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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 4
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Michel, Émile: En Provence, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0353

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3:ìo

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

donna aussitôt l’explication : Meissonier et plusieurs autres avant
moi avaient tenté, sans plus de succès, la même aventure, et il
attendait, non sans quelque curiosité, le résultat de mes tentatives.

J’avais heureusement de quoi me dédommager de ces décep-
tions en cherchant sur le versant occidental de la presqu’île des
sujets d’étude. Do ce côté, assez proche de Juan-les-Pins, s’étendent,
en effet, des terrains vagues, qui offrent une succession de paysages
aussi variés que charmants. Le sol de ce plateau est cependant
pauvre, pierreux, couvert à peine d’un maigre gazon, que percent
de place en place quelques roches grises, plaquées de mousses d’un
jaune vif. Des lauriers et de jeunes oliviers, poussés au hasard,
s’espacent sur les pentes avec des buissons de cistes et de genêts,
encadrant la mer dont la grande ligne horne l’horizon; au-dessus,
le profil bas de Sainte-Marguerite, et, au loin, dans la brume, la
silhouette bleuâtre des montagnes de l’Eslerel, aux arêtes franche-
ment découpées. Ce lieu, très souvent désert, est délicieux, d’une
harmonie exquise dans les lignes aussi bien que dans les colora-
tions. Pas d’éclat, mais entre tous les éléments du paysage une
mesure et une subordination si parfaites qu’il semble que la nature
ait déjà fait elle-même, avec un goût intelligent, le travail de
l’artiste. Si, de hasard, la matinée est tiède et le soleil à demi voilé,
les formes se dessinent enveloppées, caressées par l’air, et les plans
nombreux s’accusent sans effort par d’imperceptibles dégradations.
Près de vous, dans la campagne embaumée, avec un bruit d’essaim,
les abeilles s’empressent, actives, autour des thyms, des lavandes et
des bruyères en fleurs ; des papillons se poursuivent en tournoyant
dans l’azur pâle, et sur la mer, plus pâle encore, des voiles blanches
glissent paresseuses. Des fauvettes jasent dans les buissons, et des
grands arbres du jardin Thuret, dont vous découvrez les cimes, la
voix d’un rossignol vous arrive affaiblie, mais vibrante encore. De
tous ces traits épars comme de ce magnifique ensemble, une impres-
sion de bienfaisante sérénité se dégage, vous pénètre peu à peu et
les heures s’écoulent bénies, pleines de pures jouissances. En avi-
vant incessamment votre admiration, le travail vous découvre à
chaque instant, avec des détails nouveaux, des beautés nouvelles.

En présence de cette douceur du ciel, de ces formes à la fois
si précises et si délicates dans leur netteté, et de ces nuances
mobiles, on songe involontairement que, dans les images qu’ils
nous ont montrées du Midi, les paysagistes, au lieu d’en reproduire
la merveilleuse diversité, se sont presque toujours arrêtés à un seul
 
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