30S
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
tailloirs des chapiteaux des neufs piliers sont octogonaux. Leurs
bases sont à gorges, avec tores et pattes. Les petits socles de chaque
pilier et de ses colonnettes reposent sur un large socle octogonal,
rappelant par sa forme celle du tailloir. Sur les chapiteaux portent
trois colonnettes qui, s’élançant jusqu’à la voûte, reçoivent sur leurs
petits chapiteaux les retombées des arcs ogives. Le pilier cantonné
en croix est le plus beau qu’aient trouvé les gothiques. C’est lui qui
règne en maître dans la cathédrale d’Amiens, le grand chef-d’œuvre
de l’art monumental du moyen-âge. A ces dix piliers il convient
d’ajouter les deux piliers engagés dans le mur du porche, et qu'il ne
faut pas confondre avec ceux de la construction primitive, dont nous
venons de parler.
Les grands arcs qui surmontent les piliers sont des arcs brisés
équilatéraux, n’ayant pour tout ornement qu’une moulure torique,
ce qui donne à la nef un aspect très simple, car, ne l’oublions pas,
malgré la théorie qui a cours aujourd’hui, c’est l’arc brisé qui est et
restera le caractère essentiel, distinctif, du gothique, et, par suite, sa
forme est pour beaucoup dans l’impression que produit un édifice.
L’arc équilatéral que nous voyons à Paris, à Chartres, à Amiens,
est supérieur en majesté à l’arc aigu qui se voit à Reims et à Rouen.
On devine l’effort dans l’arc aigu, tandis que dans l’arc équilatéral
on sent la force calme et ayant conscience d’elle-mêmc.
Au-dessus des grandes arcades court le triforium. 11 est formé,
dans chaque travée, de trois petites arcades encadrées par un grand
arc. Les colonnettes de ces arcades ont des chapiteaux carrés et leurs
arcs n’ayant qu’une moulure torique s’harmonisent parfaitement
avec les grands arcs des piliers.
Les hautes fenêtres présentent chacune deux élégantes lancettes
surmontées d’une jolie rose.
Puis vient la voûte, qui rachète par son ampleur — on pourrait
dire par sa solennité — ce qui, selon nous, lui manque un peu
comme élancement. Ses nervures sont d’une remarquable légèreté.
Cette nef est largement éclairée, non seulement par ses fenêtres
à doubles lancettes, mais encore par la grande rose percée dans son
pignon, qui dépasse de toute sa hauteur la partie supérieure du
porche. Primitivement, le tiiforium recevait du jour à droite et à
gauche et, dans chaque travée, par une petite rose placée entre
deux petites fenêtres. Plus tard, roses et fenêtres furent bouchées.
On a rouvert récemment celles du triforium nord, et il faut espérer
que bientôt on rouvrira celles du triforium sud; de cette façon
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tailloirs des chapiteaux des neufs piliers sont octogonaux. Leurs
bases sont à gorges, avec tores et pattes. Les petits socles de chaque
pilier et de ses colonnettes reposent sur un large socle octogonal,
rappelant par sa forme celle du tailloir. Sur les chapiteaux portent
trois colonnettes qui, s’élançant jusqu’à la voûte, reçoivent sur leurs
petits chapiteaux les retombées des arcs ogives. Le pilier cantonné
en croix est le plus beau qu’aient trouvé les gothiques. C’est lui qui
règne en maître dans la cathédrale d’Amiens, le grand chef-d’œuvre
de l’art monumental du moyen-âge. A ces dix piliers il convient
d’ajouter les deux piliers engagés dans le mur du porche, et qu'il ne
faut pas confondre avec ceux de la construction primitive, dont nous
venons de parler.
Les grands arcs qui surmontent les piliers sont des arcs brisés
équilatéraux, n’ayant pour tout ornement qu’une moulure torique,
ce qui donne à la nef un aspect très simple, car, ne l’oublions pas,
malgré la théorie qui a cours aujourd’hui, c’est l’arc brisé qui est et
restera le caractère essentiel, distinctif, du gothique, et, par suite, sa
forme est pour beaucoup dans l’impression que produit un édifice.
L’arc équilatéral que nous voyons à Paris, à Chartres, à Amiens,
est supérieur en majesté à l’arc aigu qui se voit à Reims et à Rouen.
On devine l’effort dans l’arc aigu, tandis que dans l’arc équilatéral
on sent la force calme et ayant conscience d’elle-mêmc.
Au-dessus des grandes arcades court le triforium. 11 est formé,
dans chaque travée, de trois petites arcades encadrées par un grand
arc. Les colonnettes de ces arcades ont des chapiteaux carrés et leurs
arcs n’ayant qu’une moulure torique s’harmonisent parfaitement
avec les grands arcs des piliers.
Les hautes fenêtres présentent chacune deux élégantes lancettes
surmontées d’une jolie rose.
Puis vient la voûte, qui rachète par son ampleur — on pourrait
dire par sa solennité — ce qui, selon nous, lui manque un peu
comme élancement. Ses nervures sont d’une remarquable légèreté.
Cette nef est largement éclairée, non seulement par ses fenêtres
à doubles lancettes, mais encore par la grande rose percée dans son
pignon, qui dépasse de toute sa hauteur la partie supérieure du
porche. Primitivement, le tiiforium recevait du jour à droite et à
gauche et, dans chaque travée, par une petite rose placée entre
deux petites fenêtres. Plus tard, roses et fenêtres furent bouchées.
On a rouvert récemment celles du triforium nord, et il faut espérer
que bientôt on rouvrira celles du triforium sud; de cette façon