336
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
reprise en 1870 par son auteur, étouffée par une commission qu'avait
nommée ad hoc M. Maurice Richard, elle n’aboutit qu’en 1880, après
mille tiraillements, avec la constitution de la Société des Artistes
français. M. de Chennevières vécut assez, il est vrai, pour voir
l’institution qu’il avait tant de fois préconisée se scinder, après
l’Exposition Universelle de 1889, apropos d’une question de récom-
penses, sous laquelle se dissimulaient assez mal d’ardentes rivalités
personnelles, et qui eut pour résultat la formation de la Société
Nationale et l’ouverture d’un second Salon. En dépit des rapproche-
ments maintes fois tentés par d’officieux intermédiaires, et jusqu’à
la table du Président de la République, le malentendu s’est prolongé
jusqu’à ce jour et ne semble pas près de s’apaiser.
L'ancienne Académie royale excipait de son titre et de ses
origines pour exposer dans les galeries du Louvre les œuvres de ses
membres, qui, presque tous, tenaient aussi delà munificence royale
un logement dans ces mômes galeries. La Révolution ne toucha ni à
l’un ni à l’autre de ces privilèges, et même après que Napoléon eut
brutalement expulsé, en 1806, les hôtes du Louvre, que la Commune
du 10 août avait épargnés, les Salons continuèrent à s’y tenir, comme
sous M. de Marigny ou M. d’Angiviller. L’emplacement seul changea
plusieurs fois ; mais le principe fut maintenu jusqu’en 1849, au
grand détriment des travailleurs et des étrangers qui, chaque année,
pendant cinq mois, se voyaient privés des chefs-d’œuvre du musée,
cachés sous des baraquements de planches et des échafaudages.
Cette solution bâtarde, et contre laquelle aucune protestation ne
prévalut, prit fin en J849, lorsqu’on voulut utiliser le palais des
Tuileries, inoccupé depuis le 24 février. Ce fut bien pis I Les salons
et les appartements de réception ne se prêtaient nullement à l’éclai-
rage et au recul nécessaires pour juger d’une œuvre d’art, et la
salle des Maréchaux elle-même, divisée en quatre compartiments,
joua fort mal son rôle de Salon d’honneur. Il fallut donc, l’année
suivante, se mettre en quête d’un nouveau local. L’administration
se prononça, cette fois, pour le Palais-Royal, aménagé en vue de cette
affectation inattendue par P.-J. Chabrol, et qui servit de nouveau
en 1852. L’Empire, proclamé à la date anniversaire du coup d’Etat,
avait fait du Palais-Royal l’un des apanages du prince Napoléon et
imposé aux artistes un nouvel exode. Ce fut encore Chabrol qui
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
reprise en 1870 par son auteur, étouffée par une commission qu'avait
nommée ad hoc M. Maurice Richard, elle n’aboutit qu’en 1880, après
mille tiraillements, avec la constitution de la Société des Artistes
français. M. de Chennevières vécut assez, il est vrai, pour voir
l’institution qu’il avait tant de fois préconisée se scinder, après
l’Exposition Universelle de 1889, apropos d’une question de récom-
penses, sous laquelle se dissimulaient assez mal d’ardentes rivalités
personnelles, et qui eut pour résultat la formation de la Société
Nationale et l’ouverture d’un second Salon. En dépit des rapproche-
ments maintes fois tentés par d’officieux intermédiaires, et jusqu’à
la table du Président de la République, le malentendu s’est prolongé
jusqu’à ce jour et ne semble pas près de s’apaiser.
L'ancienne Académie royale excipait de son titre et de ses
origines pour exposer dans les galeries du Louvre les œuvres de ses
membres, qui, presque tous, tenaient aussi delà munificence royale
un logement dans ces mômes galeries. La Révolution ne toucha ni à
l’un ni à l’autre de ces privilèges, et même après que Napoléon eut
brutalement expulsé, en 1806, les hôtes du Louvre, que la Commune
du 10 août avait épargnés, les Salons continuèrent à s’y tenir, comme
sous M. de Marigny ou M. d’Angiviller. L’emplacement seul changea
plusieurs fois ; mais le principe fut maintenu jusqu’en 1849, au
grand détriment des travailleurs et des étrangers qui, chaque année,
pendant cinq mois, se voyaient privés des chefs-d’œuvre du musée,
cachés sous des baraquements de planches et des échafaudages.
Cette solution bâtarde, et contre laquelle aucune protestation ne
prévalut, prit fin en J849, lorsqu’on voulut utiliser le palais des
Tuileries, inoccupé depuis le 24 février. Ce fut bien pis I Les salons
et les appartements de réception ne se prêtaient nullement à l’éclai-
rage et au recul nécessaires pour juger d’une œuvre d’art, et la
salle des Maréchaux elle-même, divisée en quatre compartiments,
joua fort mal son rôle de Salon d’honneur. Il fallut donc, l’année
suivante, se mettre en quête d’un nouveau local. L’administration
se prononça, cette fois, pour le Palais-Royal, aménagé en vue de cette
affectation inattendue par P.-J. Chabrol, et qui servit de nouveau
en 1852. L’Empire, proclamé à la date anniversaire du coup d’Etat,
avait fait du Palais-Royal l’un des apanages du prince Napoléon et
imposé aux artistes un nouvel exode. Ce fut encore Chabrol qui