Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 11.1914)

LA COLLECTION CAMONDO AU MUSÉE DU LOUVRE

LES PEINTURES ET LES] DESSINS

(deuxième article1)

a destinée d’Édouard Manet est sin-
gulière2. C’était un homme char-
mant, sympathique, élégant, de
bonne éducation. Dès ses débuts,,
avec des œuvres qui aujourd’hui,
lorsqu’elles entrent dans un musée,
nous étonnent presque par leur
aspect traditionnel et classique, il
a eu le privilège d’exciter le scan-
dale. De 1860 à 1882, sa carrière
de peintre fut courte. Nul n’a paru
plus soucieux de se renouveler
constamment; au reste, il n’avait rien d’un théoricien : il a suivi
son instinct qui le poussait à explorer tous les problèmes que le»
hasards de la vie ou les rencontres des idées offraient à sa curio-
sité et à sa fantaisie, donnant sa préférence à ce qui était dédaigné
jusqu’alors comme indigne d’intérêt, sûr qu’il était d’avoir en lui
cette aristocratie de l’esprit et de la main qui suffisent à justifier
toutes les hardiesses. Il a couru d’une nouveauté à une autre,
embrassant chacune avec une hâte passionnée et comme une crainte
que le temps ne lui manquât. Chaque tentative nouvelle fut
accueillie comme une provocation au bon goût et presque à la
morale publique. La bataille est finie depuis longtemps : elle a été
gagnée par Manet, ou plutôt par les amis de Manet, qui sont allés
plus loin que lui dans la voie où il s’était engagé avec une juvénile
audace et qui ont vécu assez pour jouir de la victoire. Cependant,

1. V. Gazette des Beaux-Arts, 1914, t. I, p. 387.

2. Voir l’article de M. Louis Gonse sur Manet (Gazette des Beaux-Arts, 1884,
l. I, p. 133 et suiv.).

xi.

4e 'période.