin. L’abbé de Langeac
en commande une planche à Saint-Aubin, qui la grave en vingt-quatre
heures, sur des ordres formels. Que se passa-t-il? L’abbé de Langeac,
qui était du dernier bien avec le ministre, eut-il une brouille? Le fait
est qu’il oublia le portrait, l’artiste et la note à payer. Saint-Aubin,
malin comme un singe, ne voulut être dupe qu’à demi ; il tira plusieurs
épreuves de son ébauche et sur chacune, de sa main, il écrivit au
crayon des remarques insolentes : « J’ai fait cette planche en vingt-
quatre heures pour obliger l’abbé de Langeac qui voulait faire une sur-
prise à son..., son bienfaiteur. Il ne m’a jamais payé... »
Mais Hall ne s’attardait point à ces querelles, il avait mieux à
penser. En 1769, il expose à l’Académie, dont il fait partie depuis peu,
le Saint-Florentin en question en la compagnie du Roi et de plusieurs
personnes de condition. Puis Moreau grave une autre petite portrai-
ture charmante d’après lui, celle de Phelypeaux de La Yrillière. II
esten possession du public, on s’émerveille de ces travaux petits, très
spirituels, où les femmes de la société prennent une grâce de plus et
tant de finesse malicieuse. Le Mercure est dithyrambique : « Tous ces
portraits du nouvel agréé (1769) sont de la plus grande beauté; ils
sont traités d’une toute autre manière que celle que les peintres en
miniature ont coutume d’employer. On n’y voit point la fatigue du
pointillé, rien de gêné ni de laborieux; la touche est libre et la
manière large comme celle d’un peintre d’histoire ; ses têtes sont
aussi correctement dessinées et ses étoffes rendues avec autant de