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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0531

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BIBLIOGRAPHIE.

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qu’un pointillé de rouge, de jaune, de blanc et de bleu ». Et que d'autres ils sacri-
fient avec une franchise courageuse, à leurs convictions inflexibles!

Quant à Ingres, s’ils rendent pleine justice à son Saint Symphorien, « cette jeune
et belle statue de la Résignation, calme dans la furie ambiante », s’ils lui reconnais-
sent les grandesqualités du dessinateur, ils jugent avec sévérité « sa peinture porce-
lainée..., la froideur des images muettes, des physionomies silencieuses..., la
peine du travail, l’enluminure par teintes plates ». Delacroix même, avec lequel
ils ont plus d’affinités naturelles, ne les conquiert pas entièrement: quoiqu'ils
reconnaissent en lui « l’imagination de la peinture du xixe siècle » et dans son Dante
et Virgile « une des plus hautes compositions de notre époque », ils lui reprochent,
outre une gesticulation incessante, « des couleurs crues trop entières et non rom-
pues, des fonds chargés et durs, une gamme sourde, un papillotage brutal qui ne
sont d'un grand et d’un heureux effet que dans les scènes de nuit, dans les tra-
gédies aux flambeaux ».

Ces études, qui datent déjà de quarante ans, sont présentées aux lecteurs
d’aujourd’hui par M. Roger Marx dans une préface où il explique, avec un rare
bonheur d’expressions, comment les deux frères ont compris et goûté l'art du
xixe siècle. Laissant de côté leurs autres titres de gloire, il ne s’attache à
extraire de leur œuvre entier que ce qui a trait à l'art contemporain. En un style qui
semble s’inspirer de celui des deux frères, il caractérise, avec justesse et précision,
cette « critique heureuse, prompte à l’enthousiasme, facile à la louange..., critique
peu ménagère de son interet et de sa peine, inaccessible aux paresses, aux
dédains des salonniers attitrés, jalouse de tout commenter par le détail, le bon et
le passable, le tableau et la statue, le dessin et l’estampe, le pastel et jusqu’aux
lavis des architectes! Critique généreuse qui ne se défendra pas d'embellir la
peinture aimée, de lui prêter le prestige, l'illusion du beau langage, et qui versera
les pierreries rutilantes d’une prose à la Gautier dans la description du Coucher de
soleil sur l'Amstel, de Ziem! » M. Roger Marx insiste avec raison sur un des
caractères les plus saillants de cette esthétique qui a horreur des sentiers battus:
« Des révoltes, des audaces, des luttes contre les poncifs, il s’en rencontre à toute
page! L'inaccessibilité du beau constitue la charte fondamentale. A la peinture,
vivification de la forme par la couleur, la fonction spiritualiste est déniée, inter-
dite. On montre l'inspiration religieuse épuisée, tarie; on sape les arbres à tour-
nure de confident; on appelle à la découverte de la Seine, de la Marne et du
Morin; on salue l’avènement du paysage; on célèbre ses poètes, Jules Dupré,
Théodore Rousseau, Charles Daubigny. »

De même, il montre dans les deux frères ce don de prescience, de prophétie
presque, avec lequel ils annoncent les gloires futures qui étaient à peine alors des
réputations naissantes : « A propos du Jaguar dévorant un lièvre, h propos de ce
bronze, mis sans timidité en balance avec les chefs-d’œuvre de l'antiquité classique,
Barye reçoit en 1852 l'octroi du rang suprême que lui assignera la postérité. »

Et que d’autres dont ils consacrent ou présagent la juste renommée, soit qu’ils
vantent l'allure toute prudhonienne d'un portrait de Ricard, le début plein de pro-
messes, tenues depuis lors, de 1 ’orfèvre-poète Gustave Moreau, la Batteuse de beurre
de Millet, du réalisme qui fait rêver; soit qu'ils notent, les premiers, l'influence
de Jongkindsur le paysage ou qu'ils assignent à Carpeaux le plus haut rang parmi
nos statuaires modernes, soit encore que le survivant des deux frères mette à leur
 
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