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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 6
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Tourneux, Maurice: Le premier salon du XXe siècle, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0499

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470

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

vois guère que M. Checa, familier avec les jeux du cirque, qui ait
fait galoper Vinicius vers Rome en flammes. Son tableau est de
petites dimensions, tandis qu’il a fallu à M. Surand une toile
immense pour nous montrer Caligula réalisant de sérieuses éco-
nomies sur le budget de sa ménagerie en faisant dévorer par ses
lions et par ses tigres quelques-uns de ses esclaves et les détenus
des prisons de Rome, parce que,dit Suétone, la viande était trop chère.
Le sujet n’est assurément pas plaisant, et l’auteur s’est efforcé d’en tirer
tout le dramatique qu’il comporte. D’où vient cependant que cette
scène de carnage ne nous émeut pas ? C’est qu’elle a été composée
à l’aide de vieilles recettes académiques, dont nous ne sommes plus
les dupes. M. Surand a été mieux inspiré dans un petit tableau intitulé
Retour de la chasse au tigre en Cochinchine, où la dépouille du
formidable félin, lié par les pattes, se balance sur les épaules de
vigoureux coolies.

De toutes les figures de notre histoire, aucune, pas même celle
de Napoléon, n’a plus sollicité les peintres et les statuaires modernes
que celle de Jeanne d’Arc. Il n’est pas, depuis 1814, et peut-être
avant, un seul Salon qui n’ait comporté une demi-douzaine de repré-
sentations de l’héroïne en qui s’incarne pour nous l'idée de patrie
dans ce qu’elle a de plus touchant et de plus glorieux. Parmi les
envois de cette année, la palme appartient incontestablement à
M. Paul-IIippolyte Flandrin, auteur d’une Jeanne d’Arc en prières
destinée à l’église de Sèvres. Jeanne, les cheveux coupés courts et
revêtue de son armure, est agenouillée sur la bordure du chœur, les
mains jointes, tout entière à l’acte de foi que murmurent ses lèvres;
quelques hommes d’armes sont debout derrière elle, tandis que des
femmes et des enfants s’efforcent de rompre la barrière qu’ils leur
opposent pour contempler de plus près la miraculeuse vierge. Les
expressions et les gestes, notamment celui du gamin qui se faufile
au premier rang, sont saisis sur le vif. M. Paul-Hippolyte Flandrin
n’a eu certainement qu’à transposer ce que tout le monde a pu voir
lors de n’importe quelle cérémonie ; mais, loin de l’en blâmer, il
faut l’en louer hautement, car c’est par des détails de cette nature
qu’un peintre sauve ce qu’il y a de conventionnel et de factice dans
un sujet aussi rebattu que celui-ci. 11 faut louer aussi la gamme
harmonieuse des tons des murs de la vieille cathédrale, des
vêtements, des armures, où se marient les gris éteints, les biens
verdâtres, les réveils discrets de l’acier. L’humble église de Sèvres
sera désormais un but de promenade pour les délicats.
 
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