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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0529

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BIBLIOGRAPHIE.

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religieuse; un vague philosophismc habile seul ces nimbes où se promènent des
apparences d'idées. »

Est-il vrai que l'Espagne et l'Italie seules aient pu traduire par le pinceau la
vérité du sentiment religieux? Elles Flamands avec Van Eyck, Memling et toute
l'école de Bruges? Et les Allemands avec Stephan Eochncr, Maître Wilbem et
toute l'École de Cologne; et Durer. Holbein et Lucas Cranach? Et la Sainte
Famille du Poussin? Peut-être ici la magie de style charme-t-elle plutôt l'imagi-
nation du lecteur qu’elle ne subjugue sa raison.

Mais on est pleinement d'accord avec les hardis auteurs, lorsque, pressentant
l'opinion du public de l’avenir, ils affirment hautement que le paysage « est la
victoire de Part moderne », qu’il est « l’honneur de la peinture du xixe siècle »,
non le paysage trop conventionnel, embelli et ennobli, des anciennes écoles, mais
le paysage qui s’inspire directement de la nature, qui ne consulte qu’elle et la
traduit avec une entière sincérité. « Seule l’école moderne a ouvert bravement les
yeux, sans parti pris, résolue à ne se scandaliser de rien, à choisir, mais à ne pas
corriger; elle s’est agenouillée dans l'herbe, elle s’est mouillée, déchirée et crottée.
Elle a vérifié l'ombre, la lumière, le soleil et les branches. Son génie, elle se l'est
fait à la façon de saint Thomas : elle a regardé et elle a vu. Et à cet art qui lui
demandait tout, la nature qui s’était défendue et comme gardée de tant d’autres
moins naïfs, la nature s’est toute donnée, et de celle communion sincère sont
sortis nos chefs-d’œuvre, les toiles de Troyon, et de Dupré, et de Rousseau, et de
Français, et de Diaz, el de tous ceux que nous oublions. »

Ne convient-il pas de louer sans réserve ce sentiment juste et exact de la vraie
gloire de l’art français au milieu du xixe siècle, cette divination en quelque sorte
de l'arrêt motivé que devaient porter les générations futures ? Sans doute après qua-
rante ans écoulés, après tant d’expositions successives, surtout après cette revue
triomphale qui a été faite du paysage contemporain au Champ-de-Mars en 1889,
c’est un lieu commun que la glorification de nos grands interprètes de la
nature. Mais dire cela en 1855, alors que les maîtres étaient encore contestés, que
le goût public semblait tourné vers d’autres préférences, que les plus illustres salon-
niers hésitaient encore, indécis et flottants, quelques-uns hostiles; affirmer avec tout
le prestige d’une langue enthousiaste et convaincue1 la royauté encore mal affermie
du paysage moderne, c’est là un rare exemple de clairvoyance et de justice.

A côté de ces réflexions générales se placent les appréciations individuelles qui
révèlent une étude intime de chacun des maîtres, une puissance d’observation et
d’analyse, un don inné de description détaillée et large à la fois, qu’aucun autre
critique n'a possédé à un si haut degré. C’est surtout quand il s'agit d’un de leurs
préférés que les Concourt mettent en jeu toutes les qualités picturales de leur style,
donnant, plus que la plume ne semblait le permettre, l’impression vivante de l’œuvre
décrite. Le premier de ces préférés, que la mode capricieuse de nos jours semble
délaisser injustement, mais qui reprendra sa place légitime sur les hauts sommets,
celui que nos auteurs aiment de leur plus tendre amour, qu’ils admirent entre tous,
c’est Dccamps. Aussi comme ils ont peint ce peintre, comme ils l’étudient, le scrutent
et le fouillent dans ses plus secrètes profondeurs; avec quel enthousiasme débordant
de lyrisme ils chantent l'hosanna de sa gloire! Ils lui donnent libéralement tout

1. Eludes d’art, pages 177 à 180.
 
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