HUBERT VAN EYCK
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En effet, depuis le 18 septembre 1426 jusqu’au 6 mai 1432, il n’y a
qu’un espace de cinq ans, sept mois et cinq jours, dont il faut
déduire une année, deux mois et sept jours d’absence avec l'ambas-
sade à la cour du Portugal, ce qui ne laisse que quatre ans et cinq
mois, dont il faut encore déduire le temps pris par les « voyaiges
socrez » que Philippe le Bon lui ordonna de « faire en certains lieux
dont il ne voulut autre déclaration être faite». Si, comme il y a
tout lieu de le croire, il accompagna André de Thoulongeon en
Espagne, à la recherche d’une épouse pour le duc, il doit avoir été
absent au moins trois mois. Ensuite, il faut encore déduire le temps
pris par des absences à Lille et à Hesdin, et par l’exécution des
commandes du duc. En outre, il ne faut pas oublier que les comptes
de la Recette des finances pour les années 1429 et 1430 et ceux de la
Recede générale de Flandre pour l’année 1 427 et les cinq années
suivantes sont tous perdus ; si nous les possédions, nous aurions
sans doule les preuves d’autres absences. Dans le courant de l’année
1431, Jan quitta Lille, se maria et s’établit à Bruges, où il acheta
une maison. Je crois qu’il ne peut s’être occupé de l’achèvement du
retable que dans les intervalles de loisir qui lui furent laissés par
le duc, dans le courant de cette année et les quatre premiers mois
de 1432. Ce temps lui aurait suffi pour peindre les deux volets
que je lui attribue ; or, chose digne de remarque, ces volets dépas-
sent en hauteur le panneau sur lequel est peint le Père Eternel,
panneau central qu’ils recouvraient quand le tableau était fermé ;
probablement ces panneaux ont été faits à Bruges, d’après des
dimensions fautives prises à Gand. En outre, les détails d’archi-
tecture du milieu de la chambre de la Vierge, sur le revers, ne
concordent pas avec ceux des portions où se trouvent Marie et
Gabriel.
Je considère Hubert comme le dernier grand représentant des
anciennes traditions ; il recherche la beauté abstraite et imperson-
nelle, tandis que Jan, innovateur hardi et réaliste, prend scs
modèles autour de lui et sans choisir. L’Adam sert ici d’exemple :
c’est bien le portrait du modèle qui s’est déshabillé pour poser
devant le peintre, car les différences de ton entre la ligure et les
mains, et les autres parties du corps, montrent que cet homme
portait des vêtements. Dans les tableaux signés par Jan, on cher-
chera en vain un visage de la Vierge aussi pur, aussi beau et aussi
noble que ceux qui sont sur le retable de Gand. Le contraste entre
les draperies des personnages dans le retable et dans les panneaux
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En effet, depuis le 18 septembre 1426 jusqu’au 6 mai 1432, il n’y a
qu’un espace de cinq ans, sept mois et cinq jours, dont il faut
déduire une année, deux mois et sept jours d’absence avec l'ambas-
sade à la cour du Portugal, ce qui ne laisse que quatre ans et cinq
mois, dont il faut encore déduire le temps pris par les « voyaiges
socrez » que Philippe le Bon lui ordonna de « faire en certains lieux
dont il ne voulut autre déclaration être faite». Si, comme il y a
tout lieu de le croire, il accompagna André de Thoulongeon en
Espagne, à la recherche d’une épouse pour le duc, il doit avoir été
absent au moins trois mois. Ensuite, il faut encore déduire le temps
pris par des absences à Lille et à Hesdin, et par l’exécution des
commandes du duc. En outre, il ne faut pas oublier que les comptes
de la Recette des finances pour les années 1429 et 1430 et ceux de la
Recede générale de Flandre pour l’année 1 427 et les cinq années
suivantes sont tous perdus ; si nous les possédions, nous aurions
sans doule les preuves d’autres absences. Dans le courant de l’année
1431, Jan quitta Lille, se maria et s’établit à Bruges, où il acheta
une maison. Je crois qu’il ne peut s’être occupé de l’achèvement du
retable que dans les intervalles de loisir qui lui furent laissés par
le duc, dans le courant de cette année et les quatre premiers mois
de 1432. Ce temps lui aurait suffi pour peindre les deux volets
que je lui attribue ; or, chose digne de remarque, ces volets dépas-
sent en hauteur le panneau sur lequel est peint le Père Eternel,
panneau central qu’ils recouvraient quand le tableau était fermé ;
probablement ces panneaux ont été faits à Bruges, d’après des
dimensions fautives prises à Gand. En outre, les détails d’archi-
tecture du milieu de la chambre de la Vierge, sur le revers, ne
concordent pas avec ceux des portions où se trouvent Marie et
Gabriel.
Je considère Hubert comme le dernier grand représentant des
anciennes traditions ; il recherche la beauté abstraite et imperson-
nelle, tandis que Jan, innovateur hardi et réaliste, prend scs
modèles autour de lui et sans choisir. L’Adam sert ici d’exemple :
c’est bien le portrait du modèle qui s’est déshabillé pour poser
devant le peintre, car les différences de ton entre la ligure et les
mains, et les autres parties du corps, montrent que cet homme
portait des vêtements. Dans les tableaux signés par Jan, on cher-
chera en vain un visage de la Vierge aussi pur, aussi beau et aussi
noble que ceux qui sont sur le retable de Gand. Le contraste entre
les draperies des personnages dans le retable et dans les panneaux