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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vantaux et la grande glace de bois sculpté et doré que le marchand
Montvallat acquit, il y a une trentaine d’années, parmi les dé-
pouilles d’un hôtel de la rue du Bac, rendu fameux par les décorations
que Voltaire appelait les « impertinentes magnificences » de Jacques-
Samuel Bernard, surintendant de la maison delà reine, qui devait tris-
tement finir, vingt ans plus tard, dans une scandaleuse banqueroute.
Sera-t-il jamais possible d’introduire dans nos musées cette
cohabitation souhaitable et désirée, de restituer des « ensembles »,
où peintres, tapissiers, céramistes et sculpteurs voisineraient pour
leur mutuel avantage? Les locaux du Louvre s’y prêtent peu, hélas!
Quelques tentatives ont pourtant été faites. La dernière, la plus
discrète, dans une toute petite salle, —entre le « mobilier » et les
(c dessins », — où l’on a groupé les portraits de Mme Favart et du
maréchal de Saxe; mais un marchand de photographies y est venu
aussitôt installer ses comptoirs et l’effet espéré a été irrémédia-
blement compromis. Et des raisons d’Etat s’opposent, parait-il,
à ce qu’il soit déménagé dans la salle voisine, plus spacieuse pour-
tant!... Mais revenons aux sculptures du Musée Jacquemart-André.
La série française n’y commence qu’au xvie siècle — et encore
ne compte-t-elle, à vrai dire, que deux morceaux de cette époque,
puisque le buste de Coysevox que l’on pourrait être tenté d’y classer
est daté de 1711. Les lecteurs de la Gazette connaissent déjà le buste
d’Henri IV, publié ici même par Paul Vitry1 et ils n’ont pas oublié
la fine effigie de l’invincible monarque
Par qui T univers a tremblé
Et qui revit, malgré la Parque,
En cet ouvrage de Tremblay.
C’est un portrait posthume, officiel, où les traits physionomiques
sont légèrement atténués et qui reste pourtant très expressif. Le
Béarnais était un bon modèle et, sans même aller jusqu’au bout de
sa ressemblance, les portraitistes y trouvaient aisément leur aftaire.
Pascal leur a bien enseigné, à sa manière, qu’ils doivent puiser
en eux-mêmes la véritable originalité, puisque « plus on est ori-
ginal plus on trouve qu’il y a d’hommes originaux ». Mais on aime
mieux, tout de même, avoir à portraiturer Henri IV. Barthélemy
Tremblay, qui avait épousé en 1596, à Saint-Pierre d’Avon près
Fontainebleau, Madeleine du Breuil, la sœur du peintre Toussaint du
1. Gazette des Beaux-Arts, 1898, t. Il, p. 461.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vantaux et la grande glace de bois sculpté et doré que le marchand
Montvallat acquit, il y a une trentaine d’années, parmi les dé-
pouilles d’un hôtel de la rue du Bac, rendu fameux par les décorations
que Voltaire appelait les « impertinentes magnificences » de Jacques-
Samuel Bernard, surintendant de la maison delà reine, qui devait tris-
tement finir, vingt ans plus tard, dans une scandaleuse banqueroute.
Sera-t-il jamais possible d’introduire dans nos musées cette
cohabitation souhaitable et désirée, de restituer des « ensembles »,
où peintres, tapissiers, céramistes et sculpteurs voisineraient pour
leur mutuel avantage? Les locaux du Louvre s’y prêtent peu, hélas!
Quelques tentatives ont pourtant été faites. La dernière, la plus
discrète, dans une toute petite salle, —entre le « mobilier » et les
(c dessins », — où l’on a groupé les portraits de Mme Favart et du
maréchal de Saxe; mais un marchand de photographies y est venu
aussitôt installer ses comptoirs et l’effet espéré a été irrémédia-
blement compromis. Et des raisons d’Etat s’opposent, parait-il,
à ce qu’il soit déménagé dans la salle voisine, plus spacieuse pour-
tant!... Mais revenons aux sculptures du Musée Jacquemart-André.
La série française n’y commence qu’au xvie siècle — et encore
ne compte-t-elle, à vrai dire, que deux morceaux de cette époque,
puisque le buste de Coysevox que l’on pourrait être tenté d’y classer
est daté de 1711. Les lecteurs de la Gazette connaissent déjà le buste
d’Henri IV, publié ici même par Paul Vitry1 et ils n’ont pas oublié
la fine effigie de l’invincible monarque
Par qui T univers a tremblé
Et qui revit, malgré la Parque,
En cet ouvrage de Tremblay.
C’est un portrait posthume, officiel, où les traits physionomiques
sont légèrement atténués et qui reste pourtant très expressif. Le
Béarnais était un bon modèle et, sans même aller jusqu’au bout de
sa ressemblance, les portraitistes y trouvaient aisément leur aftaire.
Pascal leur a bien enseigné, à sa manière, qu’ils doivent puiser
en eux-mêmes la véritable originalité, puisque « plus on est ori-
ginal plus on trouve qu’il y a d’hommes originaux ». Mais on aime
mieux, tout de même, avoir à portraiturer Henri IV. Barthélemy
Tremblay, qui avait épousé en 1596, à Saint-Pierre d’Avon près
Fontainebleau, Madeleine du Breuil, la sœur du peintre Toussaint du
1. Gazette des Beaux-Arts, 1898, t. Il, p. 461.