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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr. 6
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Leprieur, Paul: La légende de Persée par M. Burne-Jones
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0494

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

47ô

imprévu : Andromède et-Pensée contemplant dans l’eau la tète
reflétée de! Méduse. Mais ce 'qui, dans l’antiquité, n’est qu’un
thème un peu rudimentaire, a prêté pour lui aux fantaisies les plus
délicates et les plus subtiles, aux plus exquises variations. Les deux
amants, les deux futurs époux, désormais voués l’un à l’autre, s’en
sont allés, au fond du jardin fleuri, rêver côte à côte en un coin
solitaire, où, sous les buissons d’églantine et les pommiers chargés
de fruits, un banc de marbre encadre la haute vasque d’une fontaine
qui se dresse au milieu du gazon. Là, curieuse comme toutes les
femmes, Andromède a voulu voir la mystérieuse tète que le jeune
héros cache si soigneusement dans la xifk<u<;, et, ne pouvant rien
refuser à ses désirs, mais soucieux d'éviter tout danger, une main
dans sa main, comme pour la soutenir et la fortifier devant la
terrible révélation, il soulève de l’autre au-dessus de l’eau le masque
tragique de Méduse, dont elle fixe l’image en ce miroir limpide et sûr,
d’un regard ardent mêlé d’effroi. Tous deux sont debout et penchés
derrière la fontaine, où leurs visages se confondent et s’unissent près
de celui de la Gorgone aux yeux fermés, aux traits morts, à l’impas-
sibilité calme et grave. C’est comme un reste de terreur planant
encore sur la joie de leurs fiançailles, et, dans la paisible félicité de
l’heure présente, le souvenir doublement cher des fatigues et des
périls subis.

Ainsi se déroule, fantastique, émouvante, solennelle ou gracieuse
tour à tour, la poétique légende qui a pris sous la main deM. Burne-
Jones un si merveilleux développement. C’est une étrange antiquité
que la sienne, entrevue en quelque sorte par l’imagination d’un
quattrocentiste, d’un Botticelli ou d’un Benozzo, pleine d’éléments
empruntés au moyen âge ou à la Renaissance et faisant intimement
corps avec le fond de l’histoire même, avec l’inspiration qui d’un
bout à l’autre la dirige et la conduit. Comme son ami William
Morris, dont il partage si complètement les tendances et les goûts, à
l’exemple de leur maître commun, Chaucer, M. Burne-Jones chris-
tianise volontiers les divinités païennes, et fait des héros d’au-
trefois, des demi-dieux consacrés par l’admiration des âges, de
preux et vaillants chevaliers. Son Persée a l’air d’une figure de
la Table-Ronde, d’un compagnon retrouvé du roi Artus. Par une
sorte d’involontaire transposition, tout prend, dans l'esprit de ce
délicat idéaliste, forme et couleur des époques qui lui sont chères, et
où l’on croyait encore aux fées. Si la fable est ainsi peut-être un peu
altérée dans son texte historique, en revanche, elle est plus vraie
 
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